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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1831 (Nr. 10-61)

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Numéro 28 (12 Mai 1831) Planches 55,56-56bis
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217 -- LA CARICATURE.-218

Apercevant un monsieur qui paraissait être de la famille, je de-
mandai a Dervillesi c était un parent de sa femme. C était un ami de
la maison qui voulait bien partager les plaisirs, les peines et parfois
le dîner des deux époux.

A peine fus-je assis que mon ami appela Chariot pour me le faire
voir Chariot, bourrelet en tête, bavette au menton et tartine en
main , accourut gaîment à la voix de son père. D’après l’ordre de me
donner la main, Chariot me frappa plusieurs fois la cuisse avec cor-
dialité. Malheureusement c’était de la main qui tenait la tartine, et
mou pantalon fut couvert de confitures. J’embrassai Chariot, alors j’en
eus plein le visage.

Ceci fait, on appela Fanfan, mais Fanfan et son gros joufflu daine
étaient trop affairés pour répondre : tous deux traînaient une espèce
de voiture.... c’était mon chapeau de sylvestrine que ces messieurs
avaient attelé d’une ficelle. Mon ami me fit admirer dans cette cir-
constance combien ses fils étaient ingénieux pour leur âge. Je te-
nais mon chapeau en bois de la munificence de l’inventeur, je ne ré-
pondis rien.

— C’est surtout l'aîné qui est précoce, reprit-il, c’est un vrai
diable; aussi j’en ferai un militaire de celui-là.

— Oui, j’veux être gendarme, moi! cria le gros joufflu. — Puis
sans doute pour nous convaincre de son goût décidé pour les armes,
cet aimable enfant se mit à faire résonner mon chapeau, transformé
en tambour, sous les coups redoublés d’une baguette et d’une cuillère
à pot.

L’arrivée de madame Dervilte vint mettre un terme à ces exercices
belliqueux. Elle avait fait, comme on dit, un bout de toilette, et nous
passâmes à table.

Je fus pour m’asseoir, mais on avait retiré ma chaise, et, sans l’a-
dresse de mon ami, qui me rattrapa en route, j’allais me casser les
reins à jeun, grâce à une innocente espièglerie. On en rit beaucoup.

J’étais placé entre Derville et son fils aîné. Madame était entre
Fanfan et le monsieur de la maison , lequel se chargeait de faire
manger M. Chariot. — Oh! admirable dévouement de l’amitié!

Pendant la première demi-heure, j’eus à essuyer des excuses de la
part de madame Derville sur le mauvais dîner qu’elle allait me don-
ner; mais elle avait été surprise, son mari n’en faisait jamais d’au-
tres! J’excusai mon ami avec chaleur, puis je secouai ma culotte; déjà
mon jeune voisin m’avait donné neuf coups de pied.

On parla politique, modes, spectacles. L’ami de la maison prit la pa-
role; il ne pensait pas comme Derville, sa femme n’était jamais de son
avis; il fut décidé que mon ami était un exalté.

Un événement vint changer le cours de la conversation. La domes-
tique qui apportait un superbe poisson nageant dans la sauce, vint
pour le placer devant moi. Malheureusement, mon jeune voisin vou-
lant savoir avant tout le monde ce que contenait un si grand plat,
s’accrocha à l’un des bords pendant qu’il était suspendu sur ma tête ,
et, en un clin d’œil, tout mon individu eut l’apparence d’une ma-
telotte.

A ce coup, grande rumeur. Madame voulait chasser la domestique
à cause de sa maladresse ;mon ami assurait que c’était moi qui avais
haussé la tête; moi, je dématelottais cette tête coupable, tandis que
l’ami de la maison nettoyait mon habit.

Oh! artiste estimable, qui le premier transformâtes un manche de
gigot en vase nocturne à l’usage d’un marmouzet, que de coups de
crayon vous eût fournis l’intéressante famille de mon ami!

Au dessert, le calme sembla renaître : Chariot avait été emporté à
la cuisine avec le second service, Fanfan, perché sur sa haute chaise,
y dormait paisiblement; mais celte tranquillité apparente était le pré-
lude d’un autre orage.

Pour me donner une nouvelle preuve de l’affection particulière qu il
m’avait témoignée jusque-là, mon jeune voisin, trouvantma part plus
copieuse que la sienne, se mit à pêcher dans mon assiette à pleines
mains par manière de dînette. Son père s’en aperçut et lui débita a ce

sujet une phrase morale accompagnée d’une chiquenaude paternelle r
à quoi l’enfant répondit par des hurlemens épouvantables. Furieuse,
l'œil en feu et l’injure à la bouche, madame Derville s’élança sur son
mari, s’écriant quelle ne voulait pas qu’on battît son enfant. L’ami de
la maison s interposa, tous les marmots se mirent a pleurer en chœur,
et moi, persuadé de la triste figure que devait faire un étranger
dans ce charivari, je pris mon chapeau et m’échappai.

Je n’avais pas descendu deux étages, que je m’aperçus avoir
oublié mes gants. En remontant j’entendis ce même bruit qui m’avait
frappé la première fois, mais d’une manière beaucoup plus distincte
celle-ci. Une voix colère et animée prononçait les mots de monstre ! de
tyran! — J’ouvre... Au même instant, un carafe qui se promenait
dans l’espace, vient frapper l’angle de la porte, crie, se brise et re-
tombe sur moi en pluie et en éclats.

Madame Derville avait disparu; mon ami me fit des excuses de ce
que sa femme s était comportée ce soir-là comme un enfant. J’agréai
le tout comme j’avais reçu le poisson à la sauce et la carafe d’eau
fraîche, c’est-à-dire avec l’air de la plus grande satisfaction, et je
descendis vite les quatre étages, me promettant bien de ne les plus
remonter.

Mais une fois dans la rue:—Eh quoi! m’écriai-je, le bonheur
conjugal ne scrait-il qu’un vain mot! Un époux ne serait-il qu’une
éponge de ménage? Un chef de famille est-il destiné à être coiffé
d’une carafe, si un ami généreux ne se rencontre pas là qui la reçoive
pour lui !... — J’y réfléchirai.

Alfred Coudreux.

UN MOT.

Quelques abonnés de province voudraient que nous donnassions
toujours une explication des caricatures qui accompagnent le jour-
nal. Ils croient que nous mettons fréquemment en scène des hommes
connus principalement à Paris. C’est une erreur. Chaque fois que le
nom n’est pas écrit en entier ou en partie au bas du dessin, ce dessin
ne représente qu’un être idéal, un type, ou bien il est la personni-
fication d’un système. Ainsi, aujourdhui, lescamoteur résumé en un
seul individu qui ne ressemble à personne, la doctrine funeste qui
depuis dix mois nous a fait perdre à peu près tous les fruits de la ré-
volution de juillet. Les autres personnages qui jouent leur rôle dans
cette parade figurent, l’un avec sa grosse caisse, les tapageurs du
juste-milieu; l’autre avec son rire niais et faux, les jocrisses politi-
ques qui siègent derrière le banc des ministres. Quant aux badauds,
mon cher lecteuç, ils nous représentent, vous et moi, et tous nos amis
et connaissances, gens leurrés de belles paroles, sous le nez desquels
on fait passer et repasser des muscades ensorcelées, tantôt inaper-
çues, et tantôt doublées, triplées, sans que jamais nous voyons autre
chose qu’un tour de passe-passe!

Malgré ces observations, toutes les fois que nous pourrons craindre
que notre pensée ne soit pas bien clairement rendue pour tout le
monde, nous nous empresserons d y joindre toutes les explications
possibles.
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