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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 14.1895

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Nr. 2
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Reinach, Salomon: Courrier de l'art antique, 12
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https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0182

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COURRIER DE L’ART ANTIQUE.

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ment et du costume y sont rendus avec fidélité et précision. Il est évident
qu’ils ont été sculptés très vite et par des artistes improvisés. Sculpteurs et
maçons n’étaient autres que les soldats»Trajan. Déposant le glaive, ils ont pris
le ciseau et la truelle pour ériger, dans la province qu’ils avaient soumise, un
monumentcommémoratif de leur victoire. Quantau dessin général du trophée,
on peut l’attribuer à Apollodore de Damas, l’architecte favori de Trajan,qui
l’accompagna dans ses longues guerres. C'est donc ici surtout qu’on est en
droit de parler de l’habileté grecque prêtant son concours à une conception
toute romaine, sorte de prise de possession du sol par un travail gigantes-
que qui devait frapper l’imagination des barbares. Le motif n’est que la
transformation imposante de celui du trophée primitif, consistant en un
monticule de terre ou de pierre surmonté d’une hampe où sont attachées les
armes des vaincus. Nous possédons en France, à la Turine, près de Nice, les
restes du seul monument de ce genre qui fût connu avant la découverte
d’Adam-KIissi. Mais il en existait bien d’autres, comme ceux de Pompée sur
les Pyrénées, de Drusus sur l’Elbe, de Germanicus sur la Weser. De ceux-là,
nous n’avons conservé que le souvenir. Le trophée de la Turine, érigé par
Auguste après la soumission des populations des Alpes, était de dimensions
assez modestes. Celui de Trajan est colossal : 27 mètres de diamètre et
32 mètres ou davantage de hauteur!

Le patriotisme roumain, écho de légendes populaires encore vivaces, a
voué un culte légitime au nom de Trajan. Décébale, le chef héroïque des Daces,
qui, vaincu, se tua pour échapper à la servitude, n’est à ses yeux qu’un
barbare, dont la défaite, à la vérité glorieuse, fut un bonheur pour la civi-
lisation. 11 en est autrement chez nous où, depuis le xixe siècle du moins,
Vercingétorix est plus populaire que César. Cela tient à ce que le sentiment
de la latinité n’est pas exalté en France, pays limitrophe de deux grands
royaumes latins, l’Italie et l’Espagne. L’individualisme national se réclame
plutôt de nos origines gauloises. La situation morale de la Roumanie est
bien différente. C’est un îlot latin perdu au milieu de contrées slaves, magya-
res, germaniques et turques. Sa latinité, et sa latinité seule, constitue sa per-
sonnalité historique. Trajan a donc été le vrai fondateur de la nationalité
roumaine ; sa mémoire reste pour elle comme un palladium. Elle en a main-
tenant retrouvé le symbole tangible dans le monument d’Adam-KIissi. Et l’on
comprend assez que le sénateur Tocilescu, en s’attachant avec passion à cette
illustre ruine, ne fait pas seulement œuvre d’archéologue, mais de citoyen.

S Aï. O MOX REIN AC II.
 
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