JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER RERNIN EN FRANGE. 455
rois. M. Le Brun a répliqué1 qu’elle disait des mages. Il2 n’a plus rien dit
et s’en est venu dîner.
Après, nous avons été voir les dessins de Jabaclr, chez qui M. Coiffier
avait mené dîner le signor Paul. MM. Le Brun, Mignard, Gamart, Roland,
Cotteblanche et quelques autres y ont dîné. On a vu quantité de dessins de
tous les maîtres. Le Cavalier a dit qu’il n’y avait aucuns dessins où l’on pût
être moins trompé que ceux d’Annibal Carrache, pour ce qu’ils étaient moins
finis et pouvaient plus difficilement être copiés. Il en a vu un grand nombre
qu’il a dit n’être que des copies. Il y en a quelques-uns de Raphaël extraordi-
nairement beaux, comme celui de Y Attila3. Jabach a dit qu’il lui coûtait cent
pistoles, de-feu M. Du Fresne. Il a [vu] celui du Poussin d'Armide emportant
Renaud, dont le tableau est en France4, quantité de Jules Romain, du Titien,
de Paul Véronèse et autres maîtres. Enfin, il s’est levé brusquement, et a dit
qu’il avait les yeux las de voir tant de belles choses et nous nous en sommes
revenus chez le sieur Joly qui montre à voltiger, où étaient le comte Strozzi,
la signora Anna, l’abbé Bentivoglio. Lui et ses écoliers ont fait divers tours
sur le cheval de bois, et après nous nous en sommes revenus à l’hôtel
Mazarin.
Le douzième, j’ai trouvé le Cavalier dessinant son buste pour y faire le
piédestal, qu’il a projeté en forme de globe. 11 le pose comme sur une es-
pèce d’estrade. Il m’a prié de savoir de Varin, si la médaille, pour mettre
sous la première pierre, était avancée. Nous sommes allés chez lui le signor
Mathie et moi. Il nous a dit qu’elle ne pouvait être achevée que jeudi et m’a
montré deux inscriptions, l’une latine et l’autre française pour attacher à la
première pierre avec la médaille. Les inscriptions sont sur des lames de
bronze et contiennent ce qui ensuit :
LOUIS XIIIIC,
ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE,
Après avoir dompté ses ennemis, donné la paix à l’Europe,
A soulagé ses peuples.
Résolu de faire achever le royal bastiment du Louvre, commencé par François premier
et continué par les Roys suivans, et fait travailler durant quelque temps sur leur mesme
plan, mais depuis la grandeur de son esprit et de son courage luy aïant fait concevoir un
nouveau dessein, et plus grand et plus magnifique, et dans lequel ce qui avait esté basty ne
peut entrer que pour une petite partie, il fit icy les fondements de ce superbe édifice.
L’an de grâce M.DCLXV. Le . . . jour du mois d’octobre.
1. Et avec raison. Voici le texte de saint Mathieu (ch. n, vers. 1) : « Cum ergo natus
esset Jésus in Bethleem Juda in diebus Herodii regis, ecce magi ab oriente venerunt Jero-
solymam. »
2. Il, Bernin.
3. L’Apparition de saint Pierre ot de saint Paul à Attila. La notice des dessins du musée
du Louvre, où il figure sous le n° 325 de l’école italienne, n’indique pas de qui Jabach Bavait
acquis, ce que Chantelou nous apprend ici. Il est exposé dans la salle dite des Boîtes.
4. Le dessin est, comme le précédent, exposé dans la salle des Boîtes sous le n° 1277. —
Le tableau appartenait probablement encore à Stella, pour qui il avait été fait.
rois. M. Le Brun a répliqué1 qu’elle disait des mages. Il2 n’a plus rien dit
et s’en est venu dîner.
Après, nous avons été voir les dessins de Jabaclr, chez qui M. Coiffier
avait mené dîner le signor Paul. MM. Le Brun, Mignard, Gamart, Roland,
Cotteblanche et quelques autres y ont dîné. On a vu quantité de dessins de
tous les maîtres. Le Cavalier a dit qu’il n’y avait aucuns dessins où l’on pût
être moins trompé que ceux d’Annibal Carrache, pour ce qu’ils étaient moins
finis et pouvaient plus difficilement être copiés. Il en a vu un grand nombre
qu’il a dit n’être que des copies. Il y en a quelques-uns de Raphaël extraordi-
nairement beaux, comme celui de Y Attila3. Jabach a dit qu’il lui coûtait cent
pistoles, de-feu M. Du Fresne. Il a [vu] celui du Poussin d'Armide emportant
Renaud, dont le tableau est en France4, quantité de Jules Romain, du Titien,
de Paul Véronèse et autres maîtres. Enfin, il s’est levé brusquement, et a dit
qu’il avait les yeux las de voir tant de belles choses et nous nous en sommes
revenus chez le sieur Joly qui montre à voltiger, où étaient le comte Strozzi,
la signora Anna, l’abbé Bentivoglio. Lui et ses écoliers ont fait divers tours
sur le cheval de bois, et après nous nous en sommes revenus à l’hôtel
Mazarin.
Le douzième, j’ai trouvé le Cavalier dessinant son buste pour y faire le
piédestal, qu’il a projeté en forme de globe. 11 le pose comme sur une es-
pèce d’estrade. Il m’a prié de savoir de Varin, si la médaille, pour mettre
sous la première pierre, était avancée. Nous sommes allés chez lui le signor
Mathie et moi. Il nous a dit qu’elle ne pouvait être achevée que jeudi et m’a
montré deux inscriptions, l’une latine et l’autre française pour attacher à la
première pierre avec la médaille. Les inscriptions sont sur des lames de
bronze et contiennent ce qui ensuit :
LOUIS XIIIIC,
ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE,
Après avoir dompté ses ennemis, donné la paix à l’Europe,
A soulagé ses peuples.
Résolu de faire achever le royal bastiment du Louvre, commencé par François premier
et continué par les Roys suivans, et fait travailler durant quelque temps sur leur mesme
plan, mais depuis la grandeur de son esprit et de son courage luy aïant fait concevoir un
nouveau dessein, et plus grand et plus magnifique, et dans lequel ce qui avait esté basty ne
peut entrer que pour une petite partie, il fit icy les fondements de ce superbe édifice.
L’an de grâce M.DCLXV. Le . . . jour du mois d’octobre.
1. Et avec raison. Voici le texte de saint Mathieu (ch. n, vers. 1) : « Cum ergo natus
esset Jésus in Bethleem Juda in diebus Herodii regis, ecce magi ab oriente venerunt Jero-
solymam. »
2. Il, Bernin.
3. L’Apparition de saint Pierre ot de saint Paul à Attila. La notice des dessins du musée
du Louvre, où il figure sous le n° 325 de l’école italienne, n’indique pas de qui Jabach Bavait
acquis, ce que Chantelou nous apprend ici. Il est exposé dans la salle dite des Boîtes.
4. Le dessin est, comme le précédent, exposé dans la salle des Boîtes sous le n° 1277. —
Le tableau appartenait probablement encore à Stella, pour qui il avait été fait.