Numéro 54.
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desnoyers (Dervüle), Rédacteur en chef,
au Bureau de la Caricature, galerie Véro-Dodat.
Ci S TI G A? RIDENDO MORES.
25 juin 1851.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, au Bureau de la Caricature,
galerie Véro-Dodat, au-dessus du grand Magasin de
Lithographies d’Aubebt.
MORALE , RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCENIQUE.
(Êarkatures.
LE MEILLEUR RÉPUBLICAIN.
Gloire et envie à M. Bonuichon ! Vive M. Bonnichon ! marchand
bonnetier, milicien volontaire, citoyen delà terre promise, consom-
mateur de la manne divine !
Il n’a pour toute influence qu’une figure honnête, un fourniment
complet, et des bonnets de coton vulgaires. Vous me direz que c’est
peu de chose pour une sommité politique ou une gloire quelconque.
C’est vrai. Mais le destin a tout fait pour M. Bonnichon.
D’abord, il pouvait naître sous l’horizon glacé, où le knout ré-
chauffe l’homme ; sous le ciel brûlant d’Italie , où un parasol ou un
échafaud servent de rafraîchissement. Point. Il est né Butte-des-
Moulins , à Paris ; il est Français. Dès-lors le voilà , pour sa part, hé-
ritier du luxe de Louis dit le Grand , de la gloire de Napoléon , qui
s’est fait grand , des expériences mal comprises de feu M. de Robes-
pierre.
Il a à choisir parmi vingt religions : ii se fait républicain. C’est son
goût. Mais il vit sous une. monarchie. C’est désagréable.
Un jour, le roi de M. Bonnichon divague, le trône fléchit ; son roi
s’en va , le trône s’écroule, et M. Bonnichon pousse un soupir poli-
tique. On parle de république : il se rappelle celle d’Athènes, celle de
Rome, celle de New-York; et appliquant ses lumières en cotonnades
à une organisation sociale , il s’en va partout colportant, pesant, ba-
lançant, élogiant les avantages athéniens, romains, américains.
Ici la fortune de M. Bonnichon le sert encore malgré lui. Il est
Français. Le Français né malin créa le vaudeville. On lui crée une
république exprès à sa taille. On lui en donne une supérieure à toutes
les autres , car elle ne ressemble à aucune. Le lendemain , il peut
mettre sur ses cartes de visites : Bonnichon, bonnetier, citoyen de la
meilleure des républiques.
Jeudi dernier, il est réveillé un peu tôt par un bruit ^ de lui fort
connu. C’est le rappel. Harmonie commerciale qui avertit les indus-
triels qu’on les dispense ce jour-là de régler leurs affaires.
— Allons, Bobonne , dépêche-toi, s’écrie M. Bonnichon, secouant
magnanimement son bonnet. Brosse vite mon uniforme, sors mon
schakos, décroche mon fourniment. Voilà delà besogne.
— Dieu de Dieu ! que vous êtes audacieux, M. Bonnichon ! Dire qu’à
votre âge que vous soyez ainsi susceptible d’émeutes. Que c’est hété-
rogène ! Qu’avec ça , dans les émeutes on peut faire des mauvaises
connaissances , et que chacune vous revient toujours à quinze francs
d’extra, l’une dans l’autre.
— Que veux-tu , Bobonne , quand on est sergent de la meilleure
des républiques, il faut faire son devoir. Une supposition qu’il n’y
aurait plus d’ordre public, vois-tu , il n’y aurait plus de garde natio-
nale. C’est sûr. Eh bien , moi, je ne dois pas souffrir qu’on menace
l’ordre public, parce que mon uniforme m’a coûté xqS fr. 5o cent. ,
et que s’il n’y avait plus de garde nationale , mon uniforme ne me
servirait de rien. — Et puis, il faut que je tâche de mériter la croix
d’honneur qu’on m’a donnée il y a deux mois.
— Adieu , mon pauvre chat.
— Adieu, chérite. Ne sois pas inquiète, vas, j’enverrai le tambour
te donner de mes nouvelles.
(Pur la croisée.) — Bonnichon ! Bonnichon ! !
— De quoi , Bobonne ?
— Attends donc une minute. Que tu cours comme un étourdi, que
tu as oublié ton fusil, que voilà ton fils qui te le descend, avec un
morceau de sucre et un mouchoir blanc.
- RUE SAINT-DENIS.-
M. Bonnichon et sa compagnie devant un rassemblement. — Mes-
sieurs les perturbateurs, voudriez-vous bien, je vous prie, avoir l’obli-
geance de vous évanouir, s’il vous plaît. Votre présence coupable gêne
ici le cours du commerce et des omnibus. Retirez-vous donc vous-
mêmes , estimables perturbateurs, autrement vous me forceriez à
vous y sommer.
Une voix. — Qui donc qui parle d’assommer ?
Un ouvrier. — Si nous nous retirons, aurons-nous de l’ouvrage ?
Un ivrogne. — Diminucra-t-on l’impôt vineux ?
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desnoyers (Dervüle), Rédacteur en chef,
au Bureau de la Caricature, galerie Véro-Dodat.
Ci S TI G A? RIDENDO MORES.
25 juin 1851.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, au Bureau de la Caricature,
galerie Véro-Dodat, au-dessus du grand Magasin de
Lithographies d’Aubebt.
MORALE , RELIGIEUSE , LITTERAIRE ET SCENIQUE.
(Êarkatures.
LE MEILLEUR RÉPUBLICAIN.
Gloire et envie à M. Bonuichon ! Vive M. Bonnichon ! marchand
bonnetier, milicien volontaire, citoyen delà terre promise, consom-
mateur de la manne divine !
Il n’a pour toute influence qu’une figure honnête, un fourniment
complet, et des bonnets de coton vulgaires. Vous me direz que c’est
peu de chose pour une sommité politique ou une gloire quelconque.
C’est vrai. Mais le destin a tout fait pour M. Bonnichon.
D’abord, il pouvait naître sous l’horizon glacé, où le knout ré-
chauffe l’homme ; sous le ciel brûlant d’Italie , où un parasol ou un
échafaud servent de rafraîchissement. Point. Il est né Butte-des-
Moulins , à Paris ; il est Français. Dès-lors le voilà , pour sa part, hé-
ritier du luxe de Louis dit le Grand , de la gloire de Napoléon , qui
s’est fait grand , des expériences mal comprises de feu M. de Robes-
pierre.
Il a à choisir parmi vingt religions : ii se fait républicain. C’est son
goût. Mais il vit sous une. monarchie. C’est désagréable.
Un jour, le roi de M. Bonnichon divague, le trône fléchit ; son roi
s’en va , le trône s’écroule, et M. Bonnichon pousse un soupir poli-
tique. On parle de république : il se rappelle celle d’Athènes, celle de
Rome, celle de New-York; et appliquant ses lumières en cotonnades
à une organisation sociale , il s’en va partout colportant, pesant, ba-
lançant, élogiant les avantages athéniens, romains, américains.
Ici la fortune de M. Bonnichon le sert encore malgré lui. Il est
Français. Le Français né malin créa le vaudeville. On lui crée une
république exprès à sa taille. On lui en donne une supérieure à toutes
les autres , car elle ne ressemble à aucune. Le lendemain , il peut
mettre sur ses cartes de visites : Bonnichon, bonnetier, citoyen de la
meilleure des républiques.
Jeudi dernier, il est réveillé un peu tôt par un bruit ^ de lui fort
connu. C’est le rappel. Harmonie commerciale qui avertit les indus-
triels qu’on les dispense ce jour-là de régler leurs affaires.
— Allons, Bobonne , dépêche-toi, s’écrie M. Bonnichon, secouant
magnanimement son bonnet. Brosse vite mon uniforme, sors mon
schakos, décroche mon fourniment. Voilà delà besogne.
— Dieu de Dieu ! que vous êtes audacieux, M. Bonnichon ! Dire qu’à
votre âge que vous soyez ainsi susceptible d’émeutes. Que c’est hété-
rogène ! Qu’avec ça , dans les émeutes on peut faire des mauvaises
connaissances , et que chacune vous revient toujours à quinze francs
d’extra, l’une dans l’autre.
— Que veux-tu , Bobonne , quand on est sergent de la meilleure
des républiques, il faut faire son devoir. Une supposition qu’il n’y
aurait plus d’ordre public, vois-tu , il n’y aurait plus de garde natio-
nale. C’est sûr. Eh bien , moi, je ne dois pas souffrir qu’on menace
l’ordre public, parce que mon uniforme m’a coûté xqS fr. 5o cent. ,
et que s’il n’y avait plus de garde nationale , mon uniforme ne me
servirait de rien. — Et puis, il faut que je tâche de mériter la croix
d’honneur qu’on m’a donnée il y a deux mois.
— Adieu , mon pauvre chat.
— Adieu, chérite. Ne sois pas inquiète, vas, j’enverrai le tambour
te donner de mes nouvelles.
(Pur la croisée.) — Bonnichon ! Bonnichon ! !
— De quoi , Bobonne ?
— Attends donc une minute. Que tu cours comme un étourdi, que
tu as oublié ton fusil, que voilà ton fils qui te le descend, avec un
morceau de sucre et un mouchoir blanc.
- RUE SAINT-DENIS.-
M. Bonnichon et sa compagnie devant un rassemblement. — Mes-
sieurs les perturbateurs, voudriez-vous bien, je vous prie, avoir l’obli-
geance de vous évanouir, s’il vous plaît. Votre présence coupable gêne
ici le cours du commerce et des omnibus. Retirez-vous donc vous-
mêmes , estimables perturbateurs, autrement vous me forceriez à
vous y sommer.
Une voix. — Qui donc qui parle d’assommer ?
Un ouvrier. — Si nous nous retirons, aurons-nous de l’ouvrage ?
Un ivrogne. — Diminucra-t-on l’impôt vineux ?