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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Rechercher jusqu’à quel point la contrefaçon poussa ses audaces,
examiner ce que tentèrent et obtinrent pour la sauvegarde de leurs
intérêts les auteurs lésés, apprécier le plus ou moins d’efficacité des
mesures légales destinées à défendre la production d’art contre le
plagiat et le pillage, tel est l’objet que nous nous proposons.
La gravure sur bois, invention du xve siècle, ne se prêta pas, dès
ses débuts, à la contrefaçon, car elle ne servait d’abord qu’à la pro-
duction de vulgaires images de saints destinées à l’usage du peuple.
Mais aussitôt qu’on commença, vers le milieu du siècle, à ajouter
sur le bois même un texte explicatif et à réunir ces gravures en
recueils, le métier devint plus profitable, s’améliora, et aussitôt les
copistes s’emparèrent de ces oeuvres pour les propager en diverses
contrées. C’est ainsi que les livres xylographiques, dont il faut cher-
cher l’origine dans les Pays-Bas, et qui formaient la bibliothèque et
en même temps la galerie du clergé pauvre, se répandirent, depuis
1460 environ jusqu’au commencement du xvie siècle, copiés sous
quantité de formes différentes, dans tous les pays limitrophes. De
Y Art de bien mourir on connaît plus d’une douzaine d’éditions xylo-
graphiques, sans compter les éditions typographiques, dix de la Bible
des pauvres, six de Y Apocalypse, trois du Cantique des cantiques, etc.
Le premier de ces livres, Y Art de bien mourir, est lui-même la copie
d’une série de gravures du maître allemand E. S., comme l’a démontré
M. Lehr s {Jahrbuch der k. preuss. Kunstsammlungen, XI, 161); d’autre
part, le graveur Israhel van Meckenem exécuta des copies en taille-
douce d’après des compositions de la Bible des pauvres, et, avant lui, le
Maître aux banderoles, d’après l’Alphabet xylographique (v. Dutuit,
Manuel de l’amateur d’estampes, 1.1 ; W. L. Schreiber, Centralblatt für
Bibliothekswesen, 1895). De même, les vues de villes, les illustrations
de livres d’heures, qui avaient remplacé les miniatures usitées
durant le moyen âge, enfin toutes les images jouissant d’une grande
popularité, furent sujettes à de fréquentes contrefaçons. Vers le
commencement du xvie siècle, les gravures sur bois de Dürer, dont
nous aurons encore l’occasion de parler, fournirent, à cause de la
grandeur, de la richesse et de la vivacité de leur invention, une
source intarissable à des artistes de tous genres, grands et petits.
Pareillement, les suites composées par Holbein, tels que les sujets
de l’Ancien Testament, la Danse des morts, Y Apocalypse, Y Alphabet de
la mort, furent souvent copiées; la Danse des morts le fut même en
fresque, au palais épiscopal de Coire.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Rechercher jusqu’à quel point la contrefaçon poussa ses audaces,
examiner ce que tentèrent et obtinrent pour la sauvegarde de leurs
intérêts les auteurs lésés, apprécier le plus ou moins d’efficacité des
mesures légales destinées à défendre la production d’art contre le
plagiat et le pillage, tel est l’objet que nous nous proposons.
La gravure sur bois, invention du xve siècle, ne se prêta pas, dès
ses débuts, à la contrefaçon, car elle ne servait d’abord qu’à la pro-
duction de vulgaires images de saints destinées à l’usage du peuple.
Mais aussitôt qu’on commença, vers le milieu du siècle, à ajouter
sur le bois même un texte explicatif et à réunir ces gravures en
recueils, le métier devint plus profitable, s’améliora, et aussitôt les
copistes s’emparèrent de ces oeuvres pour les propager en diverses
contrées. C’est ainsi que les livres xylographiques, dont il faut cher-
cher l’origine dans les Pays-Bas, et qui formaient la bibliothèque et
en même temps la galerie du clergé pauvre, se répandirent, depuis
1460 environ jusqu’au commencement du xvie siècle, copiés sous
quantité de formes différentes, dans tous les pays limitrophes. De
Y Art de bien mourir on connaît plus d’une douzaine d’éditions xylo-
graphiques, sans compter les éditions typographiques, dix de la Bible
des pauvres, six de Y Apocalypse, trois du Cantique des cantiques, etc.
Le premier de ces livres, Y Art de bien mourir, est lui-même la copie
d’une série de gravures du maître allemand E. S., comme l’a démontré
M. Lehr s {Jahrbuch der k. preuss. Kunstsammlungen, XI, 161); d’autre
part, le graveur Israhel van Meckenem exécuta des copies en taille-
douce d’après des compositions de la Bible des pauvres, et, avant lui, le
Maître aux banderoles, d’après l’Alphabet xylographique (v. Dutuit,
Manuel de l’amateur d’estampes, 1.1 ; W. L. Schreiber, Centralblatt für
Bibliothekswesen, 1895). De même, les vues de villes, les illustrations
de livres d’heures, qui avaient remplacé les miniatures usitées
durant le moyen âge, enfin toutes les images jouissant d’une grande
popularité, furent sujettes à de fréquentes contrefaçons. Vers le
commencement du xvie siècle, les gravures sur bois de Dürer, dont
nous aurons encore l’occasion de parler, fournirent, à cause de la
grandeur, de la richesse et de la vivacité de leur invention, une
source intarissable à des artistes de tous genres, grands et petits.
Pareillement, les suites composées par Holbein, tels que les sujets
de l’Ancien Testament, la Danse des morts, Y Apocalypse, Y Alphabet de
la mort, furent souvent copiées; la Danse des morts le fut même en
fresque, au palais épiscopal de Coire.