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mieux saisir les manifestations plastiques. Il nous reste d'elle autre
chose que la pensée dissolvante et sacrée des philosophes qui l'affir-
mèrent, Rabelais, Montaigne, Erasme en qui Socrate et ses disciples
ne se fussent pas reconnus, mais qui jouaient en sens inverse vis-à-vis
du monde médiéval le rôle qu'avaient joué Socrate et ses disciples
vis-à-vis du monde ancien. Il nous reste d'elle autre chose que l'archi-
tecture anarchique qu'elle fit éclore en Italie. Il nous reste d'elle la
peinture, œuvre individuelle il est vrai, mais tout de même objective
et qui ne peut durer qu'à la condition d'exprimer un continu vivant
dans le cerveau de l'artiste et non plus, comme les arts qui la pré-
cèdent, dans l'instinct anonyme d'une collectivité. C'est par elle sur-
tout que nous savons pourquoi la Renaissance nous fut nécessaire
et pourquoi nous l'aimons. Nous savons pourquoi nous ne cesserons
pas d'être reconnaissants aux grands individus qui recueillirent dans
leur âme l'âme des foules disparues pour en transmettre l'espoir aux
foules à venir. Car ce sont eux qui passent le flambeau. Ils sont le
trait d'union entre les besoins généraux que les hommes ne sentent
plus et les besoins généraux qu'ils ressentiront un jour, entre l'orga-
nisme d'hier et l'organisme de demain. Ils sont une foule à eux seuls
et la continuité de sentiment qui liait les hommes aux hommes s'est
réfugiée dans leur cœur. Le Michel-Ange de la Sixtine, Rubens, Rem-
brandt, Vélasquez sont, plus lisiblement que les littérateurs, les savants
ou les philosophes, les symphonies individuelles qui recueillent, au
cours des temps critiques, la symphonie populaire dispersée momen-
tanément à tous les vents de la sensation et de l'esprit. On peut les
aimer d'un amour égal à celui qu'on porte au temple abandonné. Il
y a, entre un vitrail de cathédrale et un tableau de Titien, la distance
qui sépare une admirable voix dans le plus beau chœur populaire
d'une symphonie de Beethoven.
C'est ce qui donne à ceux qui se lèvent çà et là pour étayer les
colonnes du temple d'un titanique effort, l'apparence de se trouver
en opposition radicale avec leur milieu social. Ils y semblent inadaptés,
parce qu'ils portent en eux le rythme grandiose, mais invisible pour
les multitudes aveugles, des adaptations à venir. Ils ont brisé des
rythmes morts pour créer des rythmes nouveaux. Ils sont d'autant
plus solitaires qu'ils s'élèvent plus haut et que les symphonies qu'ils
entendent dans le silence de leur cœur mettent en action des éléments
de vie plus complexes, plus universels, plus permanents et plus
profonds.
Mais puisqu'une synthèse sociale est le but secret de leur effort,
puisque les hommes sont joyeux quand elle se réalise, puisque le pes-
simisme ne se formule que dans les hauts esprits qui souffrent d'être

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