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morcellement confus et chaotique du sol allemand. Des foyers s'al-
lument partout, qui s'éteignent au souffle d'une guerre, d'une révolte
ou souvent même sans raison. Point de ces larges mouvements qui ne
s'arrêtent qu'après avoir épuisé, avec une avidité puissante, la vie
qu'ils enfermaient. Prague, au xive siècle, a son école, que l'atroce
guerre des Hussites ruinera complètement. Ulm, la plus jolie ville
d'Allemagne, avec ses maisons peintes, ses volets de couleur, sa fraî-
cheur pimpante, son Rathaus rutilant de peintures a la sienne avec Syr-
lin, avec Multscher, avec Zeitbloom, jusqu'à ce que Nuremberg gran-
dissante absorbe son action. Le vieil Holbein va fonder à Augsbourg
l'école que son fils transportera à Bâle et que son élève Burgkmair pro-
longera péniblement jusqu'à sa mort. Riemenschneider, le sculpteur,
travaillera à Würtzbourg tandis que Cranach, le peintre, sera l'école
saxonne à lui seul. Hambourg a eu ses artistes locaux que la décrépi-
tude de la Hanse doit décourager très vite. Conrad Witz, paysagiste
fin, travaille à Constance. Colmar tient tout entière en Martin Schoen-
gaüer. Si Cologne dure plus longtemps, si même elle a la fortune
d'apporter à la Flandre, à Bruges en particulier, une très large part
de son initiation plastique, une singulière destinée veut qu'elle ne sorte
du primitivisme le plus étroit que pour recevoir de Bruges même des
conseils où sa débilité précoce trouvera facilement la ruine et la mort.
Nulle part plus qu'ici, ni en Égypte, ni dans la France ou l'Italie
du moyen âge, les théologiens et les docteurs n'eurent pareille action
sur les peintres. Partout la même puissance profonde, venue des besoins
les plus élevés de la nature humaine, poussa le philosophe et l'artiste
du même mouvement et dans la même direction. Ici au contraire, dans
la patrie des scoliastes, au cœur de la ville dévote et niaisement pédante
qui tentait d'implanter le catholicisme dans le Nord, l'artiste n'est
qu'un auxiliaire timoré, obéissant et ignare, de l'abstracteur de quin-
tessence qui le tient par la peau du cou. De Wilhelm von Erle à Stephan
Lochner, les anonymes du xive siècle sont des femmes bigotes, plutôt
que des hommes pieux. Jamais on ne découvre en eux même l'ébauche
de ces aspirations passionnées vers une communion toujours plus
ardente avec l'esprit universel qui donnent aux maîtres de Sienne, par
exemple, tant de force mystérieuse, de fièvre et d'accent. Ce sont de
pauvres gens rivés à la lettre, des cervelles obtuses nourries d'histoires
compliquées. Quand Lochner paraît, vers l'époque où Van Eyck et
Van der Weyden en Flandre, Della Quercia, Masaccio, Donatello,
Angelico, Bellini en Italie, les Avignonnais en France affirmaient avec
tant d'énergie le droit qu'avait l'individu d'imposer son action, un peu
du cauchemar théologique semble se dissiper pour un temps. Malgré
sa matière cireuse, Stéphan Lochner sait détacher sur un ciel d'or de

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