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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 13.1876

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Mantz, Paul: Michel-Ange: peintre
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https://doi.org/10.11588/diglit.21843#0157

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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du plafond s’infléchissent peu à peu et affectent de chaque côté la dispo-
sition d’une voussure. Douze pendentifs sont formés par la retombée des
arcs que Michel-Ange a simulés. Ces pendentifs, rectangulaires au som-
met, sont échancrés à leurs angles inférieurs par les lignes courbes que
dessinent les fenêtres. C’est là, entre des pilastres amortis par des
enfants formant cariatides, que sont les Prophètes au nombre de sept,
les Sibylles, au nombre de cinq. Les Prophètes et les Sibylles sont le
dernier mot de l’inspiration poétique et de la grandeur monumentale.

Qui ne connaît ces puissantes créations engendrées par un immense
élan de l’esprit dans des régions qui ne sont pas celles de ce monde,
rhytbmées et contenues par une sagesse immense? On le voit bien ici :
Michel-Ange est le seul, parmi les modernes, qui ait entendu la ma-
nœuvre du colosse. Combien, à ce jeu terrible, il est aisé d’être ridi-
cule! De tous les exemples qui viennent à la pensée, il suffira d’en citer
un. Jules Romain n’était pas un médiocre dessinateur; il eut la verve et
la science, et cependant n’est-ce pas lui qui a peint au palais du Té cette
salle fameuse où l’on voit les Titans fuyant éperdus sous l’avalanche des
rochers qui les écrasent? Il y a là une telle dépense de force et un tel
abus de l’énorme, que le spectateur étonné n’est pas loin de croire à une
mystification. On est choqué par l’invraisemblance, on n’est pas con-
vaincu par la dimension, on est presque tenté de sourire. Michel-Ange
n’aurait pas commis la faute de placer ses Prophètes de plain-pied avec
le visiteur et presque à la portée de la main. Ils habitent des régions
élevées, et l’on voit tout de suite qu’on a affaire à des personnages qui
sont un peu plus que des hommes. Le maître leur a donné d’ailleurs,
avec la grandeur morale, une solidité d’aspect, une justesse d’équilibre
qui rassurent le regard, et qui sont comme un acheminement à la vrai-
semblance. Le sentiment de la proportion achève de persuader; et il ne
s’agit pas seulement ici de la proportion optique entre les éléments qui
constituent ces figures, mais d’une sorte de correspondance intellectuelle
avec la forme qui frappe l’œil, avec l’idée qui vient à l’esprit. Les Pro-
phètes sont grands, si on les mesure à l’échelle de la taille humaine,
mais ils sont harmonieux; leur mouvement est proportionné à leur force,
leur dimension est en raison de leur pensée.

Lorsqu’on se trouve en présence des Prophètes de Michel-Ange, on
ne sait si l’on doit admirer le plus ou l’enthousiasme de l’artiste souve-
rain, ou sa prudence. Selon leur caractère particulier, ces voyants
s’agitent, parlent, écrivent ou rêvent, mais leur ivresse lucide se tempère
par une modération suprême. Au moment où le geste va s’exalter, l’art
le retient. Chez Michel-Ange, et ici plus que partout ailleurs, le lyrisme
 
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