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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 5
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Lostalot, Alfred de: M. Félix Bracquemond, peintre graveur, [1]: les artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0440

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M. FÉLIX BRAGQUEMOND.

Z|21

Les artistes de cette trempe sont fatalement condamnés à pâtir pen-
dant de longues années : c’est un grand bonheur pour eux et pour
nous, car le talent grandit dans les épreuves. M. Bracquemond nous
pardonnera certainement cette pen-
sée peu charitable ; nous savons
qu'il parle en riant des amertumes
de sa jeunesse, comme d’une ma-
ladie dont il serait sorti plus fort.

Son talent robuste, la sûreté de
son goût et la variété de ses apti-
tudes nous portaient à croire que
nous avions alfaire à un enfant de
Paris ; nous ne nous trompions pas :
il est né dans cette ville, en 1833.

Peut-être retrouverions-nous dans
ses ascendants quelqu’un de ces ar-
tisans parisiens qui, au moyen âge
comme aux temps modernes, ont été les plus sûrs gardiens de notre
art national, après en avoir été les fondateurs. On commence seulement
à savoir en France ce que nous devons à ces héros modestes, peintres,
sculpteurs ou maçons issus des rangs du peuple; et le regret n’en est que
plus vif d’ignorer jusqu’au nom de la plupart d’entre eux.

M. Bracquemond débuta dans la vie militante comme apprenti écuyer ;
sans doute il n’avait pas le choix de sa carrière ; sa mère restait veuve
avec cinq enfants; la nécessité d’un travail productif s’imposait à tous.
A quinze ans, il réussit cependant à pénétrer dans le sanctuaire de l’art,
par une petite porte que connaissent beaucoup d’artistes, et des plus vail-
lants, celle de l’atelier lithographique : il s’escrima donc sur les pierres
lithographiques, et bientôt il eut pénétré les secrets du parfait fondu, du
du grené idéal, de tous ces raffinements d’outil qui ont avili et perdu
l’invention de Senefelder. Ici encore, le jeune homme dut se résigner au
sort que lui faisait la pauvreté ; le crayon si fier des premiers lithographes,
Charlet, Carie Vernet, Géricault, Bonington, Eugène Delacroix, Ralfet,
devait certes le tenter ; mais il était au service du commerce et non de
l’art; il lui fallut polir des étiquettes ou des images de la rue Saint-Jac-
ques. Ce travail ingrat lui prit cinq années de sa vie, pendant lesquelles
il produisit sept à huit cents ouvrages, la plupart anonymes. L’écrivain
qui voudra dresser un catalogue complet de l’œuvre de Bracquemond
aura de la besogne. Un exemple seulement peut donner une idée des
difficultés de cette tâche : M. Bracquemond a retracé huit fois sur la
 
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