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attendant qu'elle parvînt, par Rubens, à trouver son accord avec la
pensée du Sud, vécut pourtant, en Allemagne, bien plus longtemps
qu'ailleurs. Au xviie siècle, il n'avait pas disparu d'Hildesheim. Ce
sont les seuls Allemands qui le poussèrent jusqu'au bout de ses consé-
quences, continuant à travailler dans ses décombres avec une attention
qui les empêchait d'apercevoir l'énorme avance prise par l'esprit aven-
tureux des Italiens et des Français. Il n'est pas étonnant qu'on ait cru
si longtemps que l'art gothique était de souche allemande. Les archi-
tectes, les sculpteurs, les peintres allemands s'étaient emparés peu à
peu de tout ce qui pouvait, dans l'immense trésor de formes et d'idées
accumulé en moins de deux siècles par les artistes français, développer
et flatter leur nature. Ils perdirent rapidement de vue le principe pro-
fond de l'architecture ogivale. Et comme elle était très complexe dans
sa simplicité apparente, comme elle était très riche en lignes harmo-
nisées pour produire un effet d'ensemble, très riche en ornements pour
dissimuler ou souligner les mille organes nécessaires à sa fonction
générale, ils s'évertuèrent à compliquer ces lignes et à multiplier ces
ornements, suivant ainsi la pente de leur minutieux esprit. Les formes
architecturales nouvelles qui vinrent de France et d'Italie vers la fin
du xve siècle ne purent qu'embrouiller davantage, par leur abus des
mensonges décoratifs, l'érudition des constructeurs de la rive droite du
Rhin. Il arriva même ceci : alors que la décision de beaucoup d'Italiens
et de Français consentait au divorce total de l'architecture et des arts
d'ornementation et s'exprimait directement par la sculpture et la pein-
ture, la plupart des Allemands s'acharnaient à juxtaposer, dans un
pêle-mêle inextricable, tous les éléments séparés de la symphonie popu-
laire dont le xiiie siècle français avait dispersé les échos sur l'Occident
et jusqu'aux portes de l'Asie.
L'art des retables sculptés et peints dont l'Allemagne, dès
le xive siècle, encombrait ses églises, se développa dans cette confu-
sion. Ces œuvres grossières, qui déroulaient avec une patience impos-
sible à décourager les scènes de la Passion dans une orgie de formes
disgracieuses, d'attitudes contorsionnées, de visages grimaçants, de
croix, de piques, d'éponges, de couronnes d'épines, de clous et de mar-
teaux, fournissaient un aliment inépuisable à l'industrie populaire de
la sculpture sur bois que les paysans du Tyrol, du Hartz, de la Forêt-
Noire, des Alpes, de la Franconie, de toutes les montagnes et les vallées
allemandes où poussent le mélèze et le sapin n'ont pas cessé de pra-
tiquer. Tendre matière, où le couteau peut jouer à l'aise, revenir sur
ses entailles, les ramifier en tous sens, fouiller les toisons et les pelages,
les plis des étoffes, les boucles des chevelures, les veines des mains, les
rides des visages, pour occuper la veillée d'hiver, tromper l'ennui de

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