Numéro 56. *
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adresse, franco,
k M. A. Audibert, Re'dacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDF.NDO MORES.
T JUILLET 1851.
Les réclamations et envois d’argent doivent être adressés,
franco, au grand Magasin de Caricatures d’Aubert ,
galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
A L'AUTORITÉ ET AUX ABONNÉS DE LA CARICATURE.
Des poursuites multipliées, des saisies aussi surprenantes par la
Forme que par le motif, commencent à accréditer certains bruits. On
dit que la Caricature est devenue odieuse au pouvoir, et qu’il n’est
aucun moyen qu’il ne soit disposé à employer pour étouffer cette voix
retentissante de l’opposition. On dit que des procès nombreux, des
saisies plus fréquentes encore, doivent dégoûter les éditeurs et les
abonnés—
On se trompe, si l’on croit avoir bon marché des citoyens qui se
sont jetés corps et biens dans la carrière!
Dorénavant, les dessins que devra contenir la Caricature seront
déposés au Ministère de l’intérieur plusieurs jours avant la publica-
tion , et un exemplaire sera placé dans un cadre aux carreaux du ma-
gasin d’Aubert.
Dans l’intervalle de ce dépôt à la distribution du journal, si le mi-
nistère public est de bonne foi, s’il ne sévit que parce qu’il croit le
dessin coupable, et non par haine contre notre entreprise., il n’atten-
dra pas, pour saisir, que nos exemplaires soient portés à la poste,
et nous aurons le temps de remplacer les dessins incriminés par
d’autres.
S’il en était autrement, s’il y avait ruine jurée, il y aurait alors
excitation à une lutte acharnée, et nous accepterions le combat à ou-
trance. Le droit de l’homme faible écrase la puissance de l’homme
fort. Plus haut que tous les justiciers, il est encore une justice : —
l’opinion.
Outre qu’il délivre nos abonnés de la conséquence des boutades de
l’autorité, le moyen que nous emploirons n’ôtera rien à la nouveauté
et à • la perfection qui distinguent nos dessins. On sait qu’ils ne sont
jamais livrés à la circulation du commerce : nul autre exemplaire que
celui fixé au cadre d’Aubert ne paraîtra avant le jeudi; c’est donc
comme une confidence jetée dans l’oreille béante du pouvoir, et, au
cas où il mettrait la main dessus, l’active coopération des premiers
artistes nous fournira une ample réserve, où se retrouvera toujours
le charme de leur esprit et de leur talent.
Quant au numéro 35 saisi, que nos abonnés soient bien assurés
que nous ne laisserons pas leur collection incomplète.
SAISIE Dû N" 3 5 DE LA CARICATURE.
Déjà nos abonnés de province auront appris, par la voie des jour-
naux, la saisie qui a été faite jeudi dernier de la Caricature. Diverses
interprétations auront pu même leur faire croire que nous avions
tracé quelque scène du théâtre du Palais-Royal, point : la planche
n° 69 représentait un diplomate célèbre donnant tout simplement au
peuple le spectacle de Polichinelle, où, suivant l’antique tradition,
l’on voyait ce joyeux tapageur frappé par la justice et finissant par
aller rejoindre, plié en deux sur la balustrade, la victime qu’il y a
déjà couchée. Tout ceci est fort innocent, comme on voit. Malheu-
reusement , le prince qui montre la parade est déguisé en Paillasse,
et son habit tricolore porte le timbre de tous les sermens qu’il prêta à
diverses époques. Le prince seul a donc pu être contrarié; c’est pro-
bable ; cependant il est à Londres en ce moment, il ne pouvait con-
naître cette caricature quand elle a été saisie... C’est qu’alors il aura
délégué à quelqu’un le soin de sa réputation... La précaution est
bonne de la part d’une conscience à procès.
La planche n° 70 représentait un maçon occupé à replâtrer, d’un
gâchis appelé Dupinade, un mur portant encore les traces des trois
journées glorieuses. La truelle aux mains du pouvoir n’a point paru
complaire au procureur du Roi. Que M. de Dreux-Brézé eût, en 1829 ,
trouvé dans ce costume un crime de lèze-étiquette, cela se conçoit.... ;
mais qu’en 1831, le vêtement d’une classe laborieuse, utile, hono-
rable, soit une injure à celui qn’on en affuble, c’est, il faut en con-
venir, une étrange application de la considération populaire, de
l’égalité devant la loi !...
Puisqu’il est dans la destinée de la Caricature de rencontrer tou-
Tout ce qui concerne la rédaction doit être adresse, franco,
k M. A. Audibert, Re'dacteur en chef de la Caricature,
rue Bergère , n. ig.
CASTIGAT RIDF.NDO MORES.
T JUILLET 1851.
Les réclamations et envois d’argent doivent être adressés,
franco, au grand Magasin de Caricatures d’Aubert ,
galerie Véro-Dodat.
MORALE, RELIGIEUSE, LITTERAIRE ET SCENIQUE.
A L'AUTORITÉ ET AUX ABONNÉS DE LA CARICATURE.
Des poursuites multipliées, des saisies aussi surprenantes par la
Forme que par le motif, commencent à accréditer certains bruits. On
dit que la Caricature est devenue odieuse au pouvoir, et qu’il n’est
aucun moyen qu’il ne soit disposé à employer pour étouffer cette voix
retentissante de l’opposition. On dit que des procès nombreux, des
saisies plus fréquentes encore, doivent dégoûter les éditeurs et les
abonnés—
On se trompe, si l’on croit avoir bon marché des citoyens qui se
sont jetés corps et biens dans la carrière!
Dorénavant, les dessins que devra contenir la Caricature seront
déposés au Ministère de l’intérieur plusieurs jours avant la publica-
tion , et un exemplaire sera placé dans un cadre aux carreaux du ma-
gasin d’Aubert.
Dans l’intervalle de ce dépôt à la distribution du journal, si le mi-
nistère public est de bonne foi, s’il ne sévit que parce qu’il croit le
dessin coupable, et non par haine contre notre entreprise., il n’atten-
dra pas, pour saisir, que nos exemplaires soient portés à la poste,
et nous aurons le temps de remplacer les dessins incriminés par
d’autres.
S’il en était autrement, s’il y avait ruine jurée, il y aurait alors
excitation à une lutte acharnée, et nous accepterions le combat à ou-
trance. Le droit de l’homme faible écrase la puissance de l’homme
fort. Plus haut que tous les justiciers, il est encore une justice : —
l’opinion.
Outre qu’il délivre nos abonnés de la conséquence des boutades de
l’autorité, le moyen que nous emploirons n’ôtera rien à la nouveauté
et à • la perfection qui distinguent nos dessins. On sait qu’ils ne sont
jamais livrés à la circulation du commerce : nul autre exemplaire que
celui fixé au cadre d’Aubert ne paraîtra avant le jeudi; c’est donc
comme une confidence jetée dans l’oreille béante du pouvoir, et, au
cas où il mettrait la main dessus, l’active coopération des premiers
artistes nous fournira une ample réserve, où se retrouvera toujours
le charme de leur esprit et de leur talent.
Quant au numéro 35 saisi, que nos abonnés soient bien assurés
que nous ne laisserons pas leur collection incomplète.
SAISIE Dû N" 3 5 DE LA CARICATURE.
Déjà nos abonnés de province auront appris, par la voie des jour-
naux, la saisie qui a été faite jeudi dernier de la Caricature. Diverses
interprétations auront pu même leur faire croire que nous avions
tracé quelque scène du théâtre du Palais-Royal, point : la planche
n° 69 représentait un diplomate célèbre donnant tout simplement au
peuple le spectacle de Polichinelle, où, suivant l’antique tradition,
l’on voyait ce joyeux tapageur frappé par la justice et finissant par
aller rejoindre, plié en deux sur la balustrade, la victime qu’il y a
déjà couchée. Tout ceci est fort innocent, comme on voit. Malheu-
reusement , le prince qui montre la parade est déguisé en Paillasse,
et son habit tricolore porte le timbre de tous les sermens qu’il prêta à
diverses époques. Le prince seul a donc pu être contrarié; c’est pro-
bable ; cependant il est à Londres en ce moment, il ne pouvait con-
naître cette caricature quand elle a été saisie... C’est qu’alors il aura
délégué à quelqu’un le soin de sa réputation... La précaution est
bonne de la part d’une conscience à procès.
La planche n° 70 représentait un maçon occupé à replâtrer, d’un
gâchis appelé Dupinade, un mur portant encore les traces des trois
journées glorieuses. La truelle aux mains du pouvoir n’a point paru
complaire au procureur du Roi. Que M. de Dreux-Brézé eût, en 1829 ,
trouvé dans ce costume un crime de lèze-étiquette, cela se conçoit.... ;
mais qu’en 1831, le vêtement d’une classe laborieuse, utile, hono-
rable, soit une injure à celui qn’on en affuble, c’est, il faut en con-
venir, une étrange application de la considération populaire, de
l’égalité devant la loi !...
Puisqu’il est dans la destinée de la Caricature de rencontrer tou-