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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’un monument gothique d’Italie et les monuments français, et jamais
ils ne songent à tirer de ces rapprochements accidentels une conclu-
sion plus générale.
Il fallut pourtant reconnaître une influence française, d’ailleurs
tardive et locale, lorsque Schulz, dans son magistral ouvrage sur les
Monuments du moyen âge dans l'Italie méridionale ', eut prouvé, par
les documents d’archives, que les édifices élevés sous la domination
angevine à Naples et dans les provinces du sud, étaient l’œuvre,
non pas de Giovanni Pisano ou des Masuccio et des Maglione
inventés parle trop ingénieux de Dominici, mais bien d’architectes
français, dont il faisait connaître quelques noms. Toutefois, l’impor-
tation de l’art français avait commencé bien avant la conquête de
Charles Ier (1266) : c’est un savant français, M. de Verneihl, qui en
eut pour ainsi dire la divination; il émit même l’hypothèse que les
« missionnaires de l’art français », en Italie comme en Allemagne,
auraient pu être les moines de Citeaux s. Cette indication, laissée
sans preuves et passée inaperçue, M. Enlart l’a reprise et développée
de telle façon que sa démonstration doit être regardée comme une
véritable découverte. La période de l’histoire de l’art en Italie qu’il
a étudiée, naguère si confuse et si obscure, est aujourd’hui connue
à la fois dans ses grandes lignes et dans ses plus petits détails.
Depuis l’adoption du type antique des rotondes et la formation du
type des basiliques, le génie italien, vivant sur son passé, n’a plus
créé de nouvelles formes d’architecture religieuse jusqu’à la Renais-
sance. Sans parler ici des influences byzantines, c’est à la fois de
France et d’Allemagne que l’architecture voûtée dite romane fut
importée au xi^ siècle dans le nord de l’Italie : elle y produisit à
Milan, à Pavie, à Vérone des monuments considérables et célèbres.
En même temps, les Normands élevèrent dans l’Italie méridionale
des édifices où l’on peut distinguer beaucoup de détails français et
même deux églises à déambulatoire, Santa Trinità de Venosa et la
cathédrale d’Aversa1 2 3. Mais ce type d’édifices ne pénétra qu’exception-
1. Denkmäler der Kunst des Mittelalters in Unteritalien. Dresde, 1860, 3 vol.
in-4» et un atlas in-folio.
2. Voir son article dans les Annales archéologiques, t. XXI, p. 77 et suiv. t. XXVI,
p. 338 et suiv., sous ce titre : Le style ogival en Italie. M. Enlart lui a rendu
pleine justice, dans plusieurs passages de son livre, notamment à la page 223.
3. On a rapproché souvent, et avec raison, de Santa-Trinità de Venosa, la
cathédrale d’Acerenza, qui fut construite seulement en 1281, mais qui, comme le
prouve un document angevin, fut copiée d’après un modèle plus ancien.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
d’un monument gothique d’Italie et les monuments français, et jamais
ils ne songent à tirer de ces rapprochements accidentels une conclu-
sion plus générale.
Il fallut pourtant reconnaître une influence française, d’ailleurs
tardive et locale, lorsque Schulz, dans son magistral ouvrage sur les
Monuments du moyen âge dans l'Italie méridionale ', eut prouvé, par
les documents d’archives, que les édifices élevés sous la domination
angevine à Naples et dans les provinces du sud, étaient l’œuvre,
non pas de Giovanni Pisano ou des Masuccio et des Maglione
inventés parle trop ingénieux de Dominici, mais bien d’architectes
français, dont il faisait connaître quelques noms. Toutefois, l’impor-
tation de l’art français avait commencé bien avant la conquête de
Charles Ier (1266) : c’est un savant français, M. de Verneihl, qui en
eut pour ainsi dire la divination; il émit même l’hypothèse que les
« missionnaires de l’art français », en Italie comme en Allemagne,
auraient pu être les moines de Citeaux s. Cette indication, laissée
sans preuves et passée inaperçue, M. Enlart l’a reprise et développée
de telle façon que sa démonstration doit être regardée comme une
véritable découverte. La période de l’histoire de l’art en Italie qu’il
a étudiée, naguère si confuse et si obscure, est aujourd’hui connue
à la fois dans ses grandes lignes et dans ses plus petits détails.
Depuis l’adoption du type antique des rotondes et la formation du
type des basiliques, le génie italien, vivant sur son passé, n’a plus
créé de nouvelles formes d’architecture religieuse jusqu’à la Renais-
sance. Sans parler ici des influences byzantines, c’est à la fois de
France et d’Allemagne que l’architecture voûtée dite romane fut
importée au xi^ siècle dans le nord de l’Italie : elle y produisit à
Milan, à Pavie, à Vérone des monuments considérables et célèbres.
En même temps, les Normands élevèrent dans l’Italie méridionale
des édifices où l’on peut distinguer beaucoup de détails français et
même deux églises à déambulatoire, Santa Trinità de Venosa et la
cathédrale d’Aversa1 2 3. Mais ce type d’édifices ne pénétra qu’exception-
1. Denkmäler der Kunst des Mittelalters in Unteritalien. Dresde, 1860, 3 vol.
in-4» et un atlas in-folio.
2. Voir son article dans les Annales archéologiques, t. XXI, p. 77 et suiv. t. XXVI,
p. 338 et suiv., sous ce titre : Le style ogival en Italie. M. Enlart lui a rendu
pleine justice, dans plusieurs passages de son livre, notamment à la page 223.
3. On a rapproché souvent, et avec raison, de Santa-Trinità de Venosa, la
cathédrale d’Acerenza, qui fut construite seulement en 1281, mais qui, comme le
prouve un document angevin, fut copiée d’après un modèle plus ancien.