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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 2
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Chennevières, Henry de: Exposition de l'art du XVIIIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0179

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EXPOSITION DE L’ART DU XVIIIe SIÈCLE.

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Mma Victoire de France en vestale, puis en Diane, Mme Louise de France
gardant comme sa sœur le feu sacré sous des portiques à la romaine , et,
enfin, une inconnue, la Femme à VOEillet} la meilleure de toutes ces
peintures. Ce Nattier, peintre de cour, était le portraitiste le plus infa-
tigable de Versailles, et sa fécondité serait même incroyable s’il n’v avait
lieu de douter de beaucoup de ses signatures. Car il avait des copistes
à gages chargés de reproduire pour le service de Sa Majesté les effigies
officielles de la famille royale : c’étaient Lebrun et Mérelle de l’Académie
de Saint-Luc, Vincent et MUe Nivelon.

Pour 300 livres, ces habiles brosseurs de toile dépêchaient une bonne
répétition d’après Nattier. A ce compte, Louis XV pouvait, sans trop enta-
mer le trésor de l’intendance des Menus-Plaisirs, faire présent aux cours
étrangères ou aux grands seigneurs de sa maison, de son portrait ou de
ceux des siens. Et ainsi, les Nattier se multipliaient chaque jour par le
moyen de cette école de copistes, penseurs à la diable, mais pasticheurs
émérites. François Drouais fut moins répandu et mérita moins de l’être.
On rencontrerait dilficilement un peintre plus faible, plus léché, plus
crayeux, plus crème fouettée : tous ses portraits de la Galerie Petit rap-
pellent des papiers peints ou des décalcomanies. C’est à dégoûter de tous
les Drouais connus, tant la mièvrerie et la morne banalité régnent sur ces
toiles blafardes. Madame de Bu/fon est médiocre; le Louis XV enfant
ne vaut guère mieux ; le Comte de Provence et le Comte d’Artois font
triste figure, et les autres à l’avenant. La Comtesse Du Barry surtout
est insipide. Avant d’en mal dire, est-ce bien là M'ne Du Barry? On aurait
peine à reconnaître les traits de la jolie fille de « Paphos», costumée en
Muse, si Diderot et Bachaumont n’avaient pris soin de nous confier l’infi-
délité et la balourdise de Drouais. L’artiste maladroit reçut même, à cette
occasion, une bonne leçon et bien en forme. Deux jours après l’ouverture
du Salon de 1771, où paraissait ce portrait, Mme Du Barry, ouvrant enfin
les yeux sur la faiblesse déplorable et les inexactitudes flagrantes de son
effigie historiée, s’en vint au Louvre et ordonna de décrocher et d’enle-
ver ce portrait. La chose fit éclat et les rieurs ne manquèrent pas. Le
seul intérêt de ce tableau, c’est son cadre. Encore ce cadre semble-t-il une
monstruosité historique avec ses armes de France et sa couronne royale.
On l’a certainement adapté depuis, car il eût fait beau voir la favorite
ajuster, sans vergogne, la bordure fleurdelisée à chacun de ses portraits.
Il n’en allait pas aussi impudemment au pays des maîtresses. Ce cadre
est travaillé et fouillé en perfection, et il doit provenir d’un de ces salons
de vieux courtisans oû il encastrait l’un de ces mille portraits de S. M«,
offerts par le roi ou vendus par des artistes. En ce temps-là florissait

XXIX. — 2* PÉRIODE. 22
 
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