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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Mantz, Paul: Rubens, 9
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0051

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RUBENS.

Zi5

11 n’a pas travaillé à l’œuvre de l’atelier d’Anvers. Jordaens, dont le faire
est si reconnaissable, n’est pour rien non plus dans les peintures qui racon-
tent l’histoire de la reine. Et, d’ailleurs, malgré les retouches de Rubens,
il y a çà et là des figures si faibles, que la pensée de les attribuer à un
maître vigoureux ne peut venir à personne. On est tenté de croire à l’in-
tervention d’un de ces ouvriers qui restent toujours anonymes, au travail
d’une main jeune et encore hésitante. Gomment dès lors ne pas se per-
mettre une conjecture ? Pendant l’année 1621-1622, c’est-à-dire au mo-
ment de commencer les tableaux du Luxembourg, Rubens reçoit un
apprenti dont l’histoire sait à peine le nom, Jacques Moermans. Dès ce
jour, et jusqu’à la fin, Moermans demeura fidèle à son maître : c’était un
dévoué ; au premier appel, il arrivait; il fut, comme on le sait, associé à
Snyders dans les tristes services qui suivent la dernière heure : il reçut
mission de surveiller la vente des richesses d’art que Rubens laissait en
mourant. Moermans n’a attaché son nom à aucun tableau personnel ; il
était modeste et silencieux ; ouvrier sans gloire, il préparait les peintures
de son illustre patron. Peut-être apprendra-t-on un jour que cet inconnu
a beaucoup travaillé à la galerie de Marie de Médicis.

Cette grande décoration est donc fortement mélangée. Elle donne rai-
son à l’observation de Roger de Piles, elle démontre que Rubens a eu tort
de se faire aider et que ses collaborateurs ont pu nuire à sa renommée.
Non, ce n’est pas dans ces productions hybrides et inégalement écrites
que Rubens doit être jugé. Trop d’alliage s’y mêle à l’or pur. La con-
ception générale est cependant audacieuse et grandiose ; comme l’a dit
Peiresc, c’est une galerie ail’ antica, c’est-à-dire que la mythologie y
met sa nudité et sa fête; que l’allégorie y prodigue ses mensonges dia-
phanes. On y voit les Parques filant la destinée de la reine, les Heures
effeuillant leurs guirlandes, Minerve souriant sous son casque empa-
naché, les Grâces, Jupiter, Neptune, l’Abondance, la Paix, la Justice et
le jeune Mercure qui, bien que peu vêtu, fraternise avec des cardinaux
empourprés. L’Olympe antique s’est vidé pour assister à toutes les
scènes de cette changeante histoire. Le symbolisme y est ingénieux et
parfois subtil : f imagination du poète y reste comme parfumée des leçons
que lui avait jadis données Otto Vœnius. L’ensemble est opulent, varié,
magnifique. Mais notre ami Rubens a quelque chose à se reprocher. Ces
belles inventions où s’amuse son puissant caprice, il aurait dû les peindre
lui-même.

PAUL MANTZ.

(La suite prochainement.)
 
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