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GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
à la fin du Ve siècle, tandis qu’avec les têtes de terre cuite de Tarente la
marche de l’histoire de l’art continue à se dérouler au travers du îv® et
du 111e siècle, et en particulier on voit s’y exercer très-puissamment l’ac-
tion des nouveaux principes introduits par Lysippe, dont une des œuvres
les plus fameuses et les plus considérables, le colosse de bronze de Zeus,
avait été précisément exécutée pour Tarente.
Toutes ces terres cuites, dont la destination votive ne saurait être
douteuse, étaient entièrement peintes de couleurs vives, appliquées après
la cuisson. Beaucoup des fragments portent encore des traces de cette
coloration. Les chairs de l’homme couché, qu’il soit barbu ou imberbe,
sont uniformément revêtues d’une couche de minium, qui s’étend aussi
sur ses cheveux et sa barbe, et rappelle ce que Pausanias nous dit d’an-
ciens xoana de Dionysos complètement peints en rouge dans une intention
symbolique. Le manteau qui enveloppe ses jambes est blanc, avec une
bordure rouge ; la palmette et les rosaces de la coiffure sont généralement
jaunes. Sur les exemplaires les plus précieusement exécutés, les yeux ont
été peints avec beaucoup de soin et quelquefois la chevelure est noire.
Les chairs de la femme sont d’un blanc rosé, avivé de carmin sur les
joues; sa chevelure, peinte en jaune ou en rouge brique, paraît quelque-
fois avoir été dorée. Ses vêtements sont blancs, avec une bande le plus
souvent rouge, quelquefois aussi bleue, vers les bords.
Il serait peut-être téméraire de chercher à assigner des noms précis
aux personnages du groupe typique qui se reproduit dans ces terres cuites
avec les variations que nous avons signalées. Ce qui est certain, d’une part,
c’est que la composition en offre une remarquable analogie avec celle des
stèles de banquet funèbres si multipliées dans certaines parties de la
Grèce ; d’autre part, c’est qu’il s’agit d’un type particulièrement consacré
dans la religion des Hellènes italiotes. En effet, dans les fouilles qu’il
exécute à Métaponte pour le gouvernement italien, M. l’ingénieur Michèle
La Cava vient de découvrir, à quelque distance du temple d’Apollon
Lycien, dont la Masseria di Sansone occupe l’emplacement, un dépôt de
terres cuites reproduisant le même type et évidemment sorties des mêmes
moules que celles de Tarente. Par l’échange des deux modes de représen-
tation tantôt juvénile et imberbe, tantôt virile et barbue, par le type habi-
tuellement donné à sa tête, surtout quand elle a la barbe, par son attitude,
par ses attributs, le personnage couché du sexe masculin éveille l’idée
d’un Dionysos. C’est ainsi que l’on serait porté à le désigner, et la figure
de la femme voilée assise au pied de son lit conviendrait assez bien à une
Dêmêter, envisagée comme son épouse. Mais, dans ce cas, comment fau-
drait-il appeler l’enfant qu’elle porte souvent dans ses bras et qui est tou-
GAZETTE UES BEAUX-ARTS.
à la fin du Ve siècle, tandis qu’avec les têtes de terre cuite de Tarente la
marche de l’histoire de l’art continue à se dérouler au travers du îv® et
du 111e siècle, et en particulier on voit s’y exercer très-puissamment l’ac-
tion des nouveaux principes introduits par Lysippe, dont une des œuvres
les plus fameuses et les plus considérables, le colosse de bronze de Zeus,
avait été précisément exécutée pour Tarente.
Toutes ces terres cuites, dont la destination votive ne saurait être
douteuse, étaient entièrement peintes de couleurs vives, appliquées après
la cuisson. Beaucoup des fragments portent encore des traces de cette
coloration. Les chairs de l’homme couché, qu’il soit barbu ou imberbe,
sont uniformément revêtues d’une couche de minium, qui s’étend aussi
sur ses cheveux et sa barbe, et rappelle ce que Pausanias nous dit d’an-
ciens xoana de Dionysos complètement peints en rouge dans une intention
symbolique. Le manteau qui enveloppe ses jambes est blanc, avec une
bordure rouge ; la palmette et les rosaces de la coiffure sont généralement
jaunes. Sur les exemplaires les plus précieusement exécutés, les yeux ont
été peints avec beaucoup de soin et quelquefois la chevelure est noire.
Les chairs de la femme sont d’un blanc rosé, avivé de carmin sur les
joues; sa chevelure, peinte en jaune ou en rouge brique, paraît quelque-
fois avoir été dorée. Ses vêtements sont blancs, avec une bande le plus
souvent rouge, quelquefois aussi bleue, vers les bords.
Il serait peut-être téméraire de chercher à assigner des noms précis
aux personnages du groupe typique qui se reproduit dans ces terres cuites
avec les variations que nous avons signalées. Ce qui est certain, d’une part,
c’est que la composition en offre une remarquable analogie avec celle des
stèles de banquet funèbres si multipliées dans certaines parties de la
Grèce ; d’autre part, c’est qu’il s’agit d’un type particulièrement consacré
dans la religion des Hellènes italiotes. En effet, dans les fouilles qu’il
exécute à Métaponte pour le gouvernement italien, M. l’ingénieur Michèle
La Cava vient de découvrir, à quelque distance du temple d’Apollon
Lycien, dont la Masseria di Sansone occupe l’emplacement, un dépôt de
terres cuites reproduisant le même type et évidemment sorties des mêmes
moules que celles de Tarente. Par l’échange des deux modes de représen-
tation tantôt juvénile et imberbe, tantôt virile et barbue, par le type habi-
tuellement donné à sa tête, surtout quand elle a la barbe, par son attitude,
par ses attributs, le personnage couché du sexe masculin éveille l’idée
d’un Dionysos. C’est ainsi que l’on serait porté à le désigner, et la figure
de la femme voilée assise au pied de son lit conviendrait assez bien à une
Dêmêter, envisagée comme son épouse. Mais, dans ce cas, comment fau-
drait-il appeler l’enfant qu’elle porte souvent dans ses bras et qui est tou-