Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 14.1895)

UN GROUPE EN IVOIRE DU MUSÉE DU LOUVRE

LE COURONNEMENT DE LA VIERGE

L’année 1861 vit se disperser à Paris une collection d’objets d’art
qui eut son heure d’universelle célébrité, la collection du prince
Soltykoff, dont le nom n’est pas encore oublié, même en dehors du
monde des amateurs et des archéologues. Dans un long article
inséré ici même \ le regretté Alfred Darcel, qui plus tard devait si
sagement diriger le Musée de Cluny, se lamentait sur l’inertie dont
faisait preuve l’administration en présence d’une semblable aubaine.
Il avait cent fois raison, car la collection d’armes que l’empereur
Napoléon III s’était laissé persuader d’acquérir, pour précieuse
qu’elle fût, était cependant la partie la moins intéressante de cet
ensemble. Et Darcel poussait des cris d’alarme en voyant acheter par
le Musée de South-Kensington une foule d'œuvres de premier ordre
qui auraient pu constituer chez nous un magnifique musée du moyen
âge et n’ont pas peu contribué, avec la collection Soulages, à faire
l’éducation artistique de nos voisins plus avisés. Bref, il contemplait
avec désespoir l’éparpillement des émaux, des orfèvreries, des bronzes,
des ivoires ; une seule chose le consolait : deux pièces capitales
avaient trouvé grâce devant le ministère d’Etat, qui, dit-on, avait 1

1. Ire période, 1861, t. X.