GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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a dû être, en vérité, fort embarrassant pour les organisateurs de l’expo-
sition. Pouvait-on laisser de côté une œuvre si connue? Pouvait-on faire
pour Olympia ce que, pour d’autres raisons, on a cru devoir faire pour
Fana, une des meilleures peintures de Manet, et pour Y Exécution de
Maximilien ci Queretaro?
La manifestation la plus remarquable de la manière tranquille inau-
gurée par le Guitariste est, à notre avis, le beau portrait d’homme inti-
tulé le Liseur. Les préventions ont été désarmées par l’exécution chaleu-
reuse et enveloppée de cette figure, d’un dessin si juste, si vivant, d'une
expression si intime, si recueillie.
4 8(36 marque une période très intéressante de l’évolution de Manet
vers la peinture claire. Natures mortes, études de fleurs, marines, scènes
d’Espagne se succèdent dans un grand élan de production. 11 peint
coup sur coup, pour ne citer que les œuvres exposées à l’Ecole des
Beaux-Arts : le Fifre, qui appartient à M. Faure, avec trente-quatre autres
toiles du même artiste; le Matador saluant, à M. Th. Duret; le Combat
du Kearsage et de V Alabuma, à M. Charpentier ; une superbe esquisse
de Combat de taureaux, à M. Pertuiset.
Le Fifre a été fort malmené; on lui a reproché d’être une effigie
placardée sur un mur, de manquer d’air, de profondeur. Nous regret-
tons de ne pas partager ce sentiment. Manet, en effet, n’a point cherché
à donner autre chose que l’étude, en grandeur naturelle, d’une figure
dont le caractère l’avait frappé. 11 y a là une simplification de mise en
scène parfaitement voulue; le fond n’est qu’une tonalité indécise, légère,
sorte de poussière mouvante, sur laquelle le personnage s’enlève, sans
ombre portée, dans l’énergie de la pleine lumière. Tous ceux qui ont été
en Espagne seront frappés de l’accentuation de vérité saisie au vol par
le peintre. Ce galopin est bien de son pays de la tête aux pieds. Son
grand œil rond étonné, le joli mouvement des mains, le naturel et la fran-
chise de la pose, la crânerie du dessin, la structure du corps sous le
gros drap de troupier, la particularité des colorations, trahissent la chose
vue par un œil d’uné sensibilité extrême. C’est bien du Manet dégagé
de toutes réminiscences. Les rudesses de cette œuvre si vigoureuse sont
de celles que le temps se charge de fondre et d’harmoniser.
Quant au Combat du Kearsage et de VAlabama, nous dirons tout
uniment que c’est une des marines, sans excepter celles de Courbet, où
la mer a été rendue avec le plus d’ampleur et de justesse. Cet admirable
tableau, où l’Océan semble, par son immensité même, le premier acteur
du drame qui se déroule à l’horizon, a été analysé avec une intuition
supérieure par notre regretté collaborateur Duranty. Nous renvoyons nos
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a dû être, en vérité, fort embarrassant pour les organisateurs de l’expo-
sition. Pouvait-on laisser de côté une œuvre si connue? Pouvait-on faire
pour Olympia ce que, pour d’autres raisons, on a cru devoir faire pour
Fana, une des meilleures peintures de Manet, et pour Y Exécution de
Maximilien ci Queretaro?
La manifestation la plus remarquable de la manière tranquille inau-
gurée par le Guitariste est, à notre avis, le beau portrait d’homme inti-
tulé le Liseur. Les préventions ont été désarmées par l’exécution chaleu-
reuse et enveloppée de cette figure, d’un dessin si juste, si vivant, d'une
expression si intime, si recueillie.
4 8(36 marque une période très intéressante de l’évolution de Manet
vers la peinture claire. Natures mortes, études de fleurs, marines, scènes
d’Espagne se succèdent dans un grand élan de production. 11 peint
coup sur coup, pour ne citer que les œuvres exposées à l’Ecole des
Beaux-Arts : le Fifre, qui appartient à M. Faure, avec trente-quatre autres
toiles du même artiste; le Matador saluant, à M. Th. Duret; le Combat
du Kearsage et de V Alabuma, à M. Charpentier ; une superbe esquisse
de Combat de taureaux, à M. Pertuiset.
Le Fifre a été fort malmené; on lui a reproché d’être une effigie
placardée sur un mur, de manquer d’air, de profondeur. Nous regret-
tons de ne pas partager ce sentiment. Manet, en effet, n’a point cherché
à donner autre chose que l’étude, en grandeur naturelle, d’une figure
dont le caractère l’avait frappé. 11 y a là une simplification de mise en
scène parfaitement voulue; le fond n’est qu’une tonalité indécise, légère,
sorte de poussière mouvante, sur laquelle le personnage s’enlève, sans
ombre portée, dans l’énergie de la pleine lumière. Tous ceux qui ont été
en Espagne seront frappés de l’accentuation de vérité saisie au vol par
le peintre. Ce galopin est bien de son pays de la tête aux pieds. Son
grand œil rond étonné, le joli mouvement des mains, le naturel et la fran-
chise de la pose, la crânerie du dessin, la structure du corps sous le
gros drap de troupier, la particularité des colorations, trahissent la chose
vue par un œil d’uné sensibilité extrême. C’est bien du Manet dégagé
de toutes réminiscences. Les rudesses de cette œuvre si vigoureuse sont
de celles que le temps se charge de fondre et d’harmoniser.
Quant au Combat du Kearsage et de VAlabama, nous dirons tout
uniment que c’est une des marines, sans excepter celles de Courbet, où
la mer a été rendue avec le plus d’ampleur et de justesse. Cet admirable
tableau, où l’Océan semble, par son immensité même, le premier acteur
du drame qui se déroule à l’horizon, a été analysé avec une intuition
supérieure par notre regretté collaborateur Duranty. Nous renvoyons nos