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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 2
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Gonse, Louis: Manet
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0154

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Wi

mot de chef-d’œuvre. Sur l’angle d’une table en marqueterie et en
bronze doré, de style Louis XY, une brioche, une rose, des prunes vio-
lettes, des pêches. Le motif est, on le voit, d’une simplicité à la Chardin ;
Manet en a transfiguré l’humilité dans les magies de l’exécution. Il est
peu de toiles qui puissent donner une plus complète et plus sensuelle
jouissance des yeux à ceux qui aiment la peinture pour elle-même, en
dehors de toute rhétorique, de toute littérature.

Dans un autre ordre d’idées, le portrait du graveur Belot, intitulé
le Bon Bock, pourra passer aussi pour un chef-d’œuvre de facture aisée,
résolue, de synthèse expressive et vivante. Mais, nous dira-t-on, quelle
audace de qualifier ainsi le rendu d’un personnage si vulgaire ! Que
pensera M. Pailleron, qui définissait, il y a quelques jours, en langage
académique, la formule académique du beau, de ce gros homme rougeaud
trouvant la fin de la sagesse dans la mousse d’un bon bock et dans la
fumée d’une bonne pipe? Hélas! ce n’est pas de notre faute si le bock
et la pipe sont une des notes du temps. Pourquoi refuser à un artiste
de 1880 le droit de peindre ce qu’un Hollandais de 1660 n’aurait eu
garde de laisser échapper? Croyez-vous que les amateurs et les curieux
du vingtième siècle ne prendront pas un plus vif plaisir à contem-
pler ce réjouissant buveur qu’à méditer sur les interprétations ané-
miques et conventionnelles de M. Bouguereau ou de M. Cabanel? Oui,
le Bon Bock est une maîtresse œuvre, marquée au coin de quelques-
unes des qualités les plus rares et les plus solides de la peinture de
portrait.

Toutes ces toiles, sauf la Brioche et le Bon Bock, peints plus tard,
furent exposées collectivement, en 1867, dans une salle en planches
que Manet avait fait construire près du pont de l’Alma, en regard do
celle de Courbet. Elles appartiennent plus ou moins à la manière sage
de l’artiste, à celle que le public sans passion n’est plus très loin d’ac-
cepter.

A partir du Bon Bock, Manet abandonne sans esprit de retour les
anciennes méthodes et se lance dans une nouveauté hardie qui, aux
alentours de 1869, tourmentait déjà quelques peintres inquiets. Il la
fait sienne par droit de conquête. Les dix dernières années de sa vie sont
occupées par la recherche du plein air.

Le mot plein air définit fort exactement une évolution du sens optique
appliqué à la peinture. La peinture de plein air repose sur l’étude exacte
du rapport des valeurs dans la diffusion lumineuse de l’éclairage exté-
rieur; elle s’est posé comme principal problème de rendre la figure
 
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