LES SALONS DE 1895.
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au sol natal et au home, les racontent dans des œuvres de vérité, très
aptes à provoquer la méditation, à remuer la fibre humaine ; mais la
foi n’est ni moins loyale, ni moins ardente des poètes, de Mlled’Anethan
(Ruth et Booz), deM. Frédéric et de M. Brangvvyn. A envelopper dans
un regard le tableau de M. Struys et les envois deM. Brangvvyn, on
prend conscience du schisme qui divise les auteurs. Qu’est-ce la Visite
au malade de M. Struys, sinon une de ces peintures d’intimité où les
écoles de Hollande et des Flandres ont de tous temps excellé? Au chevet
du patient, le prêtre s’est assis, et un travailleur en sabots, une femme
du peuple portant un enfant, écoutent debout, pleins de respect, la
parole du ministre de Dieu. L’attrait, qui est irrésistible, vient de
l’unité du drame, de la participation de tous les acteurs à la scène,
et de la lumière qui épand dans l’humble logis, propret et rangé,
l’harmonie de ses rayons amis. — La vapeur d’une brume légère
voile la Pêche miraculeuse de M. Brangvvyn et transporte toute la
toile dans le mode mineur des teintes estompées, éteintes ; sur la
mer bleue, sans ride, la nef du Christ glisse au loin, majestueuse,
tandis que, dans une autrebarque, des Asiatiques demi-nus tirent en
cadence le filet chargé de poissons frétillants. Plus vibrant d’effet, un
second ouvrage de M. Brangvvyn groupe des marchands nègres
accroupis sur la baie sablonneuse, ensoleillée ; la rutilance de
Monticelli (voyez les personnages) et l’affinement de Whistler (voyez
le fond) se combinent dans cette vision d’Orient éclatante et limpide.
On avait dressé en bonne forme l’acte de décès de l’école espa-
gnole; la sève était à jamais tarie; l’arbre ne semblait plus bon qu’à
abattre, — et de nouvelles pousses germent, et l’espoir s’annonce d’une
floraison prochaine. Toute la superbe d’Espagne, je la retrouve dans
le Portrait de Mmc Sarah Bernhardt, par M. Antonio de la Gandara,
et c’est bien à la patrie de Cervantès qu’appartient M. Vierge, l'il-
lustrateur à la verve inépuisable, débordant de fougue, d’humour,
auquel on doit la suite de compositions épiques pour Don Pablo de
Ségovie. Des peintres d’intérieur, de plein air, l’Espagne en compte de
promis au plus bel avenir : M. Casas et M. Rusinol, M. Bilbao et
M. Guinea, M. Graner etM. Garrido, M. Sorolla y Bastida surtout;
celui-là s’est arrêté dans la haie de Valence à contempler les grands
bœufs qui hâlent lentement la barque vers le rivage, aux clartés fri-
santes du jour tombant; le pittoresque du spectacle l’a conquis, et il
s’est mis en tête de le reproduire. Malgré les réserves rendues néces-
saires par le ciel, l’impression d’ensemble captive; puis, n’est-il pas
beau à M. Sorolla y Bastida de ne point se spécialiser, et de ne rien
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au sol natal et au home, les racontent dans des œuvres de vérité, très
aptes à provoquer la méditation, à remuer la fibre humaine ; mais la
foi n’est ni moins loyale, ni moins ardente des poètes, de Mlled’Anethan
(Ruth et Booz), deM. Frédéric et de M. Brangvvyn. A envelopper dans
un regard le tableau de M. Struys et les envois deM. Brangvvyn, on
prend conscience du schisme qui divise les auteurs. Qu’est-ce la Visite
au malade de M. Struys, sinon une de ces peintures d’intimité où les
écoles de Hollande et des Flandres ont de tous temps excellé? Au chevet
du patient, le prêtre s’est assis, et un travailleur en sabots, une femme
du peuple portant un enfant, écoutent debout, pleins de respect, la
parole du ministre de Dieu. L’attrait, qui est irrésistible, vient de
l’unité du drame, de la participation de tous les acteurs à la scène,
et de la lumière qui épand dans l’humble logis, propret et rangé,
l’harmonie de ses rayons amis. — La vapeur d’une brume légère
voile la Pêche miraculeuse de M. Brangvvyn et transporte toute la
toile dans le mode mineur des teintes estompées, éteintes ; sur la
mer bleue, sans ride, la nef du Christ glisse au loin, majestueuse,
tandis que, dans une autrebarque, des Asiatiques demi-nus tirent en
cadence le filet chargé de poissons frétillants. Plus vibrant d’effet, un
second ouvrage de M. Brangvvyn groupe des marchands nègres
accroupis sur la baie sablonneuse, ensoleillée ; la rutilance de
Monticelli (voyez les personnages) et l’affinement de Whistler (voyez
le fond) se combinent dans cette vision d’Orient éclatante et limpide.
On avait dressé en bonne forme l’acte de décès de l’école espa-
gnole; la sève était à jamais tarie; l’arbre ne semblait plus bon qu’à
abattre, — et de nouvelles pousses germent, et l’espoir s’annonce d’une
floraison prochaine. Toute la superbe d’Espagne, je la retrouve dans
le Portrait de Mmc Sarah Bernhardt, par M. Antonio de la Gandara,
et c’est bien à la patrie de Cervantès qu’appartient M. Vierge, l'il-
lustrateur à la verve inépuisable, débordant de fougue, d’humour,
auquel on doit la suite de compositions épiques pour Don Pablo de
Ségovie. Des peintres d’intérieur, de plein air, l’Espagne en compte de
promis au plus bel avenir : M. Casas et M. Rusinol, M. Bilbao et
M. Guinea, M. Graner etM. Garrido, M. Sorolla y Bastida surtout;
celui-là s’est arrêté dans la haie de Valence à contempler les grands
bœufs qui hâlent lentement la barque vers le rivage, aux clartés fri-
santes du jour tombant; le pittoresque du spectacle l’a conquis, et il
s’est mis en tête de le reproduire. Malgré les réserves rendues néces-
saires par le ciel, l’impression d’ensemble captive; puis, n’est-il pas
beau à M. Sorolla y Bastida de ne point se spécialiser, et de ne rien