Numéro 44.
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Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDIiNBO MORES.
—« I SEPTE31BRE 1851. _
Les réclamations, abonnemcns et envois d’argent doivent
être adressés, franco, chez M. Aubert, au grand Ma-
gasin de Caricatures, galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
Caricature#.
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SURNOMMÉ LE VAINQUEUR DES GAULES 5
ou
RELATION VÉRITABLE ET NON CONTREFAITE
DES EXPLOITS REMARQUABLES
QUI VIENNENT DE PLACER POULOT A LA TETE DES PREMIERS CAPITAINES DU SIECLE.
Chapitre premier où l’on verra comme quoi le roi de Hollande
se permit une mauvaise plaisanterie à l’égard de son cousin Léo-
pold ; comme quoi les Belges se sauvèrent ne pouvaut se sauver ; et
comme quoi Grand-Poulot ne fit ni une ni deux.
Un jour de mauvaise digestion, le roi Guillaume dit à ses ministres :
« Messieurs, la Belgique m’embête, cela saute aux yeux de tout le
« monde. Qu’en pensez-vous? »
A ces mots, aussi nobles que touclians, il se fit un silence respec-
tueux, et les conseillers du troue s’arrondirent l’échine en forme de
salutation approbative. Le plus hardi de la bande osa seul répliquer :
« Sire, la Belgique vous embête, cela saute aux yeux de tout le
« monde. Voilà ce que j’en pense. » El Guillaume, bien loin de s’of-
fenser d’un langage aussi lumineux qu’indépendant, détacha de son
cou le grand cordon de ses ordres, en affubla l’orateur et le gratifia
d’une pension de vingt mille livres sur le trésor public, car Guillaume
est un excellent roi constitutionnel. — Après quoi il continua en ces
termes : « Or, il est temps que cela finisse. J’ai là, dans mes casernes,
« soixante mille héros qui, la plupart, sont extraits des galères 5 une
« collection de bandits, d’escrocs, de voleurs, d’assassins, dont j’ai
« écume toute l’Europe, et qui sont animés des plus nobles sentimens,
« des gaillards qui ne craignent ni Dieu ni Diable, hormis leur ca-
'i poral : soldats précieux et point du tout libéraux, qui n’ont pas
a l’ombre d’une idée, mais qui pensent très-bien, et se feraient piler
« dans un mortier pour la légitimité , moyennant deux sous par jour.
« Donc, qu’on donne à tous un petit verre de scbnipp, avec des mou-
« elles cantharides pour les enflammer de l’amour de la gloire; des
« gaules à quelques-uns pour soulever les écluses, des briquets phos-
« phoriques (officiel) pour incendier le pays, et le prince d’Orange
« pour commander cela. »
Il dit et fut prendre du thé.
Cependant, à l’exemple d’un de ses voisins, Léopold s’amusait à
parcourir le monde, arrosant ses nouveaux sujets de sourires, de sa-
luts et de poignées de main , pareil à ces tonneaux qui répandent sur
nos boulevarts une onde rafraîchissante. A chaque pas, c'étaient des
acclamations, des harangues, des arcs de triomphe en fleurs, en pa-
pier, en fil d’arcbal, les seuls que désormais les Belges sachent élever.
Or, ce fut au milieu d’un discours contre les partisans de la guerre à
tout prix, qu’il apprit l’attaque fort incongrue de son cousin Guil-
laume, le débordement de ses écluses parles gaules bataves, l’incendie
de ses villages, et l’effet peu moral des mouches cantharides : force lui
fut d’achever sur les avantages de la guerre son discours commencé
sur les douceurs de la paix. « En avant, marche ! » s’écria-t-il en ter-
minant... et il se replia sur Bruxelles. Arrivé là , il prit les mesures les
plus sages et les plus vigoureuses pour le salut de son peuple : il
nomma M. le comte d’Arschot grand maréchal du palais, et le général
Chasteler son grand-écuyer ( officiel) et alla se coucher.
Et alors , il se passa dans toute la Belgique des choses fort plaisantes,
a Enfin, il est donc arrivé, disait le Moniteur belge, il est donc arrivé.
« ce jour tant souhaité, ce jour de la vengeance ! Aux armes, peuple
« belge! prouvons au monde qu’un brave peuple peut demeurer pur
« de tout joug ou s’ensevelir sous les ruines de ses villes! Courez ! le
a roi et la gloire vous attendent! »
Le roi, c’était possible ; et même, d’après le résultat, on peut con-
clure qu’il les attendit long-temps. Quant à la gloire, c’est autre
chose. La gloire n’aime point à fréquenter les marionettes ; elle ne
peut se plaire en la société de gens qui, en neuf mois de temps, ont
parcouru toute la gamme des opinions politiques , depuis la républi-
que américaine jusqu’à la monarchie anglaise; la gloire les a aimés
aux journées de septembre : elle a cessé : elle aime ceux-là seuls qui
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Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. A. Audibert, Rédacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDIiNBO MORES.
—« I SEPTE31BRE 1851. _
Les réclamations, abonnemcns et envois d’argent doivent
être adressés, franco, chez M. Aubert, au grand Ma-
gasin de Caricatures, galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
Caricature#.
®<Dim&iraMnuES <tà8Ai!WP®WL®iï »
SURNOMMÉ LE VAINQUEUR DES GAULES 5
ou
RELATION VÉRITABLE ET NON CONTREFAITE
DES EXPLOITS REMARQUABLES
QUI VIENNENT DE PLACER POULOT A LA TETE DES PREMIERS CAPITAINES DU SIECLE.
Chapitre premier où l’on verra comme quoi le roi de Hollande
se permit une mauvaise plaisanterie à l’égard de son cousin Léo-
pold ; comme quoi les Belges se sauvèrent ne pouvaut se sauver ; et
comme quoi Grand-Poulot ne fit ni une ni deux.
Un jour de mauvaise digestion, le roi Guillaume dit à ses ministres :
« Messieurs, la Belgique m’embête, cela saute aux yeux de tout le
« monde. Qu’en pensez-vous? »
A ces mots, aussi nobles que touclians, il se fit un silence respec-
tueux, et les conseillers du troue s’arrondirent l’échine en forme de
salutation approbative. Le plus hardi de la bande osa seul répliquer :
« Sire, la Belgique vous embête, cela saute aux yeux de tout le
« monde. Voilà ce que j’en pense. » El Guillaume, bien loin de s’of-
fenser d’un langage aussi lumineux qu’indépendant, détacha de son
cou le grand cordon de ses ordres, en affubla l’orateur et le gratifia
d’une pension de vingt mille livres sur le trésor public, car Guillaume
est un excellent roi constitutionnel. — Après quoi il continua en ces
termes : « Or, il est temps que cela finisse. J’ai là, dans mes casernes,
« soixante mille héros qui, la plupart, sont extraits des galères 5 une
« collection de bandits, d’escrocs, de voleurs, d’assassins, dont j’ai
« écume toute l’Europe, et qui sont animés des plus nobles sentimens,
« des gaillards qui ne craignent ni Dieu ni Diable, hormis leur ca-
'i poral : soldats précieux et point du tout libéraux, qui n’ont pas
a l’ombre d’une idée, mais qui pensent très-bien, et se feraient piler
« dans un mortier pour la légitimité , moyennant deux sous par jour.
« Donc, qu’on donne à tous un petit verre de scbnipp, avec des mou-
« elles cantharides pour les enflammer de l’amour de la gloire; des
« gaules à quelques-uns pour soulever les écluses, des briquets phos-
« phoriques (officiel) pour incendier le pays, et le prince d’Orange
« pour commander cela. »
Il dit et fut prendre du thé.
Cependant, à l’exemple d’un de ses voisins, Léopold s’amusait à
parcourir le monde, arrosant ses nouveaux sujets de sourires, de sa-
luts et de poignées de main , pareil à ces tonneaux qui répandent sur
nos boulevarts une onde rafraîchissante. A chaque pas, c'étaient des
acclamations, des harangues, des arcs de triomphe en fleurs, en pa-
pier, en fil d’arcbal, les seuls que désormais les Belges sachent élever.
Or, ce fut au milieu d’un discours contre les partisans de la guerre à
tout prix, qu’il apprit l’attaque fort incongrue de son cousin Guil-
laume, le débordement de ses écluses parles gaules bataves, l’incendie
de ses villages, et l’effet peu moral des mouches cantharides : force lui
fut d’achever sur les avantages de la guerre son discours commencé
sur les douceurs de la paix. « En avant, marche ! » s’écria-t-il en ter-
minant... et il se replia sur Bruxelles. Arrivé là , il prit les mesures les
plus sages et les plus vigoureuses pour le salut de son peuple : il
nomma M. le comte d’Arschot grand maréchal du palais, et le général
Chasteler son grand-écuyer ( officiel) et alla se coucher.
Et alors , il se passa dans toute la Belgique des choses fort plaisantes,
a Enfin, il est donc arrivé, disait le Moniteur belge, il est donc arrivé.
« ce jour tant souhaité, ce jour de la vengeance ! Aux armes, peuple
« belge! prouvons au monde qu’un brave peuple peut demeurer pur
« de tout joug ou s’ensevelir sous les ruines de ses villes! Courez ! le
a roi et la gloire vous attendent! »
Le roi, c’était possible ; et même, d’après le résultat, on peut con-
clure qu’il les attendit long-temps. Quant à la gloire, c’est autre
chose. La gloire n’aime point à fréquenter les marionettes ; elle ne
peut se plaire en la société de gens qui, en neuf mois de temps, ont
parcouru toute la gamme des opinions politiques , depuis la républi-
que américaine jusqu’à la monarchie anglaise; la gloire les a aimés
aux journées de septembre : elle a cessé : elle aime ceux-là seuls qui