- ■ —-»• Numéro 49. --
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDENDO MORES,
0 OCTOBRE 1851.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, au grand Magasin de Caricatures
d’AuBEUT, galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
---"mu 11 IBBBW'qfiftjaBi»
Caricature*.
LETTRE MORALE ET PHILANTROPIQUE
lVUiV FOETUS DE LÉGISLATEUR,
EILS AÎNÉ DE PAIR DE FRANCE,
A M. LE DOCTEUR BROUSSAIS,
DOCTEUR-MÉDECIN, INVENTEUR DES SANGSUES ET DE l’ïAU CLAIRE,
« Monsieur,
« Vous êtes trop savant, sans doute, pour ignorer l’histoire de
cet économiste, qui disait de son âne, après l’avoir fait crever de
faim : « Vraiment, c’est bien dommage que cette pauvre bête
« soit décédée : elle commençait à prendre l’habitude de ne plus rien
« manger. »
« Hé bien ! monsieur, permettez-moi cette comparaison : l’écono-
miste , c’est moi ; et l’âne , ou , pour employer un langage plus parle-
mentaire , le quadrupède , c’est la Chambre des pairs. Je vais tâcher
de me faire entendre, si c’est possible.
« Les adversaires de l’hérédité reprochent à la pairie de n’avoir pas
rempli son but, qui était, disent-ils, de préserver le trône de toute
mésaventure , et la raison qu’ils donnent, c’est que ce même trône a
éprouvé une mésaventure. Sophisme! J’y réponds en disant, comme
l’économiste : C’est bien dommage que la royauté ait trépassé ; car si
elle ne fût pas morte , la Chambre des pairs lui eût sauvé la vie. Oui,
monsieur, c’est la révolution qui est cause de tout, et certainement,
s’il n’y eût pas eu de révolution , la Chambre haute eût préservé le
trône de toute révolution.
« C’est donc pour vous dire que je trouve la pairie extrêmement
utile , moi , surtout, qui dois être pair un jour, et qui suis né législa -
teur, comme M. Mayeux est né bossu, comme il y en a qui naissent
bancals, scrofuleux et rachitiques.
« Vous sentez bien , monsieur, qu’adoptant la pairie pour elle-
même, je dois être un des partisans du système héréditaire. Je me fais
ce raisonnement, que j’ai trouvé tout seul dans les Débats : sans l’hé-
rédité , la pairie ne se recruterait que d’hommes distingués, que de
grands talens et de grands services, ce qui serait un très-grand mal-
heur; car alors les démocrates y couleraient à pleins bords, tandis que,
nous autres aristocrates, nous en serions exclus , comme les caniches
le sont des églises pour cause d’indignité.
« Donc, la pairie doit se transmettre de père en fils. Elle doit res-
sembler à la gale, à la peste et au choléra, c’est-à-dire se commu-
niquer d’individu à individu, avec cette seule différence que, par
la contagion, la gale rend galeux, le choléra donne la colique, et la
peste inocule des bubons; tandis que la pairie, transmissible, ino-
cule la faculté législative. Je tiens d’autant plus à ce système d’épidé-
mie politique , que moi-même je suis fils , petit-fils , oncle , neveu ,
cousin, filleul et parrain de pairs. Il est impossible, comme vous
voyez, que j’échappe au virus législatif, toutes choses restant sur
l’ancien pied. Mais elles n’y resteront pas, voilà le mal. On ne veut
plus de ma peste. La France veut se désinfecter de l’hérédité; elle va
passer la Chambre haute au vinaigre des Quatre-Voleurs, c’est-à-dire
au système électif. Comment donc faire? Ma foi, bien calculé, je n’y
vois qu’un moyen, c’est de prendre l’avance sur la loi à venir, c’est
de me faire admettre au Luxembourg par droit d’infection , avant que
l’infection ait été extirpée. J1 ne s’agit, pour ce, que d’un simple pa-
paticide ; et ceci doit, vous prouver l’excellente moralité du système
héréditaire. Oui, monsieur, il ne s’agit que d’envoyer mon noble et
adoré papa rejoindre ses illustres aïeux; car, malheureusement, le
cher homme persiste à faire des lois , à l’encontre des vœux que je n’ai
cessé d’adresser au ciel pour sa prompte extermination , depuis que j’ai
l’âge requis pour en faire à sa place. On dirait même qu’il y met de
l’obstination.
« Toutefois, monsieur, n’allez pas vous indigner contre ce que vous
appellerez un crime atroce. Non, monsieur, ce ne sera point un crime.
Mon noble papa a cent-deux ans, neuf mois , sept jours ; il est caco-
chyme, asthmatique, hydropique et paralytique; il a déjà perdu l’u-
sage de la parole et celui de la raison, ce qui, toutefois, ne l’empêclie
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDENDO MORES,
0 OCTOBRE 1851.
Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco, au grand Magasin de Caricatures
d’AuBEUT, galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
---"mu 11 IBBBW'qfiftjaBi»
Caricature*.
LETTRE MORALE ET PHILANTROPIQUE
lVUiV FOETUS DE LÉGISLATEUR,
EILS AÎNÉ DE PAIR DE FRANCE,
A M. LE DOCTEUR BROUSSAIS,
DOCTEUR-MÉDECIN, INVENTEUR DES SANGSUES ET DE l’ïAU CLAIRE,
« Monsieur,
« Vous êtes trop savant, sans doute, pour ignorer l’histoire de
cet économiste, qui disait de son âne, après l’avoir fait crever de
faim : « Vraiment, c’est bien dommage que cette pauvre bête
« soit décédée : elle commençait à prendre l’habitude de ne plus rien
« manger. »
« Hé bien ! monsieur, permettez-moi cette comparaison : l’écono-
miste , c’est moi ; et l’âne , ou , pour employer un langage plus parle-
mentaire , le quadrupède , c’est la Chambre des pairs. Je vais tâcher
de me faire entendre, si c’est possible.
« Les adversaires de l’hérédité reprochent à la pairie de n’avoir pas
rempli son but, qui était, disent-ils, de préserver le trône de toute
mésaventure , et la raison qu’ils donnent, c’est que ce même trône a
éprouvé une mésaventure. Sophisme! J’y réponds en disant, comme
l’économiste : C’est bien dommage que la royauté ait trépassé ; car si
elle ne fût pas morte , la Chambre des pairs lui eût sauvé la vie. Oui,
monsieur, c’est la révolution qui est cause de tout, et certainement,
s’il n’y eût pas eu de révolution , la Chambre haute eût préservé le
trône de toute révolution.
« C’est donc pour vous dire que je trouve la pairie extrêmement
utile , moi , surtout, qui dois être pair un jour, et qui suis né législa -
teur, comme M. Mayeux est né bossu, comme il y en a qui naissent
bancals, scrofuleux et rachitiques.
« Vous sentez bien , monsieur, qu’adoptant la pairie pour elle-
même, je dois être un des partisans du système héréditaire. Je me fais
ce raisonnement, que j’ai trouvé tout seul dans les Débats : sans l’hé-
rédité , la pairie ne se recruterait que d’hommes distingués, que de
grands talens et de grands services, ce qui serait un très-grand mal-
heur; car alors les démocrates y couleraient à pleins bords, tandis que,
nous autres aristocrates, nous en serions exclus , comme les caniches
le sont des églises pour cause d’indignité.
« Donc, la pairie doit se transmettre de père en fils. Elle doit res-
sembler à la gale, à la peste et au choléra, c’est-à-dire se commu-
niquer d’individu à individu, avec cette seule différence que, par
la contagion, la gale rend galeux, le choléra donne la colique, et la
peste inocule des bubons; tandis que la pairie, transmissible, ino-
cule la faculté législative. Je tiens d’autant plus à ce système d’épidé-
mie politique , que moi-même je suis fils , petit-fils , oncle , neveu ,
cousin, filleul et parrain de pairs. Il est impossible, comme vous
voyez, que j’échappe au virus législatif, toutes choses restant sur
l’ancien pied. Mais elles n’y resteront pas, voilà le mal. On ne veut
plus de ma peste. La France veut se désinfecter de l’hérédité; elle va
passer la Chambre haute au vinaigre des Quatre-Voleurs, c’est-à-dire
au système électif. Comment donc faire? Ma foi, bien calculé, je n’y
vois qu’un moyen, c’est de prendre l’avance sur la loi à venir, c’est
de me faire admettre au Luxembourg par droit d’infection , avant que
l’infection ait été extirpée. J1 ne s’agit, pour ce, que d’un simple pa-
paticide ; et ceci doit, vous prouver l’excellente moralité du système
héréditaire. Oui, monsieur, il ne s’agit que d’envoyer mon noble et
adoré papa rejoindre ses illustres aïeux; car, malheureusement, le
cher homme persiste à faire des lois , à l’encontre des vœux que je n’ai
cessé d’adresser au ciel pour sa prompte extermination , depuis que j’ai
l’âge requis pour en faire à sa place. On dirait même qu’il y met de
l’obstination.
« Toutefois, monsieur, n’allez pas vous indigner contre ce que vous
appellerez un crime atroce. Non, monsieur, ce ne sera point un crime.
Mon noble papa a cent-deux ans, neuf mois , sept jours ; il est caco-
chyme, asthmatique, hydropique et paralytique; il a déjà perdu l’u-
sage de la parole et celui de la raison, ce qui, toutefois, ne l’empêclie