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LA CHRONIQUE DES ARTS
velure se déroule en longs anneaux noirs. La Reli-
gion, .debout, du côté opposé à la Renommée, le-
vant le calice, symbole de la passion du Christ,
pose une main sur le bras de la mère, comme
p.our la consoler. Un ange, sans ailes, un enfant,
descendant les degrés de l’autel, porte un cartel
avec ces mots :
BELLA MATRIBVS DETESTATA
Un laurier arraché et couché par terre, une en-
seigne que surmonte l’aigle, une pointe de lance
sanglante et un cartel portant l’inscription S P E S
gisent à terre aux premiers plans. L’allusion est
transparente.
Mais que signifie le titre de la composition, rap-
proché de cette inscription qui eu occupe le centre.
Bella matribus detestata, et surtout de cette mère au
désespoir?
Où est le sacrifice? Qui a fait le sacrifice? C’est
•sans doute le fils ; car certainement ce n’est point,
la mère. Il nous semble que pour ne point poser
d’énigme et pour donner plus d'unité à sa pensée,
M. Merson eût dû donner à la mère une douleur
plus Spartiate, ou, si l’on veut, plus résignée. Mais
M. L. A. Merson se soucie bien de l’unité.
La Religion et la mère sont d’un côté; la Renom-
mée de l’autre; la victime entre les deux : l’enfant
au cartel en avant, chacun avec sa coloration et
ses lignes distinctes. Le nimbe et le calice d’or de
la Religion, la trompette d’or de la Renommée
font leurs taches brillantes au milieu de tout cela.
Il est vrai que pour essayer de relier les figures et
les choses, une tonalité rosée court à travers les
marbres blancs de l’autel et de la terrasse ; à tra-
vers les draperies du linceuil, pour aller des lu-
mières du manteau verdâtre de la Religion à la
robe rougeâtre de la Renommée, tandis que le fond
rouge du cartouche soutient les colorations noires
du manteau de la mère et s’harmonise avec le vert
sombre du laurier. Au fond, les colonnes roses du
temple contrastent également avec le vert pâle de,
ses portes de bronze.
Où apparaît la bizarrerie, c’est dans le dessin
maniéré de la main que la Religion pose sur le
bras de la mère, et dans l’agitation de ses orteils ;
mais surtout dans la figure de la Renommée. Là,
tout s’agite; les formes sont ronflantes, les drape-
ries redondantes flottent au vent. Une mince et
longne écharpe qui s’enroule autour de la trom-
pette s’en va enguirlander les ailes. Qui motive
tout ce mouvement dans une figure posée, — en-
core si elle volait ! — tandis que tout est calme
•autour d’elle? On dirait cette gaillarde bien por-
tante empruntée à Goltzius ou à quelque autre
maître ronflant des commencements du xviic
siècle.
Il y a, malgré tout, un certain sentiment de
grandeur décorative dans cette composition; et, en
la voyant s’étaler avec son effet diffus, nous pen-
sions qu’il y avait là comme un carton de tapisse-
rie. —- C’est notre métier d’en chercher. —- Il n’y
manquerait qu’une bordure appropriée au sujet.
Or, M. L. A. Merson y avait songé, dit-on. Il
l’avait composée même. Il avait pensé qu’après
Raphaël, qui avait peint ou imaginé les décora-
tions des stanze et des loggie du Vatican, ainsi
que les cartons dont les tapisseries y existent égale-
ment, il pouvait, lui, pauvre élève envoyé dans
Rome pour y étudier ces beaux décors, il pouvait
bien essayer de s’en inspirer. Mais lorsqu’il voulut
mettre son projet à exécution, on s’y serait opposé
par ces mémorables paroles : « On vous envoie à
Rome pour être peintre, et non tapissier! »
Est-ce assez. Institut!
Alfred Darcel.
CONGRÈS NATIONAL
DES
ARCHITECTES FRANÇAIS
Comme la Chronique l’annonçait dans son
dernier numéro, le deuxième congrès natio -
nal des architectes français, organisé par les
soins de la Société centrale de Paris, a été te-
nu, en l’Hémicycle de l’Ecole des beaux arts,
du lo au 22 juin dernier.
Les première et deuxième séances ont été
consacrées à l’étude de questions de responsa-
bilité et de jurisprudence très-savamment élu-
cidées par M. Hermant, secrétaire principal de
la Société centrale, et à l’étude toute d’actua-
lité des concours publics. Sur cette question
si controversée, M. Vandenberghe, président
de la Société des architectes du département
du Nord, a présenté, au nom de cette Société,
un travail très-complet et très-concluant,.
Dans la troisième séance, M. Paul Sédille
a pris la parole et a traité avec un juste sen-
timent de l’art comme avec une grande préoc
cupation des moyens pratiques la question à
l'ordre du jour : « Les industries d’art natip-
« nales et l’étude des moyens susceptibles de
« les faire revivre dans les différents contres
« où elles ont brillé autrefois. » Nous regret-
tons que la place nous manque pour repro-
duire aujourd’hui les conclusions présentées
par M. Paul Sédille sur un sujet qui, non seu-
lement se rattache directement à l’art, mais
encore intéresse si vivement la prospérité
comme la gloire même du pays. Aussi espé-
rons-nous pouvoir revenir prochainement sur
cette conférence et sur une étude qui a toutes
les sympathies de la Gazette des Beaux-Arts.
Des questions professionnelles et des com-
munications archéologiques ont occupé les
séances suivantes, dans lesquelles M. Flichey,
vice-président de la Société des architectes du
département de l’Aube, et M. Mallay, prési-
dent des sociétés d’architectes de l’ancienne
province d’Auvergne, ont fait part au congrès
de récentes découvertes archéologiques qui,
dans leurs départements, ont mis au jour de
précieux restes de l'art gallo-romain.
Enlin, dans la dernière séance du congrès,
après une ingénieuse restitution du palais
d’Ulysse à Ithaque, présentée par M. Ch. Lucas
s’autorisant de récentes fouilles et les expli-
quant par le texte même et les descriptions
d’Homère, M. Henri Labrouste, membre de
l’Institut, président de la Société centrale, a
remis à MM. Lesoufaché et F. Rolland, archi-
tectes à Paris, et à M. Benoit, architecte à
Lyon, les médailles que, sur la proposition
de deux de ses membres, MM. Jules et
Paul Sédille, la Société centrale a décidé
LA CHRONIQUE DES ARTS
velure se déroule en longs anneaux noirs. La Reli-
gion, .debout, du côté opposé à la Renommée, le-
vant le calice, symbole de la passion du Christ,
pose une main sur le bras de la mère, comme
p.our la consoler. Un ange, sans ailes, un enfant,
descendant les degrés de l’autel, porte un cartel
avec ces mots :
BELLA MATRIBVS DETESTATA
Un laurier arraché et couché par terre, une en-
seigne que surmonte l’aigle, une pointe de lance
sanglante et un cartel portant l’inscription S P E S
gisent à terre aux premiers plans. L’allusion est
transparente.
Mais que signifie le titre de la composition, rap-
proché de cette inscription qui eu occupe le centre.
Bella matribus detestata, et surtout de cette mère au
désespoir?
Où est le sacrifice? Qui a fait le sacrifice? C’est
•sans doute le fils ; car certainement ce n’est point,
la mère. Il nous semble que pour ne point poser
d’énigme et pour donner plus d'unité à sa pensée,
M. Merson eût dû donner à la mère une douleur
plus Spartiate, ou, si l’on veut, plus résignée. Mais
M. L. A. Merson se soucie bien de l’unité.
La Religion et la mère sont d’un côté; la Renom-
mée de l’autre; la victime entre les deux : l’enfant
au cartel en avant, chacun avec sa coloration et
ses lignes distinctes. Le nimbe et le calice d’or de
la Religion, la trompette d’or de la Renommée
font leurs taches brillantes au milieu de tout cela.
Il est vrai que pour essayer de relier les figures et
les choses, une tonalité rosée court à travers les
marbres blancs de l’autel et de la terrasse ; à tra-
vers les draperies du linceuil, pour aller des lu-
mières du manteau verdâtre de la Religion à la
robe rougeâtre de la Renommée, tandis que le fond
rouge du cartouche soutient les colorations noires
du manteau de la mère et s’harmonise avec le vert
sombre du laurier. Au fond, les colonnes roses du
temple contrastent également avec le vert pâle de,
ses portes de bronze.
Où apparaît la bizarrerie, c’est dans le dessin
maniéré de la main que la Religion pose sur le
bras de la mère, et dans l’agitation de ses orteils ;
mais surtout dans la figure de la Renommée. Là,
tout s’agite; les formes sont ronflantes, les drape-
ries redondantes flottent au vent. Une mince et
longne écharpe qui s’enroule autour de la trom-
pette s’en va enguirlander les ailes. Qui motive
tout ce mouvement dans une figure posée, — en-
core si elle volait ! — tandis que tout est calme
•autour d’elle? On dirait cette gaillarde bien por-
tante empruntée à Goltzius ou à quelque autre
maître ronflant des commencements du xviic
siècle.
Il y a, malgré tout, un certain sentiment de
grandeur décorative dans cette composition; et, en
la voyant s’étaler avec son effet diffus, nous pen-
sions qu’il y avait là comme un carton de tapisse-
rie. —- C’est notre métier d’en chercher. —- Il n’y
manquerait qu’une bordure appropriée au sujet.
Or, M. L. A. Merson y avait songé, dit-on. Il
l’avait composée même. Il avait pensé qu’après
Raphaël, qui avait peint ou imaginé les décora-
tions des stanze et des loggie du Vatican, ainsi
que les cartons dont les tapisseries y existent égale-
ment, il pouvait, lui, pauvre élève envoyé dans
Rome pour y étudier ces beaux décors, il pouvait
bien essayer de s’en inspirer. Mais lorsqu’il voulut
mettre son projet à exécution, on s’y serait opposé
par ces mémorables paroles : « On vous envoie à
Rome pour être peintre, et non tapissier! »
Est-ce assez. Institut!
Alfred Darcel.
CONGRÈS NATIONAL
DES
ARCHITECTES FRANÇAIS
Comme la Chronique l’annonçait dans son
dernier numéro, le deuxième congrès natio -
nal des architectes français, organisé par les
soins de la Société centrale de Paris, a été te-
nu, en l’Hémicycle de l’Ecole des beaux arts,
du lo au 22 juin dernier.
Les première et deuxième séances ont été
consacrées à l’étude de questions de responsa-
bilité et de jurisprudence très-savamment élu-
cidées par M. Hermant, secrétaire principal de
la Société centrale, et à l’étude toute d’actua-
lité des concours publics. Sur cette question
si controversée, M. Vandenberghe, président
de la Société des architectes du département
du Nord, a présenté, au nom de cette Société,
un travail très-complet et très-concluant,.
Dans la troisième séance, M. Paul Sédille
a pris la parole et a traité avec un juste sen-
timent de l’art comme avec une grande préoc
cupation des moyens pratiques la question à
l'ordre du jour : « Les industries d’art natip-
« nales et l’étude des moyens susceptibles de
« les faire revivre dans les différents contres
« où elles ont brillé autrefois. » Nous regret-
tons que la place nous manque pour repro-
duire aujourd’hui les conclusions présentées
par M. Paul Sédille sur un sujet qui, non seu-
lement se rattache directement à l’art, mais
encore intéresse si vivement la prospérité
comme la gloire même du pays. Aussi espé-
rons-nous pouvoir revenir prochainement sur
cette conférence et sur une étude qui a toutes
les sympathies de la Gazette des Beaux-Arts.
Des questions professionnelles et des com-
munications archéologiques ont occupé les
séances suivantes, dans lesquelles M. Flichey,
vice-président de la Société des architectes du
département de l’Aube, et M. Mallay, prési-
dent des sociétés d’architectes de l’ancienne
province d’Auvergne, ont fait part au congrès
de récentes découvertes archéologiques qui,
dans leurs départements, ont mis au jour de
précieux restes de l'art gallo-romain.
Enlin, dans la dernière séance du congrès,
après une ingénieuse restitution du palais
d’Ulysse à Ithaque, présentée par M. Ch. Lucas
s’autorisant de récentes fouilles et les expli-
quant par le texte même et les descriptions
d’Homère, M. Henri Labrouste, membre de
l’Institut, président de la Société centrale, a
remis à MM. Lesoufaché et F. Rolland, archi-
tectes à Paris, et à M. Benoit, architecte à
Lyon, les médailles que, sur la proposition
de deux de ses membres, MM. Jules et
Paul Sédille, la Société centrale a décidé