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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0502

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

XÉlude? Une jeune femme est représentée, en grand tablier jaune, sa pa-
lette à la main devant une toile blanche, se recueillant avant de peindre
un bouquet de fleurettes jaunes posé à côté d’elle, sur un guéridon. Rien
de violent : un dessin net et enveloppé ; un sérieux profond sans ombre
de pédantisme. Je ne saurais dire le calme, la distinction, la beauté hu-
maine de cette figure de femme détachée simplement sur le fond gris
d’un atelier. Tenez pour certain que le portraitiste Fantin-Latour est l’un
des maîtres français les plus sincères, les plus personnels, et les plus
assurés de vivre. Je n’ai qu’un regret : celui de ne pouvoir analyser ici
les deux faces de son talent. Parti de l’éblouissement des tableaux d’Eu-
gène Delacroix, M. Fantin, si radicalement naturaliste dans ses portraits,
est resté romantique dans ses lithographies, hardiment crayonnées pour
l’illustration des légendes de Berlioz, de Schumann et de Richard Wagner,
et dans ses petits tableaux de fantaisie et de rêve, tels que 1 q Songe d’une
nuit dXété, qu’il expose en ce Salon et qui semble inspiré du Yenusberg de
Tannhœüser, et ce pastel de Sarah la baigneuse qu’on peut voir, au palais
de l’Industrie, dans la salle des dessins. Le cas est infiniment curieux,
mais ce n’est pas le lieu de l’élucider ici.

Un autre morceau de maître, et de grand maître, c’est le portrait de
l\IUe Uouise Ribot, par l’auteur illustre du Saint Sébastien du Luxembourg,
de la Comptabilité et du Jeune homme à la manche jaune.

On connaît le point de vue spécial et l’objectif de M. Ribot. Plaçant son
modèle droit devant lui, à un jour étroit qui resserre violemment la
lumière sur le visage et y fait, pour ainsi dire, refluer toute la vie de la
personne, il l’isole de ce qui l’entoure et s’attache à rendre la pleine,
humaine, personnelle réalité cle l’être qu’il a sous les yeux. Nul ne sait
comme lui sculpter un front, enchâsser un œil et le faire vivre dans l’or-
bite solide et sous la mobile paupière, préciser chaque trait, unifier l’en-
semble, accuser l’ossature sous la chair, traduire l’épiderme, en un mot,
arracher au fond neutre et sombre un relief tout palpitant et vivant. Vous
regardez une figure de l’artiste : au premier moment, c’est la force de
l’exécution qui vous frappe. Que si vous regardez encore, c’est la vie
concentrée qui éclate et déborde tout. Il n’v a plus là du blanc et du noir,
du gris et de la couleur : il y a une essence d’humanité. U’image s’anime,
respire, vous halluciné : une âme est emprisonnée en ce tableau. La
rigueur du dessin, résultat d’une observation scrupuleuse, et la vigueur
de la touche ont seuls fait ce miracle. Que voyons-nous dans le présent
portrait? Une jeune fille debout contre un fond vert sombre glacé, les
épaules couvertes d’un ample manteau de fourrure, coiffée en garçon de
ses cheveux châtains coupés courts et retombant derrière les oreilles.
 
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