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de ses moissons, de ses vendanges, mais condamné au martyre éternel
parce qu'il ne donne pas aux autres le temps de le comprendre et que
les autres ne lui donnent pas le temps de se réaliser. C'est pour cela
qu'il s'était tant pressé de bâtir la cathédrale. Il pressentait qu'il ne
pourrait peut-être plus léguer sa véritable image à l'avenir.
L'Italie, du moins, lui soufflait une flamme neuve, et, dans sa force
décroissante, il ne lui résistait presque plus. Mais l'esprit de la Bour-
gogne et de la Flandre qu'il avait jadis éveillé l'impressionnait à son
tour. On voit Michel Colombe quitter la grande nef pour se pencher
dans l'ombre colorée d'une chapelle sur le grand tombeau théâtral
des princes bourguignons. Il voudrait en avoir le faste plantureux,
mais cela même est impossible. Quelque chose de maigre, d'énervé,
une sorte de tension ardente vers le souci de la beauté formelle annonce
l'invasion de l'idéalisme italien et par malheur aussi de ses formules.
Les façades de cent hôtels, de cent églises, les jubés, les chaires, les
stalles, les grilles des chœurs, les vitraux, le bois sculpté, le fer forgé,
la céramique du même temps portent tous la même empreinte. Séduite
par tant de grâce, la France va s'abandonner.
Avignon, depuis longtemps, avait arrêté au passage l'esprit transal-
pin qui préférait d'ailleurs remonter la vallée du Rhône pour se mêler
à la Bourgogne et à la Flandre en évitant les territoires ruinés par la
guerre. Dès la première moitié du xive siècle, avec les papes, l'Italie
avait conquis moralement la Provence, déjà si préparée à l'accueillir
par ses vieux souvenirs gréco-latins et les mœurs amoureuses qui
n'avaient cessé d'y régner. Giotto faillit se rendre à Avignon. Pétrarque
y demanda le portrait de Laure au grand Simone Martini qui était
venu couvrir de nobles fresques les salles du palais des papes. Des
Français inconnus y travaillèrent avec et après lui. A l'intérieur de la
majestueuse forteresse, les murs disparaissaient sous les forêts peintes
traversées de chasseurs, peuplées d'oiseaux, tapissées de mousse fraîche
où les sources frémissaient. Même après le départ de la cour pontifi-
cale, la ville restait le point de rencontre de la civilisation du Midi
et de la civilisation du Nord. La proximité de la Cour d'Aix où le bon
roi René, enlumineur lui-même, s'entourait d'imagiers, de peintres,
de troubadours, de ménestrels, n'avait pu qu'alimenter le foyer de
culture ardente qu'un siècle d'activité pacifique y avait créé. Nicolas
Froment, le Van Eyck d'Avignon, par ses portraits creusés et graves
où la violence du Midi éclate, ses paysages secs, mais brûlants de
lumière, où poussent des orangers, y travailla près de lui, dans l'ombre
fraîche des cloîtres et des châteaux épais, et beaucoup d'artistes bour-
guignons, délaissés à l'arrivée des Flamands, quittèrent Dijon pour
la vallée du Rhône. Enguerrand Charonton y apporta, de Laon, avec

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