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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 6
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Duret, Théodore: Expositions de la Royal Academy et de la Grosvenor Gallery: correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0556

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532

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tence qu’après que l’arrangement du coloris avait été trouvé. À ce point
de vue, M. Moore invente, compose et combine en peintre, en artiste
renfermé clans son domaine propre, sans autres intentions que des in-
tentions picturales. Puisqu’elles sont surtout des morceaux de peinture,
les œuvres de M. Moore ne sont naturellement goûtées que par une mino-
rité de délicats; elles ne sollicitent donc point l’attention de la foule et
leur auteur n’a encore pu parvenir à se tirer de la pénombre. La Lec-
ture à haute voix qu’il expose cette année à la Royal Academyest, comme
dimensions, un tableau important. Gomme vivacité et accentuation de
coloris, comme fermeté de facture, comme disposition originale des per-
sonnages, de toutes les œuvres qu’il a produites jusqu’à ce jour, c’est
peut-être la meilleure. M. Moore n’introduit que des femmes dans ses
tableaux : des femmes blondes, des Anglaises, mais idéalisées, et dont
les formes, plus sculpturales et plus équilibrées que celles de l’Anglaise
réelle, empruntent quelque chose au type classique. Du reste, elles ont
une allure et un air modernes qui les distinguent absolument de la
femme de pure convention du type rebattu des écoles. La Lecture à
haute voix représente trois femmes drapées d’étoffes d’un rose délicat,
que font valoir le gris d’une certaine partie du costume et les arabesques,
dont la fantaisie de l’artiste a, sur la muraille, fait un fond au tableau.
L’une des femmes, couchée sur un lit, tient un livre ouvert à la main,
d’où le titre du tableau; une seconde est à ses pieds; la troisième,
assise sur un siège, développe ses draperies dans une pose élégante
quoiqu'un peu prétentieuse. Ces trois femmes agissent aussi peu que
possible, mais elles sont vivantes et séduisantes ; le coloris des étoffes qui
les habille et les entoure est clair et délicat. Aussi ce tableau réjouit-il
les yeux et repose-t-il agréablement de cette multitude de toiles, où des
personnages sans vie et sans mouvement composent toutes sortes de
scènes outrées ou prétentieuses, pour attirer quand même l’attention.

Passer de l’art de M. Albert Moore à celui de M. Burne Jones, c’est
changer d’hémisphère. L’un est aux antipodes de l’autre. Avec M. Burne
Jones nous entrons en plein dans la peinture littéraire; l’artiste est doublé
d'un poète, d’un penseur, d’un songeur, que sais-je ! son crayon et son
pinceau cherchent à donner forme à des visions et à des créations qui
n’ont d’existence que dans la cervelle humaine. Les tableaux ont maintenant
besoin d’explications écrites, les sujets ne peuvent se passer de commen-
taires ; pour les comprendre, il faut faire connaissance avec de vieilles
ballades, avoir lu certains poètes, être ferré sur l’histoire et la légende.
M. Burne Jones est issu, par filiation directe, de cette petite école éclose
vers J8Z18, qu’on a appelée pré-raphaélite, et à laquelle Dante-Gabriel
 
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