HOUDON DANS SON ATELIER.
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On l'a dit souvent et fort justement : l’esquisse nous donne la
première pensée, le premier jet du maître; et cela est vrai surtout
pour Boilly, esprit essentiellement primesautier. L’artiste a laissé
ici courir son crayon et se livre bride abattue à toute son imagina-
tion. La figure d’Houdon n’est plus tout à fait la même dans les deux
pages. Explique qui pourra cette contradiction. Nous la constatons non
pas seulement ici, mais aussi dans d’autres dessins de Boilly', surtout
dans le Houdon modelant le buste de Napoléon Ier. A travers le pin-
ceau de l’artiste, on sent l’ardente et respectueuse admiration du
peintre pour son modèle. Il poétise la tète, lui donne une apparence
plus forte, presque carrée, à la Franklin. à la Washington, rappe-
lant, en un mot, les grands hommes que le statuaire était allé au
delà des mers modeler chez eux.
Dans le tableau, au contraire, l’imagination a fait place à la
réalité. Si Houdon perd de sa grandeur, il gagne en ressemblance :
c’est toujours le même Houdon, mais un Houdon bourgeois, intime,
entouré des siens, qui ne pose pas, qui demande à son ami de le faire
tel qu’il est, plus ressemblant mais bien moins artistique
La dissemblance continue entre les deux oeuvres, quant aux
filles du sculpteur. L’esquisse nous montre les jeunes filles saisies
dans des poses familières et abandonnées; elles sont souriantes;
leurs robes sont largement décolletées et ne cachent nullement leurs
jeunes formes. Ce n’est plus tout à fait la mode du Directoire et ce
n’est pas encore celle de l’Empire. Mais qu’elles sont jolies et appé-
tissantes dans leur déshabillé galant!
Dans le tableau au contraire, bien connu des amateurs, des
fervents, tout cela disparaît. Evidemment, la sollicitude maternelle
avait pris ombrage et avait demandé au peintre ami des modifica-
tions dans le costume. On sent que la ressemblance doit être plus
grande; la chose devait plaire davantage au père et à la mère, mais
combien moins agréable, moins séduisante pour le spectateur! Les
robes des jeunes filles sont montantes; comme attristés par
ce changement, les visages ne sont plus aussi souriants, ni si
naturels, partant bien moins jolis. Enfin la mère elle-même a
1. Hoilly avait des liens étroits d'amitié avec Houdon. Nous en trouvons une
nouvelle preuve dans le catalogue de la vente faite après son décès, le 31 jan-
vier 1843: » N° 12, Portrait d’iloudon, statuaire; il est debout devant une sellette,
sur laquelle est un buste en terre qu’il est en train de modeler. — N° 13, Portrait du
frère d’iloudon. »
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On l'a dit souvent et fort justement : l’esquisse nous donne la
première pensée, le premier jet du maître; et cela est vrai surtout
pour Boilly, esprit essentiellement primesautier. L’artiste a laissé
ici courir son crayon et se livre bride abattue à toute son imagina-
tion. La figure d’Houdon n’est plus tout à fait la même dans les deux
pages. Explique qui pourra cette contradiction. Nous la constatons non
pas seulement ici, mais aussi dans d’autres dessins de Boilly', surtout
dans le Houdon modelant le buste de Napoléon Ier. A travers le pin-
ceau de l’artiste, on sent l’ardente et respectueuse admiration du
peintre pour son modèle. Il poétise la tète, lui donne une apparence
plus forte, presque carrée, à la Franklin. à la Washington, rappe-
lant, en un mot, les grands hommes que le statuaire était allé au
delà des mers modeler chez eux.
Dans le tableau, au contraire, l’imagination a fait place à la
réalité. Si Houdon perd de sa grandeur, il gagne en ressemblance :
c’est toujours le même Houdon, mais un Houdon bourgeois, intime,
entouré des siens, qui ne pose pas, qui demande à son ami de le faire
tel qu’il est, plus ressemblant mais bien moins artistique
La dissemblance continue entre les deux oeuvres, quant aux
filles du sculpteur. L’esquisse nous montre les jeunes filles saisies
dans des poses familières et abandonnées; elles sont souriantes;
leurs robes sont largement décolletées et ne cachent nullement leurs
jeunes formes. Ce n’est plus tout à fait la mode du Directoire et ce
n’est pas encore celle de l’Empire. Mais qu’elles sont jolies et appé-
tissantes dans leur déshabillé galant!
Dans le tableau au contraire, bien connu des amateurs, des
fervents, tout cela disparaît. Evidemment, la sollicitude maternelle
avait pris ombrage et avait demandé au peintre ami des modifica-
tions dans le costume. On sent que la ressemblance doit être plus
grande; la chose devait plaire davantage au père et à la mère, mais
combien moins agréable, moins séduisante pour le spectateur! Les
robes des jeunes filles sont montantes; comme attristés par
ce changement, les visages ne sont plus aussi souriants, ni si
naturels, partant bien moins jolis. Enfin la mère elle-même a
1. Hoilly avait des liens étroits d'amitié avec Houdon. Nous en trouvons une
nouvelle preuve dans le catalogue de la vente faite après son décès, le 31 jan-
vier 1843: » N° 12, Portrait d’iloudon, statuaire; il est debout devant une sellette,
sur laquelle est un buste en terre qu’il est en train de modeler. — N° 13, Portrait du
frère d’iloudon. »