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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
personnages. La gracilité des formes nues, la poésie, l’enchantement
de cette simple scène sont inexprimables et l’on pourrait citer parmi les
Raphaëls les plus incontestables certaines toiles infiniment moins heu-
reuses de sentiment. L’habileté de doigts y est consommée, trop con-
sommée peut-être pour un ouvrage de la jeunesse de Raphaël, car sous
les yeux du Pérugin, le Sanzio peignait très simplement, très-légèrement.
Au mois de juillet de 1882, trois précieux petits panneaux, provenus delà
collection du peintre Timbal, étaient cédés au Louvre par la veuve de l’ar-
tiste-amateur : le Martyre des saints Corne et Damien, parFra Angelico;
une Vierge à Vœillet, de l’école de Raphaël, et le Portrait du chevalier
de Saint-André, attribué à l’école des Ciouet. Le Martyre du Fra Reato
Angelico faisait partie de la prédelle d’un tableau appartenant au monas-
tère de Saint-Marc de Florence ; aussi ses dimensions ne dépassent point
la mesure ordinaire des compartiments inférieurs d’un retable. M. Graver
raconte l’histoire de la Vierge à l’œillet aux premières pages du Cata-
logue de la collection Timbal : « Dans l’œuvre de Raphaël, écrit le con-
servateur des peintures, cette Vierge peut se placer vers l’année 1507.
Elle dut avoir une grande vogue, car il en fut fait dans l’école de nom-
breuses répétitions, à quelques-unes desquelles peut-être Raphaël lui-
même ne resta pas tout à fait étranger. D’après M. Passavant, le tableau
original serait à Lucques, chez le comte Francesco Spada, et on lirait
derrière le panneau l’inscription suivante : Per la N. Donna SS. ricevuto
80 scudi. Nous avons fait, à Lucques même, d’inutiles recherches pour
retrouver ce trésor. La même composition, malheureusement fort retou-
chée, était à Rome dans la collection Gamuccini. M. Passavant signale
encore d’autres reproductions de ce tableau : dans la galerie du baron
Speck-Sternburg, à Lützshena, près Leipzig ; à Rome, au palais Albani et
au palais Torlonia; à Pérouse, dans la maison Bourbon Sorbello; à Lo-
rette, dans le trésor de la Santa Casa • à Urbin, dans la maison Giovan-
nini; à Brescia, dans la galerie Tosi; à Wurzbourg, chez le professeur
Frœhlich, etc... Au milieu de cette indétermination, l’exemplaire qui
vient de passer de la collection Timbal au musée du Louvre présente
un sérieux intérêt. » La prudence de M. Gruyer doit nous servir de sau-
vegarde ici, car pour un peu l’on serait tenté d’être trop laudatif ou trop
affirmatif, et il est défendu d’aventurer hors de propos le nom de Ra-
phaël. Le Portrait de Monsieur de Saint-André, gouverneur du Lyon-
nais, Bourbonnais et autres lieux, offre des difficultés analogues d’attribu-
tion. Serait-il toujours bien avisé d’inscrire à l’œuvre des Ciouet toutes
les portraictures de l’époque des Valois? Assurément, les Jannet ont
produit une infinité d’œuvres, mais leur fécondité, même à la supposer
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personnages. La gracilité des formes nues, la poésie, l’enchantement
de cette simple scène sont inexprimables et l’on pourrait citer parmi les
Raphaëls les plus incontestables certaines toiles infiniment moins heu-
reuses de sentiment. L’habileté de doigts y est consommée, trop con-
sommée peut-être pour un ouvrage de la jeunesse de Raphaël, car sous
les yeux du Pérugin, le Sanzio peignait très simplement, très-légèrement.
Au mois de juillet de 1882, trois précieux petits panneaux, provenus delà
collection du peintre Timbal, étaient cédés au Louvre par la veuve de l’ar-
tiste-amateur : le Martyre des saints Corne et Damien, parFra Angelico;
une Vierge à Vœillet, de l’école de Raphaël, et le Portrait du chevalier
de Saint-André, attribué à l’école des Ciouet. Le Martyre du Fra Reato
Angelico faisait partie de la prédelle d’un tableau appartenant au monas-
tère de Saint-Marc de Florence ; aussi ses dimensions ne dépassent point
la mesure ordinaire des compartiments inférieurs d’un retable. M. Graver
raconte l’histoire de la Vierge à l’œillet aux premières pages du Cata-
logue de la collection Timbal : « Dans l’œuvre de Raphaël, écrit le con-
servateur des peintures, cette Vierge peut se placer vers l’année 1507.
Elle dut avoir une grande vogue, car il en fut fait dans l’école de nom-
breuses répétitions, à quelques-unes desquelles peut-être Raphaël lui-
même ne resta pas tout à fait étranger. D’après M. Passavant, le tableau
original serait à Lucques, chez le comte Francesco Spada, et on lirait
derrière le panneau l’inscription suivante : Per la N. Donna SS. ricevuto
80 scudi. Nous avons fait, à Lucques même, d’inutiles recherches pour
retrouver ce trésor. La même composition, malheureusement fort retou-
chée, était à Rome dans la collection Gamuccini. M. Passavant signale
encore d’autres reproductions de ce tableau : dans la galerie du baron
Speck-Sternburg, à Lützshena, près Leipzig ; à Rome, au palais Albani et
au palais Torlonia; à Pérouse, dans la maison Bourbon Sorbello; à Lo-
rette, dans le trésor de la Santa Casa • à Urbin, dans la maison Giovan-
nini; à Brescia, dans la galerie Tosi; à Wurzbourg, chez le professeur
Frœhlich, etc... Au milieu de cette indétermination, l’exemplaire qui
vient de passer de la collection Timbal au musée du Louvre présente
un sérieux intérêt. » La prudence de M. Gruyer doit nous servir de sau-
vegarde ici, car pour un peu l’on serait tenté d’être trop laudatif ou trop
affirmatif, et il est défendu d’aventurer hors de propos le nom de Ra-
phaël. Le Portrait de Monsieur de Saint-André, gouverneur du Lyon-
nais, Bourbonnais et autres lieux, offre des difficultés analogues d’attribu-
tion. Serait-il toujours bien avisé d’inscrire à l’œuvre des Ciouet toutes
les portraictures de l’époque des Valois? Assurément, les Jannet ont
produit une infinité d’œuvres, mais leur fécondité, même à la supposer