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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 2
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Gonse, Louis: Manet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0143

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13Zj.

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Les salles du quai Malaquais ont, du reste, perdu depuis longtemps
leur destination scolaire. L’Etat, auquel elles appartiennent, en a disposé
pour des exhibitions de nature très diverse. Après Courbet, il n’y avait
aucune raison sérieuse de ne point y accepter Manet.

Les défauts de ce dernier ne sont point de ceux qui entraînent à la
contagion de l’exemple. Ils sont si apparents, ils sautent tellement aux
yeux des moins experts, qu’on ne saurait être tenté de les imiter; ils ne
trompent personne, pas même les enthousiastes. L’étude des œuvres
d’un peintre aussi sincère ne présente aucun danger.

Quoiqu’il en soit, cette exposition posthume a été saluée, comme on
pouvait s’y attendre, par un très grand succès de curiosité. La lutte com-
mencée il y a vingt ans s’y est poursuivie avec une ardeur qui n’est point
près de s’éteindre, car elle touche à des intérêts vitaux, elle embrasse des
questions beaucoup plus hautes et beaucoup plus importantes que celle
de l’individualité de Manet. Entrons avec la résolution de dire notre
pensée en toute franchise. Nous estimons qu’il est du devoir de la
Gazelle des Beaux-Arts: non de gémir sur les faits accomplis, mais d’a-
vertir ses lecteurs des mouvements d’idées qui se produisent.

IL

Une grande gaieté de couleurs, une luminosité d’aspect extraordinaire,
telle est l'impression qui vous saisit dès l’abord, avant que le regard se
soit fixé à aucun détail. Notre œil, habitué aux pratiques de la peinture
noire et aux artifices du jour d’atelier, se dilate instinctivement sous les
effluves de tous ces tons clairs et baignés de lumière. « Il me semble,
disait avec finesse un de nos peintres en renom, que j’entre dans un
jardin rempli de fleurs. » Un ami japonais, dont nous aimons à interroger
l’opinion en matière d’art européen, m’avouait avoir été surtout frappé
par le côté vivant de toutes ces figures. « Je m’imaginais au premier
moment que les personnages prenaient corps et allaient sortir de la toile
pour me parler ; sensation, ajoutait-il, que j’ai rarement éprouvée dans vos
expositions de peinture ». Le jeu des tons vifs l’étonnait moins, son œil
étant accoutumé dès l’enfance à recevoir une plus grande dose de lumière
que le nôtre. On sait que la vie japonaise est une vie de plein air. L’ombre
n’existe pas pour le peintre du Nippon.

C’est, en effet, dans ces deux recherches : celle de la vie et celle du
ton juste que nous apparaît la caractéristique du talent de Manet. Il y
apporte d’admirables, souvent même d’incomparables qualités. Mais,
 
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