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lui-même quand il disait : « La belle peinture est pieuse en elle-même,
car l'âme s'élève par l'effort qu'il lui faut donner pour atteindre la
perfection et se confondre en Dieu : la belle peinture est un effet de
cette perfection divine, une ombre du pinceau de Dieu, c'est une
musique, une mélodie. Seules, les très hautes intelligences parviennent
à la pénétrer. »
Raphaël est l'un des calomniés de l'histoire, et par ceux-là qui l'ont
le plus loué. On a mis au compte de son jeune âge cette inépuisable
jeunesse qui rayonne de lui, s'accentue d'œuvre en œuvre, et qui,
s'il avait vécu très vieux, n'eût pas cessé de se renouveler, parce qu'elle
était antérieure à son être et lui devait survivre, ainsi que les printemps
et les automnes qui continueront à produire malgré les hivers accu-
mulés sur eux. Cette aisance qu'il a de saisir les mille objets, les mille
faits épars de la vie, de la nature, de l'histoire, de l'art qu'il n'a pas
lui-même produit, pour les organiser en images harmonieuses où rien
de l'objet et du fait primitifs ne subsiste que la haute émotion qu'ils
ont provoquée, on en a fait une faculté presque choquante d'assimiler
et d'imiter. Et parce qu'il faut suivre pas à pas son œuvre et faire effort
soi-même si l'on veut y saisir l'effort qu'il a dû déployer pour s'élever
des tableaux de piété pérugins aux généralisations du Vatican et de
la Farnésine, on s'est émerveillé lourdement de son adresse. On a versé
beaucoup de larmes sur les cent vierges souvent douceâtres et pour
la plupart inauthentiques qui sont sorties de son atelier, on a presque
oublié les vingt portraits qui font de lui, avec Titien, le plus grand
peintre de caractère de l'Italie et laissent deviner la montée des sens
à l'esprit de cejeune homme tout-puissant, d'une force de construction
en profondeur qui eût fait de lui un Rembrandt italien s'il avait vécu
trente ans de plus.
Il y avait en ce peintre-là, coulé dans sa chair même qui ne cessait
pas d'adorer, cependant, un peu du bronze des armures que les gens
de guerre de son temps quittaient pour l'habit de cour. Il sculptait
les longues mains osseuses avec les cercles d'or de leurs anneaux et
les plans purs et denses des visages avec le squelette poli que leurs
muscles recouvraient. Jules II, Bindo Altoviti, Inghirami, Léon X,
Maddalena Doni sont de ces formes absolues qui habitent pleinement
la mémoire, comme si, par toute leur surface, elles rejoignaient les
parois internes du crâne. Leur esprit est fait du même métal qu'elles,
il ne s'échappe ni par les yeux ni par les gestes, il est enfermé dans
leur bloc, calme au fond de la sourde magnificence que le mouvement
des rouges donne aux fonds nus, aux fauteuils, aux tapis, aux robes,
à l'air lui-même, aux reflets sur les faces glabres. Les noirs sont si
purs qu'ils paraissent éclairer l'ombre rouge. Il a des tons opaques,
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Raphaël. L'École d'Athènes. Fresques.
Chapelle Si%tine. (Cl. Alinavi.)
 
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