Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
Ce qu'on a appelé la Renaissance architecturale française, ce
mélange imprécis de styles qui devient malgré tout un style, sort des
multiples influences de la construction militaire des siècles féodaux,
de l'ornementation gothique et des pastiches gréco-romains imaginés
par l'Italie, tout cela dressé au bord des eaux et à proximité des bois.
Le principe architectural essentiel que les hommes du xiie siècle
avaient saisi d'un seul coup, et qui est de penser d'abord à la desti-
nation de l'édifice, en est absent, ou du moins la destination du châ-
teau est d'un ordre si secondaire, si temporaire et si superficiel qu'elle
masque tout à fait ce principe architectural. La nécessité d'adapter
l'organe à la fonction qu'on lui demande avait dicté aux maîtres d'œuvre
les formes simples qui faisaient jaillir l'harmonie du dedans même
du corps de l'édifice pour en inonder le dehors. Dans l'édifice gothique
agonisant, encore, l'ornement fait à un tel point partie de l'édifice
qu'il est l'édifice lui-même devenu peu à peu un squelette dépouillé
et creusé jusque dans ses os pour laisser passer la lumière. La Renais-
sance, au contraire, songe d'abord à séduire par la surface, à couvrir
d'un manteau magnifique le corps vidé de son squelette, de ses muscles
et de son sang. Et toute l'architecture moderne est sortie de cette
erreur qui se perpétuera jusqu'au jour où de nouveaux besoins sociaux
réclameront d'autres organes.
L'ornementation est d'un temps où l'analyse est commencée, où
le verrier, le sculpteur et le peintre travaillent chacun pour soi, où
mille influences que l'architecte connaît trop font d'un seul homme une
multitude dispersée, alors que trois siècles auparavant une multitude
ignorante agissait comme un homme seul. Quand l'Italie déchue a
tout à fait conquis l'esprit des constructeurs, ils s'abandonnent tel-
lement à l'orgie décorative qu'ils se tournent même vers les gothiques,
contre lesquels ils voulaient réagir, pour leur demander des leçons.
Et quand ces façades ne se compliquent pas de colonnades, de loggias,
de tribunes, de galeries à arcades, de tout l'appareil compliqué du
décor italien nouveau, les toits d'ardoise, les grands toits inclinés ondu-
lant jusqu'aux corniches, s'écrasent sous une forêt morne de pinacles,
de clochetons, de lanternes, de cheminées ouvragées, de fenêtres monu-
mentales. Maigre stylisation énervée, appauvrie, des vieux rinceaux
gothiques si pleins des sucs et des odeurs terrestres, combinaison infi-
niment variée, mais infiniment monotone de tiges enroulées, de vases,
de coquillages, d'animaux, de fleurs, de formes humaines qui vou-
draient cacher leur misère sous leur abondance essoufflée. La dernière
flambée de la passion gothique est devenue une débauche froide,
épuisante et forcée, une course décevante après une illusion perdue,
la chose la plus triste du monde, un grand amour qui meurt et ne veut

- 133 —

T. III.

14
 
Annotationen