JACQUES-PHILIPPE BOUCHARDON
97
ébénisterie d’art) se soit aussi largement acclimatée qu’à Stockholm vers
17/io; de 1782 à 1755, on ne compte pas moins de 26 maîtres-sculpteurs
ou apprentis ayant immigré en Suède. L’école de sculpture française, envi-
sagée dans son ensemble, a joué un rôle civilisateur assez intéressant et assez
important pour justifier une étude approfondie.
Parmi les sculpteurs français que l’on trouve à Stockholm vers le milieu
du xvme siècle, il en est un dont l’envergure domine, au point de vue artis-
tique, celle de tous les autres : c’est Jacques-Philippe Bouchardon. Il est, à
tout prendre, le seul maître français en Suède qui, par la gravité de la
volonté et la haute tenue de la forme, mérite de prendre place à côté des
grands artistes de son temps. Il paraît, par conséquent, à la fois naturel et
équitable qu’il soit, parmi les maîtres français ayant exercé leur art en Suède,
le premier à faire l'objet d'une étude détaillée. Au cours de cette étude, nous
essayerons d’esquisser, à la lumière des rares faits dont le hasard nous a par-
cimonieusement transmis le souvenir, la destinée de cet artiste qui vint se
terminer à Stockholm, un jour d’hiver de 1753.
Les renseignements précis que nous possédons sur la vie du maître et sur
son œuvre étaient jusqu’ici particulièrement clairsemés. Pendant toute la
durée de son séjour en Suède, Bouchardon se trouva, en efTet, attaché d’une
façon stable, et avec des émoluments annuels, à la construction du château;
il en résulte que nous sommes privés, touchant l’œuvre du maître, des ren-
seignements que nous eussions pu trouver dans les vérifications delà comp-
tabilité. Il est cruel, lorsqu’on parcourt ces registres, de suivre, jour après
jour, la production du plus infime des ouvriers et de ne retrouver que çà et
là, au hasard d’un incident futile: livraison déplâtré, confection d’un modèle
en bois, etc., le nom de Bouchardon, associé à l’une de ses œuvres.
Un destin inclément a, de bonne heure, effacé toutes les traces laissées
par Bouchardon dans son ancienne comme dans sa nouvelle patrie. Une jeu-
nesse gaspillée, une formation tardive, une situation subalterne dans l’atelier
d’un frère passablement despotique expliquent que nous ne connaissions
aucune œuvre originale sortie des mains de Jacques-Philippe, antérieure-
ment à son départ pour la Suède. Rien d étonnant, par suite, à ce que la
France ait oublié son nom. Paris, métropole des Arts, ne s’intéressait guère
à ce qui se passait en Suède, aux confins du monde artistique. Quiconque
s’éloignait du centre tombait rapidement dans l’oubli, à moins qu’il ne réap-
parût, comme Falconet, pour défendre avec bec et ongles sa place au soleil .
J.-Ph. Bouchardon ne revint jamais, et fût-il rentré dans sa patrie que
son talent eût été impuissant à lui frayer un chemin dans l’ardente concur-
rence qui sévissait sous le règne de Louis XV. Son nom lui-même s’effaça
dans la gloire de son frère. Ne semble-t-il pas qu'on entende un écho fugitif
97
ébénisterie d’art) se soit aussi largement acclimatée qu’à Stockholm vers
17/io; de 1782 à 1755, on ne compte pas moins de 26 maîtres-sculpteurs
ou apprentis ayant immigré en Suède. L’école de sculpture française, envi-
sagée dans son ensemble, a joué un rôle civilisateur assez intéressant et assez
important pour justifier une étude approfondie.
Parmi les sculpteurs français que l’on trouve à Stockholm vers le milieu
du xvme siècle, il en est un dont l’envergure domine, au point de vue artis-
tique, celle de tous les autres : c’est Jacques-Philippe Bouchardon. Il est, à
tout prendre, le seul maître français en Suède qui, par la gravité de la
volonté et la haute tenue de la forme, mérite de prendre place à côté des
grands artistes de son temps. Il paraît, par conséquent, à la fois naturel et
équitable qu’il soit, parmi les maîtres français ayant exercé leur art en Suède,
le premier à faire l'objet d'une étude détaillée. Au cours de cette étude, nous
essayerons d’esquisser, à la lumière des rares faits dont le hasard nous a par-
cimonieusement transmis le souvenir, la destinée de cet artiste qui vint se
terminer à Stockholm, un jour d’hiver de 1753.
Les renseignements précis que nous possédons sur la vie du maître et sur
son œuvre étaient jusqu’ici particulièrement clairsemés. Pendant toute la
durée de son séjour en Suède, Bouchardon se trouva, en efTet, attaché d’une
façon stable, et avec des émoluments annuels, à la construction du château;
il en résulte que nous sommes privés, touchant l’œuvre du maître, des ren-
seignements que nous eussions pu trouver dans les vérifications delà comp-
tabilité. Il est cruel, lorsqu’on parcourt ces registres, de suivre, jour après
jour, la production du plus infime des ouvriers et de ne retrouver que çà et
là, au hasard d’un incident futile: livraison déplâtré, confection d’un modèle
en bois, etc., le nom de Bouchardon, associé à l’une de ses œuvres.
Un destin inclément a, de bonne heure, effacé toutes les traces laissées
par Bouchardon dans son ancienne comme dans sa nouvelle patrie. Une jeu-
nesse gaspillée, une formation tardive, une situation subalterne dans l’atelier
d’un frère passablement despotique expliquent que nous ne connaissions
aucune œuvre originale sortie des mains de Jacques-Philippe, antérieure-
ment à son départ pour la Suède. Rien d étonnant, par suite, à ce que la
France ait oublié son nom. Paris, métropole des Arts, ne s’intéressait guère
à ce qui se passait en Suède, aux confins du monde artistique. Quiconque
s’éloignait du centre tombait rapidement dans l’oubli, à moins qu’il ne réap-
parût, comme Falconet, pour défendre avec bec et ongles sa place au soleil .
J.-Ph. Bouchardon ne revint jamais, et fût-il rentré dans sa patrie que
son talent eût été impuissant à lui frayer un chemin dans l’ardente concur-
rence qui sévissait sous le règne de Louis XV. Son nom lui-même s’effaça
dans la gloire de son frère. Ne semble-t-il pas qu'on entende un écho fugitif