EXPOSITION D’ŒUVRES DE MAITRES ANCIENS.
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II.
SCULPTURE.
Les morceaux de sculpture étaient peu nombreux à l’Exposition de l’Académie
royale, mais d’un fort bon choix. D’abord, deux marbres d’Antonio Rosselino, prove-
nant du comte Alessandri, de Florence (ainsi que le bas-relief de Luca délia Robbia,
une Madone entre deux anges, en terre non émaillée, acquis récemment par le musée
de Berlin). L’un, un buste de saint Jean-Baptiste enfant, portrait, selon l’usage du
temps, de quelque jeune patricien de Florence, un de ces bustes ordinairement attri-
bués à Donatello, qui en effet eut le premier l’idée de représenter le patron de Flo-
rence sous les traits de quelque enfant d’une des grandes familles de la ville, comme
le prouvent le marbre de la casa Martelli, le Saint Jean riant de Vanutelli (aujour-
d’hui chez M. de Miller à Vienne) et, s’il est de Donatello, ce qui paraît fort probable,
le délicieux buste de M. Dreyfus. Quant au Saint Jean de l’Exposition appartenant à
M. Plainauer, il est bien de Rossellino, qui se reconnaît, malgré l’individualité des
traits, dans le charme général de la figure, dans la naïveté de l’attitude, dans le pitto-
resque de l’arrangement et dans la facture légère des cheveux. L’auréole en bronze
doré qui entoure la tête est d’un effet particulièrement heureux. Ce joli Saint Jean,
bien posé sur un socle ancien du meilleur goût, au centre d’une des salles disposées
avec l’art d’un collectionneur parisien, a eu le plus vif succès pendant toute la durée
de l’exposition.
Du môme Rossellino, une Madone avec l’Enfant entourée de chérubins, d’une exé-
cution encore un peu rude et, comme le petit Saint Jean, évidemment de la première
manière de l’artiste, sous l’influence directe de Donatello, avant qu’il eût donné à
l’expression de ses tètes ce charme langoureux qui séduit dans ses œuvres posté-
rieures, dans le bas-relief de la collection d’Ambras à Vienne ou dans celui que pos-
sède un amateur russe et que nous connaissons par le moulage.
Moins attrayant et moins bien conservé est un buste de Mino de Fiesole (Cabinet
Ilainauer), intéressant d’ailleurs à plus d’un titre. Mino est en effet le grand sculpteur
portraitiste de la seconde moitié du xv° siècle, et cependant ses bustes sont rares. On
cite le magistral Diotisalvi Neroni de la collection de M. Gustave Dreyfus ; le jeune
Florentin en Saint Jean-Baptiste de M. Goupil, un autre buste exquis de saint Jean-
Baptiste au musée du Louvre provenant de la collection His de la Salle, et le Niccolo
Strozzi du Musée de Berlin, portant la date de 1454. Le buste prêté par M. Hainauer
est de deux ans postérieur à ce dernier, et partant sensiblement antérieur à un autre
buste de Mino, daté 1461 et longtemps considéré comme le plus ancien du maître,
mais venant peut-être après les bustes non datés des fds de Cosme de Médieis, du
Bargello. On lit sur la mince bande formant le socle les mots Alexo di Luca Mini 1456,
ces chiffres étant en lettres gothiques fort peu usités à cette époque. Le mot Mini
indique-t-il la filiation du personnage représenté ou désigne-t-il l’artiste? Ces pre-
mières œuvres de Mino sont de beaucoup les plus remarquables, soit pour l’énergie
de la conception, soit pour l’exécution soignée con amoretout en restant large et
ample; plus tard, débordé par d’incessantes commandes de dessus d’autel et do marbres
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II.
SCULPTURE.
Les morceaux de sculpture étaient peu nombreux à l’Exposition de l’Académie
royale, mais d’un fort bon choix. D’abord, deux marbres d’Antonio Rosselino, prove-
nant du comte Alessandri, de Florence (ainsi que le bas-relief de Luca délia Robbia,
une Madone entre deux anges, en terre non émaillée, acquis récemment par le musée
de Berlin). L’un, un buste de saint Jean-Baptiste enfant, portrait, selon l’usage du
temps, de quelque jeune patricien de Florence, un de ces bustes ordinairement attri-
bués à Donatello, qui en effet eut le premier l’idée de représenter le patron de Flo-
rence sous les traits de quelque enfant d’une des grandes familles de la ville, comme
le prouvent le marbre de la casa Martelli, le Saint Jean riant de Vanutelli (aujour-
d’hui chez M. de Miller à Vienne) et, s’il est de Donatello, ce qui paraît fort probable,
le délicieux buste de M. Dreyfus. Quant au Saint Jean de l’Exposition appartenant à
M. Plainauer, il est bien de Rossellino, qui se reconnaît, malgré l’individualité des
traits, dans le charme général de la figure, dans la naïveté de l’attitude, dans le pitto-
resque de l’arrangement et dans la facture légère des cheveux. L’auréole en bronze
doré qui entoure la tête est d’un effet particulièrement heureux. Ce joli Saint Jean,
bien posé sur un socle ancien du meilleur goût, au centre d’une des salles disposées
avec l’art d’un collectionneur parisien, a eu le plus vif succès pendant toute la durée
de l’exposition.
Du môme Rossellino, une Madone avec l’Enfant entourée de chérubins, d’une exé-
cution encore un peu rude et, comme le petit Saint Jean, évidemment de la première
manière de l’artiste, sous l’influence directe de Donatello, avant qu’il eût donné à
l’expression de ses tètes ce charme langoureux qui séduit dans ses œuvres posté-
rieures, dans le bas-relief de la collection d’Ambras à Vienne ou dans celui que pos-
sède un amateur russe et que nous connaissons par le moulage.
Moins attrayant et moins bien conservé est un buste de Mino de Fiesole (Cabinet
Ilainauer), intéressant d’ailleurs à plus d’un titre. Mino est en effet le grand sculpteur
portraitiste de la seconde moitié du xv° siècle, et cependant ses bustes sont rares. On
cite le magistral Diotisalvi Neroni de la collection de M. Gustave Dreyfus ; le jeune
Florentin en Saint Jean-Baptiste de M. Goupil, un autre buste exquis de saint Jean-
Baptiste au musée du Louvre provenant de la collection His de la Salle, et le Niccolo
Strozzi du Musée de Berlin, portant la date de 1454. Le buste prêté par M. Hainauer
est de deux ans postérieur à ce dernier, et partant sensiblement antérieur à un autre
buste de Mino, daté 1461 et longtemps considéré comme le plus ancien du maître,
mais venant peut-être après les bustes non datés des fds de Cosme de Médieis, du
Bargello. On lit sur la mince bande formant le socle les mots Alexo di Luca Mini 1456,
ces chiffres étant en lettres gothiques fort peu usités à cette époque. Le mot Mini
indique-t-il la filiation du personnage représenté ou désigne-t-il l’artiste? Ces pre-
mières œuvres de Mino sont de beaucoup les plus remarquables, soit pour l’énergie
de la conception, soit pour l’exécution soignée con amoretout en restant large et
ample; plus tard, débordé par d’incessantes commandes de dessus d’autel et do marbres