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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 14.1895

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Nr. 1
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Lefort, Paul: L' Académie de San Fernando, 2: les musées de Madrid
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https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0074

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

On ne saurait, croyons-nous, pousser plus loin que l’a fait ici
Murillo l’audacieuse recherche de la réalité, étudiée et rendue dans
sa plus brutale laideur. Mais, s’il est vrai que l’art peut tout ennoblir,
c’est assurément en face de ce tableau que cette vérité devient
palpable. Avec un sujet rempli de détails repoussants, le grand
artiste a su créer une œuvre que l’on n’oublie plus, empreinte qu’elle
est du plus saisissant caractère en même temps que du sentiment le
plus vraiment sublime.

Antonio Perea ou Pereda (1599-1669), un peintre assez peu connu
quoiqu’il mérite de l’être, figure à l’Académie avec une toile impor-
tante; peut-être même est-ce là son capo d’opera, puisqu’on ignore ce
qu’est devenue la composition représentant la Levée du siège de Gènes,
que, sous la direction de Velâzquez, il avait exécutée pour le palais
du Buen Retiro.

Le catalogue désigne cette œuvre sous ce titre : Le Songe de la vie,
bien qu’elle en raconte plutôt le désenchantement et la vanité. Au
sortir de quelque orgie, un jeune gentilhomme, vêtu d’un pourpoint
tissé d’or, s’est endormi dans un fauteuil ; sa tète, aux traits fins et
distingués, repose mollement appuyée sur une de ses mains. En face
de lui, sur une table, s’étale tout un pêle-mêle d’objets rares et de
choses précieuses : des monnaies d’or, des écrins d’où débordent des
bijoux et des colliers, des armes d’une grande magnificence. La lueur
mourante d’une bougie laisse voir encore un masque, des fleurs, une
horloge antique et, sur une pile de livres, une tête de mort. Un globe
terrestre, une couronne impériale, une mitre, une crosse s’entassent
çàetlàen un pittoresque désordre. Au fond, dans une lumière blonde,
un ange surgit, déroulant dans ses mains un phylactère où se lit
cette menaçante inscription : Æterne pungit, citò volat et occidit: et
cette fatidique apparition semble bien symboliser le rêve terrifiant
qui visite à-cette , heure et trouble'le sommeil de cet heureux du
monde, lui rappelant la brièveté de la .vie et la vanité de la possession
des honneurs et des richesses. Enveloppée d’une mystérieuse lumière,
cette composition, où la vision se mêle si hardiment à la réalité, est
traitée dans une gamme de gris fins et délicats on ne peut plus habi-
lement ménagée. L’homme endormi y respire et vit; chaque objet,
chaque accessoire, quelque brillant qu’il soit, reste bien, comme
valeur, subordonné à l’ensemble.

Nous négligeons à dessein nombre de tableaux ne tenant dans
l’œuvre de leurs auteurs qu’une place secondaire, pour en arriver à
quelques peintures, à bon droit admirées, de Francisco Goya (1746-
 
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