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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1831 (Nr. 10-61)

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Numéro 44 (1er Septembre 1831) Planches 88,89
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https://doi.org/10.11588/diglit.13564#0208

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ont du patriotisme, dû courage et du nerf; elleacela de commun avec
toutes les personnes de son sexe.

La gloire aimera-t-elle Poulot ? Plus tard, nous verrons bien.

Au premier bruit de la rupture des écluses par les gaules bataves,
et de l’effet prodigieux des mouches cantharides, le père de Poulot dit
à Poulot : « Poulot, tu vas prendre ton bancal, et tu vas faire la
« guerre pour maintenir la paix. Allons, ne fais pas la grimace. Hé!
« mon Dieu ! je sais mieux que personne que la guerre est très-mal-
« saine, et qu’un parapluie est moins dangereux qu’une pièce de
« canon ; cependant je me suis battu , à ce qu’on prétend, dans le
« temps qu’on m’avait contraint à être volontaire, et vraiment je n’en
« suis pas fâché maintenant. Or, il est bon qu’un jour tu aies aussi
« ton petit Jemmapes : on ne sait pas ce qui peut arriver. Quand tu
« auras des harangues à faire, si tu restes court, hé bien ! alors, tu
« lâches ta bataille, et tout est dit : la conversation ne languit pas.
« Du courage donc, mon garçon, du courage, il n’y a rien à crain-
« dre. — Bon voyage, lui dirent ses petits frères, et rapporte-
« nous des pralines d’Anvers. —Prends bien garde de te blesser,
« lui cria sa maman , en le voyant s’attacher à son grand bancal. —
« Adieu, fit-il, selon les uns; ah ! Dieu! fit-il, selon les autres;
peut-être aussi ne fit-il rien. Ensuite de quoi, il franchit la frontière.

CHAPITRE DEUXIÈME.

CHARGES.

Argument : Comme quoi Poulot fit des prouesses merveilleuses ; comme
quoi s’étant mis à la fenêtre après avoir bu du champagne, il fut
plis , par le régiment des défonceurs d’écluses hollandaises, pour le
général Lancelot, ce qui les fit évacuer promptement, et lui valut
le surnom de vainqueur des Gaules.

Or, ce fut à Mons que Poulot donna les premières preuves de sa
capacité. L’hotel du Pélican fut le théâtre de ce premier succès : Pou-
lot y mangea trois côtelettes panées, y but douze verres de malaga et
six de ratafia. Simple affaire d’avant-garde. Puis, gonflé à juste titre
par ce premier sourire de la victoire , il se remit en marche , emme-
nant avec lui, dans le fond de sa berline, deux superbes prisonniers
>qu’il avait faits de sa propre main : une dinde aux truffes et un poulet
à la Marengo.

A Soignies, nouveau succès : Poulot, qui avait soif de gloire, y prit
un verre d’anisette. Quant aux prisonniers, apportés de Mons, ils
avaient disparu dans le trajet, on ne sait comment. Vu l’état de leur
santé, on ne peut guère supposer qu’ils s’étaient évadés.

A Steenkerke, l’affaire fut un peu plus chaude. Poulot y prit un
potage, on dit même qu’emporté par son zèle, il en reçut une légère
brûlure. Toutefois, malgré les instances de sa suite, qui le pressait
vivement d’aller se gargariser, il ne voulut point quitter son poste
avant d’avoir vu disparaître sa dernière fricassée : c’est alors seule-
ment qu’on parvint à l’emporter sans connaissance, et dans l’ivresse
de la victoire.

A Hait, petite escarmouche : soupe à l’ognon. Poulot en avait be-
soin , tant jusque-là il s’était montré avide de dangers.

A Anderleclit, affaire de tirailleurs : deux livres de pain et quatre
de Gruyère ; mais sur le pouce et sans débrider.

C’était à Bruxelles que devait se livrer sa première bataille rangée.
Cela se passa dans toutes les règles de la stratégie culinaire. Les ser-
vices étaient parfaitement organisés; les munitions abondantes; et
le plan de bataille , tracé par le général Carême. Aussi, l’affaire fut
longue et sanglante. Plus de deux cents fantassins belges y perdirent la
vie, tels que poulets, faisans, dindons, canards, etc., sans compter
la cavalerie qui y fit des pertes énormes en bœufs, chevreuils, mou-
tons , cochons de lait, etc. Donnons une larme à leur mémoire; mais
ne les pleurons pas. Heureux les braves qui peuvent mourir pour la
liberté! — Poulot exécuta plusieurs charges fort brillantes sur dé-

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normes filets et d’immenses fricandeaux, que hérissaient d’innombra-
bles tranches de lard. Chaque fois, son bras armé de fer y fit des
brèches profondes. Il eût fini peut-être par tout enlever à la fourchette,

sans un accident qui l’arrêta tout court. A quoi tient la gloire?.

Le manche d’un gigot de mouton lui resta au gosier. Vainement fai-
sait-il mille efforts pour s’arracher à ce dangereux ennemi, lorsque,
fort heureusement, le chirurgien-major, ne consultant que son cou-
rage, se jeta à travers la mêlée, renversant tables, chaises, et com-
battans; et, armé d’un simple forceps, parvint à le sauver d’une in-
digestion certaine. — Rien ne peut donner l’idée du spectacle que
présentait alors le champ de bataille : c’étaient des ailes de poulets,
des queues de lièvres, des cuisses de lapins, gisantes là sans sépul-
ture, sur le parquet, au milieu d’un océan de vin , parmi des mon-
tagnes de verres cassés, de carafes brisées, d’assiettes moulues, de
cuillers fourbies et de tronçons de bouteille. Oh ! la guerre, la guerre !
c’est épouvantable ! Et cependant, dans son ravissement, Poulot ne
cessait de dire : « Hé ! quoi ! c’est là la guerre ? Ma foi ! c’est très-
plaisant; et mon papa a bien tort de n’aimer que la paix. »

On pense bien qu'après de si grandes choses , nous devons , histo-
riens pleins de goût, passer sous silence une foule d’escarmouches,
telles qu’un biscuit à Tervueren , un verre de schnipp à Isque, un
roosbeef à Wavres, et autres bagatelles qui précédèrent, sans inter-
ruption , la victoire décisive remportée par Poulot sur le prince d’O-
range en personne. —Voici comment :

Poulot, dans la candeur de son âge, déjeûnait à Louvain, où se
trouvait le roi Léopold, à l’hotel du Magot-Couronné, se remettant
ainsi des nombreuses privations de celle pénible campagne, lorsque,
soudain, une alarme se répand : « Les Hollandais, assure-t-on , con-
« tinuent, malgré l’armistice, de faire usage de leurs gaules, et de
« leurs cantharides aussi. Ils lâchent les écluses , etc. Aux armes!

« —Oh! fit Poulot! si le général Lancelot était là! Il aurait bientôt
« remis les Bataves à leur place, et les flots pareillement! » Et, ce
penseant, il se dirigea sur Tirlemont.

Le prince d’Orange était là, généralissime de tueurs, d’égorgeurs ,
de violeurs, de brûleurs, d’inondateurs, mais excellent homme du
reste, et bon vivaut surtout. On sent bien que Poulot et lui ne pou-
vaient se rencontrer bec à bec sans en venir à une affaire décisive.
L’affaire eut lieu. Ce fut le prince batave qui prit l’initiative et pro-
voqua Poulot en dîner singulier. Fort singulier, vraiment !... Les dis-
positions du prince présentaient un coup-d’œil formidable. Les plats
et les bouteilles ne pouvaient se compter. Il y avait, parmi ces der-
nières, beaucoup de vins étrangers, beaucoup d’Allemands, comme
on l’a dit. Tous vieux , bons crûs, vieux grognards de vins , portant
tous sur leurs flancs ternis de larges chevrons d’une poussière décavé,
avec leur gros pompon de cire rouge. Mais des conscrits de vins, mais
des Jean-Jean? Aucun.—Poulot ne se laissa point intimider à l’aspect
de ces préparatifs : au contraire, A peine on avait donné le signal de
l’attaque, que déjà il avait taillé en pièces, volaille, gibier, marée,
par bataillons; il avait cueilli les lauriers d’un jambon de Mayence,
et pris d’assaut, à l’arme blanche, un énorme pâté de foie gras. Or,
il en était là de ses prouesses , lorsque, tout à coup : Pi ! pan ! pan !
bon! bon ! fusils, canons, mortiers, tout tirait en dehors. Et, cette
fois, c’étaient de vraies détonations ; non de celles qui grisent, mais de
celles qui tuent. Et pourquoi? le voici : Français et Bataves qui, de-
puis l’armistice, se suivaient pacifiquement, à distance de grimaces ,
s’étaient ennuyés finalement de rester l’arme au bras; et, tandis que
leurs chefs se gaudissaient, avaient pris le parti de se gaudir à leur
manière. Chacun la sienne. Les généraux trinquaient ensemble ; les
soldats se battaient à mort. Oh, lesimbécilles!... (Je parle des soldats.)

Heureusement, attiré par le bruit et par les suites apéritives et
fluides d’un copieux champagne, Poulot s’était mis à la fenêtre pour
voir, et pour autre chose aussi. O terreur! le simple aspect d’Achille
fut jadis moins pétrifiant pour l’armée des Troyens. Les Bataves,
voyant Poulot de loin, et trompés par les suites dont j’ai eu l’honneur

LA CARICATURE.
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