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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Rubens, 9
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0049

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RUBENS.

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reine, c’est la merveille des merveilles. Lorsque, clans une promenade
au Louvre, vous voulez enseigner à un apprenti ce que c’est que le mo-
delé, vous devez montrer à celui qui vous écoute la main de la Joconde,
la poitrine de YAntiope, la Baigneuse de Rembrandt, dans la galerie
Lacaze, et chez Rubens les pieds nus de Marie de Médicis. Ils sont ado-
rablement pâles et rosés, sous le rayon transparent qui les dessine et les
caresse. C’est là le triomphe éternel du modelé dans le clair. Depuis la
création du monde, a-t-on su mieux peindre? Non, jamais.

La main de Rubens se retrouve aussi, délicate et forte, dans plusieurs
des autres tableaux de la galerie. Au premier plan de la composition qui
raconte l’arrivée de Marie de Médicis à Marseille, des naïades jouent dans
la mer et paraissent vouloir amarrer le vaisseau. Elles sont superbes, ces
filles de la vague, et elles sont bien de Rubens. Et, à ce propos, comment ne
pas se rappeler la lettre mystérieuse, et malheureusement sans date, que
les Archives de l’art français ont publiée? Le peintre s’adresse à un cer-
tain Sauveur Ferrary, « changeur d’argent tout contre le chevet Saint-
Médéric à Paris », et il lui dit : « Je vous prie comuniquer à M. Jean
Sauvages ce que je place cy dessous. Je vous prie de vous arrenger,
(l’arny) pour retenir pour moy, pour la IIIe semaine quy suivra celle cy les
deux Dames Capaïo de la reue du Verbois, et aussy la petite nièce Louysa,
car je compte faire en la grand1- natlle trois etuddes de syrennes et ces
trois personnes me seront d'un gd secours et infini, tant à cause des
expressions supperbes de leurs visages mais encore par leurs supperbes
chevelures noires que je rencontre difficilement ailleurs et aussy de leur
stature. » En présence de ce texte, qui semble dire que Rubens ne trou-
vait pas de femmes brunes à Anvers, il est impossible de ne pas chercher,
dans les naïades du Débarquement les portraits des dames Capaïo et de
la jeune Louisa. Mais deux des belles nageuses du tableau sont des
blondes, leur compagne a les cheveux châtains, et elles ont toutes trois
la robustesse flamande, qui était l’idéal ordinaire de Rubens. D’un autre
côté, si l’artiste a donné suite à son projet^ que sont devenues ses trois
études? On l’ignore. Un mystère plane donc sur les modèles de Rubens;
on ne saura jamais la vérité, car, si l’on tient compte des fatalités de la
chronologie, il n’est pas vraisemblable que les deux Capaïo et leur petite
nièce demeurent encore rue du Vertbois.

Ainsi — sans parler de l’invention qui est bien à lui — Rubens reste
reconnaissable dans les tableaux du Luxembourg. Ici ce sont des figures
entières, là des morceaux, je dirais volontiers des étincelles lumineuses,
car, lorsque les peintures furent placées au printemps de 1625, il les
retoucha. Mais son travail n’est pas parvenu à cacher celui de ses colla-
 
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