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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 25.1882

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Nr. 6
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Proust, Antonin: Le Salon de 1882, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24257#0525

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LE SALON DE 1 882.

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homme de n’avoir pas les qualités de son voisin est un procédé quelque
peu naïf et tout à fait injuste. Il est fort naturel que l’on préfère, selon son
tempérament, selon la direction de son esprit, telle qualité dominante à
telle autre. Mais condamner une œuvre parce qu’elle n’a pas le charme
qui a votre préférence, cela peut passer pour excessif. Au surplus, ce que
la critique est en droit de demander à quiconque fait acte de penseur,
c’est s’il a été, s’il est, ou s’il annonce devoir être quelqu'un. Et l’on ne
saurait contester à M. Baudry ce rare mérite de la conviction éloquente.
N’aurait-il pas, au reste, les grandes qualités de peintre qui lui permettent
de traduire sa pensée sous une forme séduisante, je lui saurais gré d’avoir,
lorsque tant d’autres prennent les routes faciles, persisté dans une voie
chaque jour plus rude parce qu’elle est plus abandonnée. Je veux parler
de sa fidélité au sentiment du décoratif, qui est le caractère propre de
notre art national et que l’on doit s’attacher à faire renaître pour la plus
grande gloire du nom français.

A ce propos, il me sera permis de dire que les pouvoirs publics ne
font peut-être pas tout ce qu’ils ont le devoir de faire. Après avoir
dépensé le meilleur des ressources communes à acheter à la suite des
expositions des œuvres dont la plupart n’enrichissent pas les musées aux-
quels on les destine, ils font des commandes sans destination précise, ou
bien ils partagent la décoration d’un même édifice entre des artistes d’un
tempérament très différent, renouvelant ainsi, et à titre définitif, le spec-
tacle des rapprochements antipathiques qui sont la terreur des exposants
dans les Salons annuels, ou bien encore ils ouvrent des concours hâtifs et
d’un attrait insuffisant.

J’approuve beaucoup les acquisitions faites dans les expositions, car
si on les avait toujours faites avec intelligence on ne payerait pas aujour-
d’hui des Rousseau 130,000 francs, et l’on n’en serait pas à déplorer de
n’avoir pas dans nos musées les plus illustres toiles des plus illustres
représentants de l’art, français; mais j’approuve ces acquisitions à la con-
dition que l’on ne prête point l’oreille à ces recommandations complaisantes
qui sont plus fâcheuses encore pour ceux qui en sont l’objet que pour ceux
qui les font, il n’est pas, en effet, de plus mauvais service à rendre à un
exposant sans avenir que de l’encourager dans une carrière qu’il serait
charitable de lui faire abandonner à temps. Je comprends encore que l’on
commande à un artiste l’exécution d’une œuvre dont il a eu l’initiative et
qu’on lui facilite les moyens de réaliser ou de développer sa pensée. Mais
les pouvoirs publics doivent surtout s’attacher à susciter ces grandes et
fortes collaborations des architectes, des peintres et des sculpteurs qui font
les monuments complets. Non seulement l’État peut, mieux que les parti-
 
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