DOI issue:
Nr. 2
DOI article:Héron de Villefosse, Antoine Marie: Le trésor d'argenterie de Bosco Reale
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0104
94
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
donné une nouvelle preuve de Indélicatesse et du goût de l’artiste qui
avait inventé ce beau modèle
La planche ci-jointe offre une reproduction de ce monument.
Il semble donc presque inutile de remarquer que la ville d’Alexandrie
tient au bras gauche une corne d’abondance remplie de raisins,
surmontée du croissant d’Isis, et qu’elle porte dans un pli de sa tunique
les fruits les plus variés, avec un épi de ce fameux blé d’Egypte,
nourriture de Rome, que ses bateaux aux voiles légères venaient
décharger, à époque fixe, sur les quais de Pouzzoles et d’Ostie. C’est
bien la ville fécondé, fertile, copiosissima et portentosa, vertex omnium
civitatum, dont parlent les auteurs anciens.
Autour du buste de la cité sainte sont réunis divers attributs de
divinités : l’aigle de Jupiter, le paon de Junon, la massue d’Hercule,
le sistre d’Isis, l’arc et le carquois de Diane, la lyre d’Apollon, les
tenailles de Vulcain, le serpent d’Esculape enroulé autour d’un
bâton, le buste du Soleil, les bonnets des Dioscures, la panthère de
Bacchus, le lion de Cybèle, assis près de l’épaule droite et qui semble
posté là comme le gardien de la ville.
L’intérieur de la phiale est décoré d’une large couronne de
feuillages, chêne et laurier, entièrement dorée et finement ciselée,
qui encadre le médaillon central. Sous le pied une triple notation
pondérale, tracée en lettres pointillées, fournit: l°le poids complet
de la phiale et de l’emblema; 2° le poids de la phiale seule; 3° le poids
de l’emblema seul.
Une seconde phiale, à peu près de la même dimension, est ornée
au centre d’un buste d’homme, imberbe, avec de grandes oreilles
écartées; ce buste s’enlève en ronde bosse sur le fond. C’est un
portrait bien caractérisé; peut-être celui du propriétaire de la villa
et du trésor. Il n’est plus jeune; ses rides et la patte d’oie dessinée
près des yeux indiquent un homme déjà fatigué; mais sa figure est
pleine d’expression et de malice. On songe, en le voyant, à son voisin
de Pompéi, l’usurier Jucundus, dont la tête si curieuse est connue de
tous ce"ux qui ont visité le Musée de Naples.
. Cette phiale avait, dit-on, un pendant orné d’un buste de femme
1. Pline nous a conservé les noms d'un certain nombre cf’arlistes qui s’étaient
rendus fameux par leur habileté à ciseler l'argent et surtout par leur talent à com-
poser des emblemata destinés à la décoration des grandes phiales d’argent. Leurs
ouvrages avaient atteint des prix considérables.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
donné une nouvelle preuve de Indélicatesse et du goût de l’artiste qui
avait inventé ce beau modèle
La planche ci-jointe offre une reproduction de ce monument.
Il semble donc presque inutile de remarquer que la ville d’Alexandrie
tient au bras gauche une corne d’abondance remplie de raisins,
surmontée du croissant d’Isis, et qu’elle porte dans un pli de sa tunique
les fruits les plus variés, avec un épi de ce fameux blé d’Egypte,
nourriture de Rome, que ses bateaux aux voiles légères venaient
décharger, à époque fixe, sur les quais de Pouzzoles et d’Ostie. C’est
bien la ville fécondé, fertile, copiosissima et portentosa, vertex omnium
civitatum, dont parlent les auteurs anciens.
Autour du buste de la cité sainte sont réunis divers attributs de
divinités : l’aigle de Jupiter, le paon de Junon, la massue d’Hercule,
le sistre d’Isis, l’arc et le carquois de Diane, la lyre d’Apollon, les
tenailles de Vulcain, le serpent d’Esculape enroulé autour d’un
bâton, le buste du Soleil, les bonnets des Dioscures, la panthère de
Bacchus, le lion de Cybèle, assis près de l’épaule droite et qui semble
posté là comme le gardien de la ville.
L’intérieur de la phiale est décoré d’une large couronne de
feuillages, chêne et laurier, entièrement dorée et finement ciselée,
qui encadre le médaillon central. Sous le pied une triple notation
pondérale, tracée en lettres pointillées, fournit: l°le poids complet
de la phiale et de l’emblema; 2° le poids de la phiale seule; 3° le poids
de l’emblema seul.
Une seconde phiale, à peu près de la même dimension, est ornée
au centre d’un buste d’homme, imberbe, avec de grandes oreilles
écartées; ce buste s’enlève en ronde bosse sur le fond. C’est un
portrait bien caractérisé; peut-être celui du propriétaire de la villa
et du trésor. Il n’est plus jeune; ses rides et la patte d’oie dessinée
près des yeux indiquent un homme déjà fatigué; mais sa figure est
pleine d’expression et de malice. On songe, en le voyant, à son voisin
de Pompéi, l’usurier Jucundus, dont la tête si curieuse est connue de
tous ce"ux qui ont visité le Musée de Naples.
. Cette phiale avait, dit-on, un pendant orné d’un buste de femme
1. Pline nous a conservé les noms d'un certain nombre cf’arlistes qui s’étaient
rendus fameux par leur habileté à ciseler l'argent et surtout par leur talent à com-
poser des emblemata destinés à la décoration des grandes phiales d’argent. Leurs
ouvrages avaient atteint des prix considérables.