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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 5
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0395

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378

GAZETTE DES BEAUX-AKTS.

ambrés, dorés, roussis, patinés, enluminés de tons de palette, on voit
maintenant des toiles claires, profondes, d’une grise harmonie d’air
ambiant, colorées des seuls tons de la nature et comparables à des
fenêtres ouvertes sur la réalité. Que si l’on fait le compte des sujets trai-
tés, l’évolution s’accuse mieux encore. Presque plus de scènes mytholo-
giques : nous ne souffrons les dieux qu’humanisés. Presque plus d’allégo-
ries : à ces subtiles imaginations nous préférons de beaucoup le moindre
portrait, capable d’émouvoir en nous la fibre humaine. Ceux que tentent
les épisodes de la légende et les faits de l’histoire s’essayent à les traduire
évoqués d’après le vif, dégagés de l’apparat conventionnel. D’aucuns, im-
bus des traditions d’école, voudraient lutter pour le passé : ils sont mani-
festement distancés et vaincus. Sans doute, le nu est toujours à peindre, car
le nu est éternel, mais ce qui est à fixer par-dessus tout, c’est l’humanité
vivante. Un indicible instinct attache le peintre aux épisodes de la vie, de
l’atelier, du dehors, de l’existence commune. La passion de la vérité pos-
sède nos artistes ; l’audace des tentatives éclate chez plusieurs ; le public
regarde et comprend peu à peu. Ce siècle vieillissant se plaît à s’envisager
soi-même : il fait tout ensemble son examen et son testament. Quel mo-
ment plus curieux que celui-ci, où la société, ayant changé de base, com-
mence enfin à reconnaître à l’art le droit de modifier ses points de vue ! Il
s’en faut, je l’avoue, que tous les résultats soient à la hauteur des efforts;
nous aurons à constater des troubles dans la production, mais ce n’est
pas au moins l’énergie qui nous manque, ni la conscience du but, ni la
ferme espérance. Le terrain miné des anciennes académies s’est dérobé
sous nos pieds : il était urgent de chercher un terrain solide et d’y frayer
un chemin neuf.

Certes, je ne suis point de ceux qui ne parlent du passé qu’avec mé-
pris et colère. D’époque en époque les hommes se valent ; ils ont les ins-
titutions qui conviennent à leurs mœurs ; leur dépense de forces est tou-
jours équivalente, soit qu’elle se voue à un seul objet, soit qu’elle se divise
et se disperse. Chaque génération produit pour satisfaire à ses besoins
moraux et matériels ; ce qui ne répond plus aux conditions de son exis-
tence immédiate lui paraît arriéré et son destin n’est ni meilleur ni pire,
à le bien prendre, que celui des générations précédentes. Si les époques
mortes nous ont légué quantité d’œuvres sans intérêt à nos yeux, ces
œuvres étaient d’accord avec leurs manières d’être, de penser et devoir.
L’art sera éternellement l’expression adéquate du travail des civilisations
et il témoignera également de toutes les influences qui les régissent. On
nous reproche de nous écarter des traditions, mais c’est, en vérité, que
nous voulons vivre pour notre compte, conformément à ce qui est en
 
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