NOTE SUR UN TABLEAU DU LOUVRE
NAGUÈRE
ATTRIBUE A GENTILE BELLINI
Le tableau qui ligure sous le n° 60 au catalogue des peintures ita-
liennes du Musée du Louvre a été donné, jusqu’à ces derniers temps,
comme une œuvre de Gentile Bellini, devant représenter soit
une audience accordée par Mahomet II à un baile vénitien, soit
la réception d’ambassadeurs anglais par le Grand-Seigneur.
On savait qu’à la demande du sultan la Seigneurie avait envoyé
Gentile Bellini à Constantinople, et ce fait a suffi pour faire consi-
dérer ce maître comme l’auteur d’un tableau dont la scène se passe
dans le Levant et dont les personnages sont vêtus de costumes orien-
taux. Cette attribution erronée et cette fausse indication du sujet
avaient déjà cours pendant la première moitié du xviic siècle. En
effet, Marco Boschini, dans sa Caria de navegar, nous apprend que
plusieurs années avant la publication de son ouvrage, édité en 1660,
un Français, Raphaël Dufresne, avait acheté et emporté en France
un tableau peint par Gentile Bellini, et montrant, disait-il, la
réception d'un baile vénitien par Mahomet II. Boschini en indique les
principaux détails et décrit le costume du sultan et ceux du cadi et du
mufti qui, selon lui, sont assis sur le même sofa que le Grand-Seigneur.
Les assertions de Marco Boschini se sont accréditées, bien qu’un
simple coup d’œil jeté sur le tableau eût suffi pour en faire éclater
la fausseté, l’architecture des maisons et des minarets, les palmiers,
les costumes n’ayant rien de commun ni avec Constantinople
ni avec Mahomet II, et l'œuvre étant indigne de Bellini.
Il s’agit ici d’un épisode important des relations politiques et
XIV. — 3e période. 26
NAGUÈRE
ATTRIBUE A GENTILE BELLINI
Le tableau qui ligure sous le n° 60 au catalogue des peintures ita-
liennes du Musée du Louvre a été donné, jusqu’à ces derniers temps,
comme une œuvre de Gentile Bellini, devant représenter soit
une audience accordée par Mahomet II à un baile vénitien, soit
la réception d’ambassadeurs anglais par le Grand-Seigneur.
On savait qu’à la demande du sultan la Seigneurie avait envoyé
Gentile Bellini à Constantinople, et ce fait a suffi pour faire consi-
dérer ce maître comme l’auteur d’un tableau dont la scène se passe
dans le Levant et dont les personnages sont vêtus de costumes orien-
taux. Cette attribution erronée et cette fausse indication du sujet
avaient déjà cours pendant la première moitié du xviic siècle. En
effet, Marco Boschini, dans sa Caria de navegar, nous apprend que
plusieurs années avant la publication de son ouvrage, édité en 1660,
un Français, Raphaël Dufresne, avait acheté et emporté en France
un tableau peint par Gentile Bellini, et montrant, disait-il, la
réception d'un baile vénitien par Mahomet II. Boschini en indique les
principaux détails et décrit le costume du sultan et ceux du cadi et du
mufti qui, selon lui, sont assis sur le même sofa que le Grand-Seigneur.
Les assertions de Marco Boschini se sont accréditées, bien qu’un
simple coup d’œil jeté sur le tableau eût suffi pour en faire éclater
la fausseté, l’architecture des maisons et des minarets, les palmiers,
les costumes n’ayant rien de commun ni avec Constantinople
ni avec Mahomet II, et l'œuvre étant indigne de Bellini.
Il s’agit ici d’un épisode important des relations politiques et
XIV. — 3e période. 26