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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 6
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0493

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

h 72

pas ce qu’il fait? J’ai une prédilection dont je ne me puis défendre pour les
artisans de peinture grasse, comme Courbet, comme M. Eibo.t, M. Vollon
et M. Alfred Stevens; mais combien de grands artistes ont été des arti-
sans de peinture maigre et ont produit de parfaits chefs-d’œuvre! La
peinture de notre admirable François Clouet est maigre; les meilleurs
portraits d’Ingres sont secs ; Millet avait la facture âpre et tourmentée ;
M. Fantin-Latour procède par touches minces et use du grattoir. Ce
ne sont donc pas, en résumé, l’empâtement plus ou moins épais, le lissé
plus ou moins fondu des touches qui constituent la beauté d’un tableau.
L’exécution varie selon les façons de voir et selon la qualité des matières
à rendre. Celle qu’il sied de préférer n’est pas la plus théoriquement
achevée, mais la plus expressive dans un cas donné. Courbet, qui a
peint quelquefois des marines si humides et si claires, a réduit sa
Vague, du Musée du Luxembourg, à l’état d’un bloc d’agate, pour
avoir voulu trop sacrifier à la technique. Par contre, voyez par quels
procédés sommaires Manet est quelquefois arrivé aux résultats les plus
saisissants. C’est que, plus que jamais, dans le temps d’analyse où
nous sommes, la peinture est un art d’observation et d’expression,
et les choses différentes ne sont pas à interpréter pareillement.

Loin de moi l’intention de préconiser la négligence et le parti pris du
strapassé ; j’aime le dessin serré, j’aime aussi la touche grasse : seule-
ment, tout est bien qui me traduit fortement soit la vérité entière, soit
l’une des faces de la vérité. A cet égard, écoutez ce que Louis David
disait familièrement à ses élèves, — ce David auteur des Sabines et du
Sacre de Napoléon, des Horaces et du Marat assassiné, qui haïssait les
Académies et qui engendra, sans le vouloir, une école académique :
Ne vous abandonnez pas aux couleurs de la palette, répétait-il constam-
ment ; peignez avec les couleurs du vrai. Pas trop de fini, car le fini ne
finit pas. Il faut que la valeur des tons et la vigueur des louches soient
calculées pour les plans et combinées avec les distances d’où le tableau
sera vu. Complétez ces sages conseils en tenant compte de la densité va-
riable de l’atmosphère et de l’ambiance lumineuse; vous aurez l’ensemble
des principes qui régissent une logique exécution.

Pour les facturiers à outrance, qui estiment le métier supérieur à la
nature, nous n’avons qu’à les plaindre. Ce ne sont plus des hommes, ce
sont des machines perfectionnées. L’humanité, la vie, le mouvement, le
frémissement des choses, les joies, rien ne leur importe, pourvu qu’ils
manipulent à leur guise des pâtes colorées. Comparables au poète du
Jules César, de Shakespeare, rimant des sonnets pendant l’émeute, ils
composent des tons de palette et ressassent des formules tandis que,
 
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