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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ne trouve à Sienne aucun artiste pour le diriger, et tous les conseils
qu'il reçoit lui viennent de cette chaire du grand maître pisan qui
trônait solitaire sous les voûtes de la cathédrale siennoise et qui était
la gloire de la cité. L’imagination du jeune artiste devait être
d’autant plus profondément impressionnée par cette œuvre que rien
ne pouvait en contrebalancer l'influence.
Cette influence de Nicolas de Pise, on la reconnaîtra d’une façon
générale dans le sentiment qui inspire les œuvres de J. della Quercia
et, d'une manière plus particulière, dans la forme même de la compo-
sition et dans le style des figures. L’art de Jacopo est comme une
énergique protestation contre les tendances de l’école florentine du
xve siècle et spécialement contre celles de Ghiberti. Il sera l’ennemi
de cette école, qui fait une place si prépondérante aux accessoires de
la composition et il ne cessera de proscrire impitoyablement toute
représentation de paj’sages ou de monuments, pour concentrer
l’intérêt sur la figure humaine. Comme dans les œuvres pisanes, le
bas-relief de Jacopo est rempli tout entier par les personnages sans
qu’aucune place vide soit ménagée autour d’eux. Cette méthode
pisane est tout à fait apparente dans les cinq reliefs du linteau de
San Petronio : la Nativité, les Mages1, la Présentation, le Massacre des
Innocents, la Fuite en Égypte.
A cette influence pisane qui, chez Jacopo della Quercia, fut celle
des premières années, d’autres influences sont venues successivement
s’ajouter. C’est d’abord une action florentine, non pas l’action de
Ghiberti ou de ses contemporains, mais celle des maîtres du passé,
celle de Giotto et d’Andrea de Pise, influence nettement apparente dans
les premières scènes de la Genèse de San Petronio, dans lesquelles
Jacopo emprunte aux bas-reliefs du campanile de Florence la dispo-
sition générale de la scène et le mouvement des figures. Il est à
remarquer que Jacopo ne s’inspire pas des maîtres florentins de son
âge; de même qu’à Sienne il avait consulté les œuvres pisanes du
xuie siècle, de même, à Florence, c’est à Giotto qu’il demande des
conseils. Tandis qu’à Florence on est épris d’exécution raffinée, de
travail minutieux, tandis qu’on y cisèle le marbre avec la délicatesse
d’un travail d’orfèvre, Jacopo, reprenant la grande tradition du
xme siècle, reste indiffèrent aux détails pour ne se préoccuper que des
1. Dans cette Adoration des Mages, Jacopo emprunte le motif général aux Mages
de la chaire de Pise, et les détails aux Mages de la chaire de Sienne. Dans la
Nativité, la figure de la Vierge est copiée sur la Vierge de Jean de Pise (chaires de
Pise et de Pistoie).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ne trouve à Sienne aucun artiste pour le diriger, et tous les conseils
qu'il reçoit lui viennent de cette chaire du grand maître pisan qui
trônait solitaire sous les voûtes de la cathédrale siennoise et qui était
la gloire de la cité. L’imagination du jeune artiste devait être
d’autant plus profondément impressionnée par cette œuvre que rien
ne pouvait en contrebalancer l'influence.
Cette influence de Nicolas de Pise, on la reconnaîtra d’une façon
générale dans le sentiment qui inspire les œuvres de J. della Quercia
et, d'une manière plus particulière, dans la forme même de la compo-
sition et dans le style des figures. L’art de Jacopo est comme une
énergique protestation contre les tendances de l’école florentine du
xve siècle et spécialement contre celles de Ghiberti. Il sera l’ennemi
de cette école, qui fait une place si prépondérante aux accessoires de
la composition et il ne cessera de proscrire impitoyablement toute
représentation de paj’sages ou de monuments, pour concentrer
l’intérêt sur la figure humaine. Comme dans les œuvres pisanes, le
bas-relief de Jacopo est rempli tout entier par les personnages sans
qu’aucune place vide soit ménagée autour d’eux. Cette méthode
pisane est tout à fait apparente dans les cinq reliefs du linteau de
San Petronio : la Nativité, les Mages1, la Présentation, le Massacre des
Innocents, la Fuite en Égypte.
A cette influence pisane qui, chez Jacopo della Quercia, fut celle
des premières années, d’autres influences sont venues successivement
s’ajouter. C’est d’abord une action florentine, non pas l’action de
Ghiberti ou de ses contemporains, mais celle des maîtres du passé,
celle de Giotto et d’Andrea de Pise, influence nettement apparente dans
les premières scènes de la Genèse de San Petronio, dans lesquelles
Jacopo emprunte aux bas-reliefs du campanile de Florence la dispo-
sition générale de la scène et le mouvement des figures. Il est à
remarquer que Jacopo ne s’inspire pas des maîtres florentins de son
âge; de même qu’à Sienne il avait consulté les œuvres pisanes du
xuie siècle, de même, à Florence, c’est à Giotto qu’il demande des
conseils. Tandis qu’à Florence on est épris d’exécution raffinée, de
travail minutieux, tandis qu’on y cisèle le marbre avec la délicatesse
d’un travail d’orfèvre, Jacopo, reprenant la grande tradition du
xme siècle, reste indiffèrent aux détails pour ne se préoccuper que des
1. Dans cette Adoration des Mages, Jacopo emprunte le motif général aux Mages
de la chaire de Pise, et les détails aux Mages de la chaire de Sienne. Dans la
Nativité, la figure de la Vierge est copiée sur la Vierge de Jean de Pise (chaires de
Pise et de Pistoie).