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du même coup en elle les éléments indispensables à sa résurrection.
Il était nécessaire que l'énergie italienne prît une allure insurrection-
nelle pour rejeter tout ce qu'elle ne reconnaissait pas d'humanité
générale et constante dans ces apports exotiques et rendre au Nord,
à l'heure où celui-ci l'appellerait à l'aide, l'impulsion qu'elle en avait
reçue. Si l'empreinte qu'elle y laissa fut plus profonde, si elle dure
encore, c'est que le grand effort fourni au moyen âge par les peuples
d'au delà les Alpes et le Rhin les avait presque épuisés. C'est aussi
que l'Italie apportait au monde un instrument d'investigation oublié
depuis douze siècles et à qui notre fragment d'humanité devait faire
encore appel pour ne pas succomber. A bout de souffle, le rythme
social réalisé par la Commune occidentale et exprimé avec tant de
force anonyme et cohérente par la Cathédrale et les Niebelungen,
demandait à l'individu de se lever du milieu des foules pour soumettre
l'œuvre des foules à sa critique et découvrir en elles, en lui et dans
l'univers extérieur, les matériaux d'un nouveau rythme où elles pour-
raient un jour se définir, se reconnaître et retrouver, pour un siècle
ou une heure, le sens collectif de l'action.
L'invention de l'imprimerie n'a pas, comme le dit Victor Hugo,
tué l'architecture ogivale. Tout au plus a-t-elle un peu hâté sa mort.
Quand Gutenberg trouva la presse, Masaccio et les Van Eyck avaient,
depuis dix ou quinze ans, montré ses voies à la peinture, et en France
où on ne bâtissait plus que des églises tourmentées dont tous les élé-
ments couraient à la dissociation, Nicolas Froment, Jean Fouquet,
Enguerrand Charonton commençaient à peindre. L'invention de
l'imprimerie reconnaissait les mêmes causes que la décadence de l'art
qui bâtit des édifices auxquels la foule entière mit la main. La décom-
position de l'unité architecturale correspondait au travail d'analyse
qui commençait à diviser le corps social, et la libération des arts et
des sciences, l'essor irrésistible et brusque de la sculpture, de la pein-
ture, de la musique, de la littérature et de l'imprimerie annonçaient
la substitution de l'enquête individuelle à la grande création spontanée
où la magnifique énergie des peuples ressuscités résumait ses besoins
depuis deux ou trois cents ans.
Ce qui attira si longtemps les regards sur l'Italie et fit méconnaître
le travail d'individualisation qui se poursuivait en même temps en
France, en Allemagne, en Flandre, en Angleterre, en Espagne, c'est
que ce travail, dans le Nord et l'Occident, se fit sans à-coups, que la
statue descendit de la niche et la peinture de la verrière sans que
l'artiste cessât de regarder le temple abandonné, à mesure qu'il s'éloi-
gnait de lui. En Italie, au contraire, l'individualisation des énergies
créatrices trouva, pour se fixer, d'admirables organes disponibles,

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