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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 23.1900

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Nr. 1
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Chennevières, Henry de: Le legs de la baronne Nathaniel de Rothschild au Musée du Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24720#0012

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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tête de Vierge : la figure du Bambino, un prodige de vie, est d’un
dessin pénétrant. De même le Ghirlandajo, d’un relief moral à la
fois suave et vigoureux.

Mais Mme de Rothschild semble avoir voulu faire aussi la part
de ceux des visiteurs du Louvre dont le goût ne s’élèvera jamais
jusqu’à ces maîtres souverains, et sa libéralité comprend un Greuze
célèbre, La Laitière, tableau d’importance dans la production du
peintre. Aux termes mêmes du testament de la bienfaitrice, cette
œuvre, l’une des plus parfaites de Greuze, formerait sur la cimaise
le pendant tout naturel de la Cruche cassée. Aucune peinture n’est
mieux faite pour aller au cœur du public, aucune n’aurait été mieux
venue. Greuze, en effet, n’a jamais cessé, ni ne cessera d’être le
favori de l’âme française. Bien avant l’apothéose actuelle de l’art du
xvme siècle, il avait ses fidèles, et si, sous la Révolution et l'Empire,
une éclipse parut le menacer ce dont les collectionneurs anglais le
revanchèrent alors à belles guinées comptant , ce fut pour retrouver
une faveur chaque jour grandissante. Dès 1821, le baron James de
Rothschild, père de notre donatrice, acquérait justement cette Lai-
tière au prix de 7.210 francs. Et les ventes de l’hôtel Bullion ne
cessaient d’être clémentes à Greuze. La mode de ses tètes de jeunes
filles et de jeunes femmes en vint même au point de faire surgir
le plus hardi faussaire. Dedreux-Dorcy, le surhabile peintre de genre,
se lit une joie de fournir Paris de Greuze de sa façon. L’ironie
serait charmante de parcourir les collections et les salons français
et d’y voir honoré, comme il convient, le sosie de Greuze.

Les Goncourt et le spirituel dernier biographe de Greuze,
M. Ch. Normand, n’ont pas manqué de mettre La Laitière au rang
de ses peintures capitales. Elle est de l’expression la plus caressée
et faite pour le charme de tous les yeux. Si la perfection d’un ouvrage
réside dans la conformité du dessin, de la couleur et de l’ambiance
avec le sujet, pareil tableau mérite le nom de chef-d’œuvre. Diderot
l’eût ainsi qualifié dans ses Salons, tout pleins de la juste louange
de Greuze ; malheureusement cette peinture, postérieure à l’exposition
de 1709, année de la brouille de l’artiste avec Messieurs de l’Académie
Royale, n’eut pas à mettre en verve le mousseux écrivain, et nous y
perdons une page savoureuse. Il n’aurait pas manqué de lire tout un
poème dans la mine, la mise, la coiffe, l’attitude et le tout ensemble
de cette jolie fille, déguisée en reine des laitières. Appuyée du bras
gauebe sur la crinière de sa petite mazette porte-paniers, la plus
belle des villageoises d’opéra-comique attend, sa mesure à la main,
 
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