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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vraiment incroyable. Le cadre du décor les éblouissait; ils ne distin-
guaient que lui.
Toujours est-il que les mystères de la Déesse fixèrent leur atten-
tion, à ce point qu’ils voulurent retrouver en eux l’origine de l’une
de leurs croyances. Les analystes contemporains des Ptolémées
affirmaient qu’à une époque lointaine, qu’ils ne précisaient point,
des Egyptiens venus en Attique en avaient apporté les rites, et que
la tradition s’en était perpétuée parmi les Pélasges. La légende
brodée sur ce thème, pour vrai qu’on tienne leur dire, différait sen-
siblement, en tout cas, de celle de l’Isis égyptienne. Selon eux, en
effet, la Grande pleureuse s’identifie à Déméter qui, à la recherche
de sa fille Coré, arrive à Eleusis, où elle est accueillie par Dysaulès
et l’obscène Baubo. Là, elle enseigne aux Grecs encore barbares l’art
de cultiver le blé, et ceux-ci reconnaissants instituent en son
honneur des panégyries, dont elle-même à indiqué les exercices aux
familles des Eumolpides et des Kéryces, qui, dans la suite, quand la
religion de la déesse fut proclamée religion d’état, en devinrent les
initiateurs.
Mais cette fable, même ainsi présentée, était encore aux yeux
des Grecs trop monotone. Leur esprit s’accommodait mal de la dou-
leur. Aussi ajoutaient-ils que Déméter ne resta pas longtemps incon-
solable, qu’elle oublia auprès d’un certain Céléus la peine que lui
avait causée le rapt de sa fille, et qu’un fils, Eubouleus, naquit de
leur union. Et, à son tour, l’enfant divin prend place dans le mythe
sous le nom de Zeus Eubouleus Dionysos, identifié à Osiris.
Un rapprochement est-il possible? La Grèce préhistorique eut,
sans contredit, un contact plus ou moins direct avec l’Égypte. Sous
la xviue dynastie, Thotmès III avait, au cours de ses campagnes
contre les Phéniciens, soumis les principales colonies de ceux-ci,
Chypre, la Cilicie, « les îles qui sont dans la mer » — l’Archipel,
.— et les Dardanes. Sous Séti Ier, les Pélasges, alliés aux Libyens,
assaillent à leur tour l’Égypte ; mais ils sont si rudement repoussés
qu’ils s’abstiennent de toute nouvelle hostilité jusqu’au règne de
Ramsès IL Les Shardanes faits prisonniers par celui-ci sont enrôlés
dans son armée, et servent contre les Lyciens, les Lydiens, les
Mysiens et autres tribus de la Troade ; et dans les combats d’alors
nous voyons sans cesse cités les Aquiousha (Achéens) et les Shaka-
lousha (Sagalassos). Enfin, mieux que ces conjectures, divers objets
trouvés dans les tombes de Mycène établissent que, quelques siècles
avant le siège d’Ilion, des rapports directs unissaient l’Égypte à la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vraiment incroyable. Le cadre du décor les éblouissait; ils ne distin-
guaient que lui.
Toujours est-il que les mystères de la Déesse fixèrent leur atten-
tion, à ce point qu’ils voulurent retrouver en eux l’origine de l’une
de leurs croyances. Les analystes contemporains des Ptolémées
affirmaient qu’à une époque lointaine, qu’ils ne précisaient point,
des Egyptiens venus en Attique en avaient apporté les rites, et que
la tradition s’en était perpétuée parmi les Pélasges. La légende
brodée sur ce thème, pour vrai qu’on tienne leur dire, différait sen-
siblement, en tout cas, de celle de l’Isis égyptienne. Selon eux, en
effet, la Grande pleureuse s’identifie à Déméter qui, à la recherche
de sa fille Coré, arrive à Eleusis, où elle est accueillie par Dysaulès
et l’obscène Baubo. Là, elle enseigne aux Grecs encore barbares l’art
de cultiver le blé, et ceux-ci reconnaissants instituent en son
honneur des panégyries, dont elle-même à indiqué les exercices aux
familles des Eumolpides et des Kéryces, qui, dans la suite, quand la
religion de la déesse fut proclamée religion d’état, en devinrent les
initiateurs.
Mais cette fable, même ainsi présentée, était encore aux yeux
des Grecs trop monotone. Leur esprit s’accommodait mal de la dou-
leur. Aussi ajoutaient-ils que Déméter ne resta pas longtemps incon-
solable, qu’elle oublia auprès d’un certain Céléus la peine que lui
avait causée le rapt de sa fille, et qu’un fils, Eubouleus, naquit de
leur union. Et, à son tour, l’enfant divin prend place dans le mythe
sous le nom de Zeus Eubouleus Dionysos, identifié à Osiris.
Un rapprochement est-il possible? La Grèce préhistorique eut,
sans contredit, un contact plus ou moins direct avec l’Égypte. Sous
la xviue dynastie, Thotmès III avait, au cours de ses campagnes
contre les Phéniciens, soumis les principales colonies de ceux-ci,
Chypre, la Cilicie, « les îles qui sont dans la mer » — l’Archipel,
.— et les Dardanes. Sous Séti Ier, les Pélasges, alliés aux Libyens,
assaillent à leur tour l’Égypte ; mais ils sont si rudement repoussés
qu’ils s’abstiennent de toute nouvelle hostilité jusqu’au règne de
Ramsès IL Les Shardanes faits prisonniers par celui-ci sont enrôlés
dans son armée, et servent contre les Lyciens, les Lydiens, les
Mysiens et autres tribus de la Troade ; et dans les combats d’alors
nous voyons sans cesse cités les Aquiousha (Achéens) et les Shaka-
lousha (Sagalassos). Enfin, mieux que ces conjectures, divers objets
trouvés dans les tombes de Mycène établissent que, quelques siècles
avant le siège d’Ilion, des rapports directs unissaient l’Égypte à la