LE PORTRAIT-MINIATURE EN FRANGE.
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décadentes ou mystiques lui portent noise, et la peinture de Manet,
installée là dedans, contrarierait trop les idées reçues; le meilleur
est de s’en tenir àia pratique consacrée par quatre siècles. Les seules
réformes utiles seraient cherchées de préférence dans la composition
même de ces petits tableaux minuscules. Il y a façon d’être exact
et sincère, sans pourcela se contraindre à des simplicités trop grandes.
Qu’on aille au Salon des miniatures : toutes ces têtes mornes, emprun-
tées, donnent l’illusion d’un jeu de massacre dans leur répétition et
leur monotonie. 11 n’en était pas ainsi au temps où la miniature jouis-
sait encore de quelque crédit; l’artiste se donnait la peine de penser,
d’étudier son modèle, de lui chercher une allure. Sous la physio-
nomie triste ou gaie, un peu de l’àme apparaissait; ç’avait été le
triomphe de Fouquet, des Clouet, de Hall, d’Augustin, d’Isabey, de
M”es qe Mirbel et Herbelin. Pour le quart d’heure, la phrase ensei-
gnée dans les ateliers spéciaux prime le fond; on se contente de
l’orthographe à défaut de l’idée. Tout le mal est dans notre manie
de professorat; on professe à tort et à travers, même les choses les
moins susceptibles d’être enseignées. Au fond, ce qui est l’essence de
l’art, la pensée créatrice, ne se peut assujettir aux ukases d’un bon-
homme titré maître; il est bon de lui demander la technique, le moyen
manuel, sauf à le fuir quand il veut imposer ses idées. Pour ne
parler que de ce qui nous occupe, on a sujet de déplorer l’ingérence
des nombreux professeurs de miniature; leurs élèves se croient
obligés de les calquer, d’imiter leur goût, et on arrive à ne démêler
plus bien les uns des autres. Si le public se détourne d’année en
année, la faute en està ce nivellement minable, où les très forts et
les très faibles se suivent, s’entremêlent et déroutent le visiteur.
Très récemment, une exposition tentée à la galerie Petit montrait
l'extraordinaire décadence de la miniature moderne, comparée aux
œuvres anciennes. Le jury a les plus grandes peines du monde à
pêcher une ou deux histoires dans le tas ; le plus souvent il y renonce.
La miniature française, mère de l’école de peinture, est comme une
reine dépossédée dont les sujets gardent pour eux les bons mor-
ceaux et se font tirer l’oreille pour la moindre dotation à lui faire...
C’est pour réagir un peu contre l’indifférence, et reprendre
une place honorable que les miniaturistes ont résolu, ces dernières
années, de se créer une exposition particulière. La mode est à ces
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décadentes ou mystiques lui portent noise, et la peinture de Manet,
installée là dedans, contrarierait trop les idées reçues; le meilleur
est de s’en tenir àia pratique consacrée par quatre siècles. Les seules
réformes utiles seraient cherchées de préférence dans la composition
même de ces petits tableaux minuscules. Il y a façon d’être exact
et sincère, sans pourcela se contraindre à des simplicités trop grandes.
Qu’on aille au Salon des miniatures : toutes ces têtes mornes, emprun-
tées, donnent l’illusion d’un jeu de massacre dans leur répétition et
leur monotonie. 11 n’en était pas ainsi au temps où la miniature jouis-
sait encore de quelque crédit; l’artiste se donnait la peine de penser,
d’étudier son modèle, de lui chercher une allure. Sous la physio-
nomie triste ou gaie, un peu de l’àme apparaissait; ç’avait été le
triomphe de Fouquet, des Clouet, de Hall, d’Augustin, d’Isabey, de
M”es qe Mirbel et Herbelin. Pour le quart d’heure, la phrase ensei-
gnée dans les ateliers spéciaux prime le fond; on se contente de
l’orthographe à défaut de l’idée. Tout le mal est dans notre manie
de professorat; on professe à tort et à travers, même les choses les
moins susceptibles d’être enseignées. Au fond, ce qui est l’essence de
l’art, la pensée créatrice, ne se peut assujettir aux ukases d’un bon-
homme titré maître; il est bon de lui demander la technique, le moyen
manuel, sauf à le fuir quand il veut imposer ses idées. Pour ne
parler que de ce qui nous occupe, on a sujet de déplorer l’ingérence
des nombreux professeurs de miniature; leurs élèves se croient
obligés de les calquer, d’imiter leur goût, et on arrive à ne démêler
plus bien les uns des autres. Si le public se détourne d’année en
année, la faute en està ce nivellement minable, où les très forts et
les très faibles se suivent, s’entremêlent et déroutent le visiteur.
Très récemment, une exposition tentée à la galerie Petit montrait
l'extraordinaire décadence de la miniature moderne, comparée aux
œuvres anciennes. Le jury a les plus grandes peines du monde à
pêcher une ou deux histoires dans le tas ; le plus souvent il y renonce.
La miniature française, mère de l’école de peinture, est comme une
reine dépossédée dont les sujets gardent pour eux les bons mor-
ceaux et se font tirer l’oreille pour la moindre dotation à lui faire...
C’est pour réagir un peu contre l’indifférence, et reprendre
une place honorable que les miniaturistes ont résolu, ces dernières
années, de se créer une exposition particulière. La mode est à ces