LES ANTIQUES DE L’ERMITAGE A SAINT-PÉTERSBOURG. 31
liqueur à laquelle on attribuait une foule de vertus médicinales et ma-
giques : peut-être préparait-il tout simplement des entraves. Plus à droite
encore, le propriétaire de la prairie et des bêtes qui y paissent vient de
descendre de cheval : sa monture, sellée et bridée, attend paisiblement,
pour se mettre à brouter, que son cavalier ait achevé de lui entraver les
jambes de devant. A gauche du premier groupe, celui de la jument et des
gens qui l’entourent, un homme placé devant un cheval qu’il tient par
un licou lui prend et lui plie le genou gauche, en même temps que pesant
sur la corde, il lui fait tourner la tète vers la droite : tout à l’heure,
en la lui ramenant vers la gauche par un mouvement brusque, il lui fera
perdre l’équilibre et l’abattra sur le flanc. Sur le derrière du vase, deux
autres serviteurs viennent de lancer des cordes à des chevaux qui bondis-
sent et cherchent à fuir, tandis que les deux derniers chevaux du trou-
peau paissent encore sans inquiétude l’herbe rase de la steppe.
Bien avant d’aller à Saint-Pétersbourg, je connaissais par les gravures
des Comptes rendus cette magnifique pièce, mais j’avoue qu’elle a dépassé
de beaucoup mon attente. Tout en elle excite l’admiration, et la rareté
extrême d’objets de ce prix, et l’intérêt du sujet, et l'adresse de l’exécu-
tion. J’ai grand’peine à croire que l’orfèvre qui l’a faite fût d’Olbia, ou du
moins que sa main et son œil se fussent formés là : son habileté de ciseleur
n’est certes pas indigne d’un atelier athénien. Entoutcas, toutefois, il avait
vu des Scythes; il savait sur le bout du doigt et leur physionomie, et
leur costume, et leurs mœurs. Ceux qu’il nous montre diffèrent d’ailleurs
fort peu, est-il besoin de le dire, de ceux du torques et du vase du
Koul-Oba : des copies contemporaines du même modèle ne peuvent pré-
senter de grandes divergences. Ce sont les mêmes tignasses rudes, épaisses
et longues, les mêmes tuniques brodées, pourvues de manches et serrées
à la taille par une ceinture en cuir, les mêmes pantalons rentrés dans des
demi-bottes que deux cordes assujettissent autour du pied et autour du
mollet. Comme le ditfortbien M. Viardot : u Puen n’a changé dans les modes
sur les bords du Dnieper depuis 2200 ans, » et ce vase joint à ses autres
mérites celui de compléter un ensemble de documents plus instructifs
que tous les textes du monde pour l’ethnographie de l’ancienne Scythie.
Ils montrent de la manière la plus évidente la justesse de l’hypothèse qui
fait des Scythes les ancêtres des Pmsses actuels, hypothèse la plus
simple et, à qiriori, la plus probable de toutes, et qui, pour cela même
peut-être, est de toutes celle qui a trouvé parmi les savants le moins
d’adeptes.
Deux des huit personnages figurés sur la frise de l’amphore de Niko-
pol portent, attaché à la ceinture, le goryte ou étui en cuir destiné à
liqueur à laquelle on attribuait une foule de vertus médicinales et ma-
giques : peut-être préparait-il tout simplement des entraves. Plus à droite
encore, le propriétaire de la prairie et des bêtes qui y paissent vient de
descendre de cheval : sa monture, sellée et bridée, attend paisiblement,
pour se mettre à brouter, que son cavalier ait achevé de lui entraver les
jambes de devant. A gauche du premier groupe, celui de la jument et des
gens qui l’entourent, un homme placé devant un cheval qu’il tient par
un licou lui prend et lui plie le genou gauche, en même temps que pesant
sur la corde, il lui fait tourner la tète vers la droite : tout à l’heure,
en la lui ramenant vers la gauche par un mouvement brusque, il lui fera
perdre l’équilibre et l’abattra sur le flanc. Sur le derrière du vase, deux
autres serviteurs viennent de lancer des cordes à des chevaux qui bondis-
sent et cherchent à fuir, tandis que les deux derniers chevaux du trou-
peau paissent encore sans inquiétude l’herbe rase de la steppe.
Bien avant d’aller à Saint-Pétersbourg, je connaissais par les gravures
des Comptes rendus cette magnifique pièce, mais j’avoue qu’elle a dépassé
de beaucoup mon attente. Tout en elle excite l’admiration, et la rareté
extrême d’objets de ce prix, et l’intérêt du sujet, et l'adresse de l’exécu-
tion. J’ai grand’peine à croire que l’orfèvre qui l’a faite fût d’Olbia, ou du
moins que sa main et son œil se fussent formés là : son habileté de ciseleur
n’est certes pas indigne d’un atelier athénien. Entoutcas, toutefois, il avait
vu des Scythes; il savait sur le bout du doigt et leur physionomie, et
leur costume, et leurs mœurs. Ceux qu’il nous montre diffèrent d’ailleurs
fort peu, est-il besoin de le dire, de ceux du torques et du vase du
Koul-Oba : des copies contemporaines du même modèle ne peuvent pré-
senter de grandes divergences. Ce sont les mêmes tignasses rudes, épaisses
et longues, les mêmes tuniques brodées, pourvues de manches et serrées
à la taille par une ceinture en cuir, les mêmes pantalons rentrés dans des
demi-bottes que deux cordes assujettissent autour du pied et autour du
mollet. Comme le ditfortbien M. Viardot : u Puen n’a changé dans les modes
sur les bords du Dnieper depuis 2200 ans, » et ce vase joint à ses autres
mérites celui de compléter un ensemble de documents plus instructifs
que tous les textes du monde pour l’ethnographie de l’ancienne Scythie.
Ils montrent de la manière la plus évidente la justesse de l’hypothèse qui
fait des Scythes les ancêtres des Pmsses actuels, hypothèse la plus
simple et, à qiriori, la plus probable de toutes, et qui, pour cela même
peut-être, est de toutes celle qui a trouvé parmi les savants le moins
d’adeptes.
Deux des huit personnages figurés sur la frise de l’amphore de Niko-
pol portent, attaché à la ceinture, le goryte ou étui en cuir destiné à