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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sous la monarchie de juillet, on considérait la miniature autrement que
nous ne faisons. Au lieu de la reléguer comme à présent sur le palier
des Salons de peinture, on lui faisait fête, on lui réservait des places
en pleine lumière; les visiteurs s’intéressaient d’autant plus à elle
que la plus grande part des portraits célèbres étaient fournis par les
miniaturistes. Tout de suite, la jeune artiste amusa par ses études
d’après les peintres et certaines effigies pleines de qualités et de
finesse. Je croirais assez que Mme de Mirbel, alors en possession de
la grande renommée, trouva gênante un peu la nouvelle venue;
ceci expliquerait assez bien l’accueil presque froid dont elle l’avait
saluée. Au fond, sans recourir aux travaux illustres qui forcent l’at-
tention et commandent les récompenses, en peignant tout bonnement
des enfants et un juge au tribunal de commerce, MmC Herbelin avait
attiré l’attention du jury. Elle a une troisième médaille en 1843, une
seconde en 1844, une première en 1847 et 1848 pour des œuvres
modestes, distinguées par des initiales, où, tout au plus, on avait
nommé M. de Thorigny, avocat général. Le piquant en ceci était que
Mme de Mirbel avait été oubliée, en dépit de son portrait d’Émile
de Girardin, personnage à la mode dont elle escomptait visiblement
la fortune. Mais le malheur pour Mme Herbelin fut de venir à
une époque médiocre dans le goût des ajustements féminins. C’était
chose pénible que d’intéresser à ces coiffures banales, à ces corsages
lourds embourgeoisant les formes, à ces jupes étoffées où la femme la
plus svelte s’engonçait et paraissait une dondon. Combien Mme Her-
belin chercha-t-elle à gazer ces fautes de goût! Le plus qu’elle peut,
elle exécute le portrait d’homme : M. Guizot, le comte de Zupel,
Dumas fils, le fils du prince de Polignac, Eugène Delacroix, un ami
pour elle, lequel goûtait infiniment sa façon spirituelle de dire une
figure et de l’animer. En 1853, Mme Herbelin est à l’apogée ; elle a,
cette année-là, exposé le portrait du vieux Jean-Baptiste Isabey dans
son habit bleu à boutons d’or, portant au col la croix de commandeur,
tenant sous le bras son haut de forme du premier empire et pareil à
quelque lord anglais du peerage. Et pour elle toute seule, Isabey a
consenti à poser, choisissant lui-même l’attitude, immobilisé des
heures durant sans trahir ni fatigue, ni ennui. Ce petit chef-
d’œuvre est demeuré chez Mme Herbelin ; il vaut tout à la fois par
l’art exquis dont il témoigne et par l’illustration du modèle. En plus,
il fut apprécié à sa valeur au Salon de 1853 ; car, à la suite des pro-
motions faites par M. de Nieuwerkerke dans la Légion d’honneur,
après la nomination de Dubufe, de Français, de Chenavard, d’Hébert
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
sous la monarchie de juillet, on considérait la miniature autrement que
nous ne faisons. Au lieu de la reléguer comme à présent sur le palier
des Salons de peinture, on lui faisait fête, on lui réservait des places
en pleine lumière; les visiteurs s’intéressaient d’autant plus à elle
que la plus grande part des portraits célèbres étaient fournis par les
miniaturistes. Tout de suite, la jeune artiste amusa par ses études
d’après les peintres et certaines effigies pleines de qualités et de
finesse. Je croirais assez que Mme de Mirbel, alors en possession de
la grande renommée, trouva gênante un peu la nouvelle venue;
ceci expliquerait assez bien l’accueil presque froid dont elle l’avait
saluée. Au fond, sans recourir aux travaux illustres qui forcent l’at-
tention et commandent les récompenses, en peignant tout bonnement
des enfants et un juge au tribunal de commerce, MmC Herbelin avait
attiré l’attention du jury. Elle a une troisième médaille en 1843, une
seconde en 1844, une première en 1847 et 1848 pour des œuvres
modestes, distinguées par des initiales, où, tout au plus, on avait
nommé M. de Thorigny, avocat général. Le piquant en ceci était que
Mme de Mirbel avait été oubliée, en dépit de son portrait d’Émile
de Girardin, personnage à la mode dont elle escomptait visiblement
la fortune. Mais le malheur pour Mme Herbelin fut de venir à
une époque médiocre dans le goût des ajustements féminins. C’était
chose pénible que d’intéresser à ces coiffures banales, à ces corsages
lourds embourgeoisant les formes, à ces jupes étoffées où la femme la
plus svelte s’engonçait et paraissait une dondon. Combien Mme Her-
belin chercha-t-elle à gazer ces fautes de goût! Le plus qu’elle peut,
elle exécute le portrait d’homme : M. Guizot, le comte de Zupel,
Dumas fils, le fils du prince de Polignac, Eugène Delacroix, un ami
pour elle, lequel goûtait infiniment sa façon spirituelle de dire une
figure et de l’animer. En 1853, Mme Herbelin est à l’apogée ; elle a,
cette année-là, exposé le portrait du vieux Jean-Baptiste Isabey dans
son habit bleu à boutons d’or, portant au col la croix de commandeur,
tenant sous le bras son haut de forme du premier empire et pareil à
quelque lord anglais du peerage. Et pour elle toute seule, Isabey a
consenti à poser, choisissant lui-même l’attitude, immobilisé des
heures durant sans trahir ni fatigue, ni ennui. Ce petit chef-
d’œuvre est demeuré chez Mme Herbelin ; il vaut tout à la fois par
l’art exquis dont il témoigne et par l’illustration du modèle. En plus,
il fut apprécié à sa valeur au Salon de 1853 ; car, à la suite des pro-
motions faites par M. de Nieuwerkerke dans la Légion d’honneur,
après la nomination de Dubufe, de Français, de Chenavard, d’Hébert