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LA CHRONIQUE DES ARTS
l’harmonie de l’ensemble les arrangements
partiels ou les habiletés du pinceau. Deux des
scènes repr sentées, la procession de la chasse
et le saint examinant les plans que lui sou-
met le moine architecte, se passent en plein
air; c’est q l'intérieur d’une églisè, au contraire,
c’est-à-dire dans un demi-jour pénétrant par
de larges baies, que le saint est ordonné prêtre
et que s’accomplissent les miracles auxquels
il piéside. Au-dessus de la composition cen-
trale représentant Dieu dans sa gloirerecevant
les hommages de saint Cloud et de sainte Clo-
tilde, M. üuval-le-Camus, autant pour parer
à un inconvénient inhérent à la place même
occupée par l’autel, que pour indiquer l’é-
poque précise où fut exécutée 1 œuvre consi-
dérable qu’il vient de terminer, a peint une
vue de Saint-Cloud dans l’état où ôtait ce vil-
lage avant les désastres récents qui l’ont en
partie anéanti. A l'exemple des vieux maîtres
qui souvent représentaient les scènes de l’an-
cien et du nouveau Testament dans les mai-
sons qu’ils habitaient ou dans les villes qui
leur avaient donné le jour, il a tenu à repré-
senter l’aspect d’un pays auquel le ratta-
chent des liens de famille et à montrer à ses
successeurs le lieu où une partie de la popu-
lation parisienne allait se reposer des fatigues
de la semaine, avant que des mains ennemies
y aient porté la dévastation et la ruine.
Cette œuvre fait honneur à celui qui l’a
entreprise ; elle donne raison à l’administra-
tion qui a eu le bon goûtde cuntier à un peintre
auquel il n’avait pas encore été donné de dé-
velopper aussi complètement ses aptitudes, la
décoration entière d'un monument; elle sera
pour les artistes le principal attrait de cepelit
village autrefois si fréquenté et si habité,
aujourd’hui devenu , grâce à l’invasion, un
séjour de tristesse et une preuve vivante des
malheurs de la patrie.
Georges Duplessis.
■. «.»>$<..► ..
MOUVEMENT DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
Une des ventes les plus importantes de l’année
a eu lieu à Londres, le 12 juin dernier: c’est celle
de M. Alexandre Barker, composée principalement
de tableaux des anciennes écoles italiennes, mais
qui comptait aussi quelques œuvres de maîtres
français. Voici quelques prix en livres sterling :
Pater, le Colin Maillard, 53G liv. st. — Sassofer-
rato, Madone, 420. — Boucher, 8 panneaux déco-
ratifs, groupes d’Enfants bordés de fleurs, 6,332. —
Memelinc, Vierge ù l'enfant, accompagnée de sainte
Catherine et de sainte Marguerite, et d’anges qui
supportent une couronne, 1,362, — G. Beilini, la
Vierge, l’Enfant, saint Pierre et sainte Hélène, 756.
— Ghirlandajo, la Vierge et l’Enfant entourés
d’anges et de saints, devant d’autel, 367. — Filip-
pino Lippi, Adoration des Mages, 315 ; Vierge sur
un trône, 509. — G. da Fabriano, Madone et En-
fant, 399. — A. Previtale, Vierge tenant l'Enfant
Jésus sur ses genoux, saint Jean à gauche, 693. —
B. di Siena, Vierge sur un trône, présentant une
rose à lEnfant Jésus, 525. — Francia, la Vierge,
l Enfant Jésus, saint Jean et deux anges, tableau
oyal, 682. — G. Crivessi, trois Saints dans leurs
niches, 566 ; Vierge en extase, datée de 1492, 579.
— Pollaiuolo, Vierge et Enfant Jésus, 693. — P.
délia Francesea, Nativité, 2,413. — L. Signorelli,
l Histoire de Coriolan, 483 ; le Triomphe de la
Chasteté, 840. — L. di Credi, Vierge à genoux de-
vant l'Enfant Jésus, saint Joseph à gauche, 483. —
Pinturicchio, le Retour d'Ulysse, 2,152; Histoire de
Griselidis, en trois parties, 210, 241, 273. — S.
Botticelli, Vénus et Mars, 1,050; Vénus dans un
paysage, Amours qui lui lancent des roses, 1,507;
Vierge en adoration devant le Sauveur, saint Joseph
à droite, 1,680.
Le total des prix a atteint le chiffre de 38,591 liv.
Le British Muséum a fait des acquisitions pour
une somme de dix mille livres sterling. La Prusse
a enlevé quelques-uns des meilleurs morceaux.
LES ENVOIS DE ROME
L’époque des envois des pensionnaires de Rome,
qui avait été retardée depuis la guerre, a été avan-
cée cette année par suite d’un nouveau règlement
afin que l’Académie des beaux-arts pût adresser
ses observations et ses conseils aux élèves avant
qu’ils aient pu recommencer les travaux d’une
nouvelle période scolaire. Aussi ces envois sont-ils
peu nombreux, surtout parmi les œuvres des
statuaires.
Les pensionnaires de Rome étaient prévenu de-
puis longtemps cependant.
M. Lafrance seul, élève de 3e année, a envoyé
un buste en piètre, portrait d’un jeune homme
assez finement modelé. Suivant une mode qui
date de peu d’années, le buste, qui descend jus-
qu’au défaut des côtes, est ajusté avec bras et
mains. C’est à l’artiste de se tirer comme il le
peut du costume moderne. M. Lafrance a beau-
coup amplifié et débraillé celui qui revêtait son
modèle ; mais, en définitive, il ne nous semble
pas nécessaire d’aller à Rome pour y faire une
œuvre de ce style.
M. Dupuis, graveur en médailles, élève de lre an-
née, prouve que peuvent être des statuaires de
fort médiocres dessinateurs. L’académie envoyée
par lui est détestable, Vllissus ne vaut guère,
taudis que le bas-relief représentant Chloé à la
fontaine est une œuvre charmante. Par la pose,
elle rappelle la statue que M. Scliœnewerck avait
exposée au salon de 1873, et par le style elle fait
penser à Clodion.
Dans un bas-relief de cire rouge où M. Dupuis
a représenté un jeune homme assis de profil, la
tête penchée en avant et les deux mains sur une
lyre qui pose sur ses genoux, il faut voir Orphée
pleurant Eurydice. Alors il ne la pleure que
d’un œil, celui qu’on ne voit pas. Lu simplicité
de l’attitude convient bien d’ailleurs à un projet
d’intaille.
Un médaillon, également de cire rouge, repré-
sentant une tête de jeune fille d’un modelé très-
flou, qui n’a qu’un tort, celui de vouloir symboli-
ser la Paix, à moins que ce ne soit la paix du
boudoir, et un coin d’acier très-largement exécuté
d’après une tête d'Alexandre antique, complètent
LA CHRONIQUE DES ARTS
l’harmonie de l’ensemble les arrangements
partiels ou les habiletés du pinceau. Deux des
scènes repr sentées, la procession de la chasse
et le saint examinant les plans que lui sou-
met le moine architecte, se passent en plein
air; c’est q l'intérieur d’une églisè, au contraire,
c’est-à-dire dans un demi-jour pénétrant par
de larges baies, que le saint est ordonné prêtre
et que s’accomplissent les miracles auxquels
il piéside. Au-dessus de la composition cen-
trale représentant Dieu dans sa gloirerecevant
les hommages de saint Cloud et de sainte Clo-
tilde, M. üuval-le-Camus, autant pour parer
à un inconvénient inhérent à la place même
occupée par l’autel, que pour indiquer l’é-
poque précise où fut exécutée 1 œuvre consi-
dérable qu’il vient de terminer, a peint une
vue de Saint-Cloud dans l’état où ôtait ce vil-
lage avant les désastres récents qui l’ont en
partie anéanti. A l'exemple des vieux maîtres
qui souvent représentaient les scènes de l’an-
cien et du nouveau Testament dans les mai-
sons qu’ils habitaient ou dans les villes qui
leur avaient donné le jour, il a tenu à repré-
senter l’aspect d’un pays auquel le ratta-
chent des liens de famille et à montrer à ses
successeurs le lieu où une partie de la popu-
lation parisienne allait se reposer des fatigues
de la semaine, avant que des mains ennemies
y aient porté la dévastation et la ruine.
Cette œuvre fait honneur à celui qui l’a
entreprise ; elle donne raison à l’administra-
tion qui a eu le bon goûtde cuntier à un peintre
auquel il n’avait pas encore été donné de dé-
velopper aussi complètement ses aptitudes, la
décoration entière d'un monument; elle sera
pour les artistes le principal attrait de cepelit
village autrefois si fréquenté et si habité,
aujourd’hui devenu , grâce à l’invasion, un
séjour de tristesse et une preuve vivante des
malheurs de la patrie.
Georges Duplessis.
■. «.»>$<..► ..
MOUVEMENT DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
Une des ventes les plus importantes de l’année
a eu lieu à Londres, le 12 juin dernier: c’est celle
de M. Alexandre Barker, composée principalement
de tableaux des anciennes écoles italiennes, mais
qui comptait aussi quelques œuvres de maîtres
français. Voici quelques prix en livres sterling :
Pater, le Colin Maillard, 53G liv. st. — Sassofer-
rato, Madone, 420. — Boucher, 8 panneaux déco-
ratifs, groupes d’Enfants bordés de fleurs, 6,332. —
Memelinc, Vierge ù l'enfant, accompagnée de sainte
Catherine et de sainte Marguerite, et d’anges qui
supportent une couronne, 1,362, — G. Beilini, la
Vierge, l’Enfant, saint Pierre et sainte Hélène, 756.
— Ghirlandajo, la Vierge et l’Enfant entourés
d’anges et de saints, devant d’autel, 367. — Filip-
pino Lippi, Adoration des Mages, 315 ; Vierge sur
un trône, 509. — G. da Fabriano, Madone et En-
fant, 399. — A. Previtale, Vierge tenant l'Enfant
Jésus sur ses genoux, saint Jean à gauche, 693. —
B. di Siena, Vierge sur un trône, présentant une
rose à lEnfant Jésus, 525. — Francia, la Vierge,
l Enfant Jésus, saint Jean et deux anges, tableau
oyal, 682. — G. Crivessi, trois Saints dans leurs
niches, 566 ; Vierge en extase, datée de 1492, 579.
— Pollaiuolo, Vierge et Enfant Jésus, 693. — P.
délia Francesea, Nativité, 2,413. — L. Signorelli,
l Histoire de Coriolan, 483 ; le Triomphe de la
Chasteté, 840. — L. di Credi, Vierge à genoux de-
vant l'Enfant Jésus, saint Joseph à gauche, 483. —
Pinturicchio, le Retour d'Ulysse, 2,152; Histoire de
Griselidis, en trois parties, 210, 241, 273. — S.
Botticelli, Vénus et Mars, 1,050; Vénus dans un
paysage, Amours qui lui lancent des roses, 1,507;
Vierge en adoration devant le Sauveur, saint Joseph
à droite, 1,680.
Le total des prix a atteint le chiffre de 38,591 liv.
Le British Muséum a fait des acquisitions pour
une somme de dix mille livres sterling. La Prusse
a enlevé quelques-uns des meilleurs morceaux.
LES ENVOIS DE ROME
L’époque des envois des pensionnaires de Rome,
qui avait été retardée depuis la guerre, a été avan-
cée cette année par suite d’un nouveau règlement
afin que l’Académie des beaux-arts pût adresser
ses observations et ses conseils aux élèves avant
qu’ils aient pu recommencer les travaux d’une
nouvelle période scolaire. Aussi ces envois sont-ils
peu nombreux, surtout parmi les œuvres des
statuaires.
Les pensionnaires de Rome étaient prévenu de-
puis longtemps cependant.
M. Lafrance seul, élève de 3e année, a envoyé
un buste en piètre, portrait d’un jeune homme
assez finement modelé. Suivant une mode qui
date de peu d’années, le buste, qui descend jus-
qu’au défaut des côtes, est ajusté avec bras et
mains. C’est à l’artiste de se tirer comme il le
peut du costume moderne. M. Lafrance a beau-
coup amplifié et débraillé celui qui revêtait son
modèle ; mais, en définitive, il ne nous semble
pas nécessaire d’aller à Rome pour y faire une
œuvre de ce style.
M. Dupuis, graveur en médailles, élève de lre an-
née, prouve que peuvent être des statuaires de
fort médiocres dessinateurs. L’académie envoyée
par lui est détestable, Vllissus ne vaut guère,
taudis que le bas-relief représentant Chloé à la
fontaine est une œuvre charmante. Par la pose,
elle rappelle la statue que M. Scliœnewerck avait
exposée au salon de 1873, et par le style elle fait
penser à Clodion.
Dans un bas-relief de cire rouge où M. Dupuis
a représenté un jeune homme assis de profil, la
tête penchée en avant et les deux mains sur une
lyre qui pose sur ses genoux, il faut voir Orphée
pleurant Eurydice. Alors il ne la pleure que
d’un œil, celui qu’on ne voit pas. Lu simplicité
de l’attitude convient bien d’ailleurs à un projet
d’intaille.
Un médaillon, également de cire rouge, repré-
sentant une tête de jeune fille d’un modelé très-
flou, qui n’a qu’un tort, celui de vouloir symboli-
ser la Paix, à moins que ce ne soit la paix du
boudoir, et un coin d’acier très-largement exécuté
d’après une tête d'Alexandre antique, complètent