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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 14.1895

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Merson, Luc-Olivier: Charles le Brun à Vaux-le-Vicomte et à la Manufacture royale, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0020

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14

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

fable. Soit. Mais n’est-ce pas de la Renaissance que vint l’exemple
de ces excès, de ces amplifications?

Le style Louis XIY est une date dans l’histoire des arts somp-
tuaires. En même temps que la langue et les usages de la France en-
vahissaient l’Europe, il y prenait racine, il en faisait la conquête. Pas
de pays où il ne se soit implanté, gagnant en expansion ce qu’il avait
perdu en indépendance; pas de peuple qui n’ait subi ses prestiges,
quine l’ait imité et pris pour type. Il régna partout. Et ce ne fut pas
un engouement factice et passager. Aujourd’hui, après la décadence
qui suivit, où le robuste fit place au joli, le grand à l’efféminé,
après la réforme de David, froide etroide, qu’on se figura renouvelée
des Romains et des Grecs, et qui faisait, selon F. de Lasteyrie,
« ressembler une salle de bal, un salon, une salle à manger modernes
au décor traditionnel de quelque tragédie classique», aujourd’hui
c’est à lui qu’on s’adresse souvent encore et qu’on se fie pour un objet
princier, un ameublement magnifique, s’il s’agit d’ordonner et d’em-
bellir les pièces d’apparat d’un palais, pas un autre ne répondant
mieux à l’idéede grand faste, de fière et majestueuse opulence.

Penseur certainement inférieur à Poussin, inférieur, certaine-
ment aussi, à Le Sueur pour la tendresse et le charme, Le Brun fut
un décorateur de très haute race. A sa manière, il donne la mesure
des élégances riches, solennelles et savamment pompeuses de la cour
à laquelle il appartint, dont il parla le langage. Les ouvrages sans
nombre qu’il imagina et fit exécuter aux Gobelins ont tous cet
intérêt. Son admirable école d’art décoratif fonda, élargit et affirma
au loin la suprématie du goût national; en dépit d'efforts pour la
déplacer, cette suprématie, plus de deux siècles écoulés, se maintient
toujours universellement admise. Cela mérite bien quelque recon-
naissance. Aussi, dans la multitude des tableaux du «premier peintre
du roi», noblement entendus, travaillés avec assurance et sans tour-
ment, plus d’un, sans doute, commandera l’attention et se fixera dans la
mémoire. Cependant, surtout, la « Manufacture royale des meubles de
la couronne» élève dans les régions de l’art, à travers les vicissitudes
de l’esthétique, Charles Le Brun au rang des hommes dont un pays
doit s’honorer, qui ont les privilèges du génie et la gloire d’une juste
renommée.

OLIVIER MERSON.
 
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