GAZETTE DES BEAUX-ARTS
40
le plus. 11 occupait la partie des jardins où se trouve aujourd’hui
le « Rond Vert », dont la cuvette gazonnée rappelle la dis-
position ancienne, et il avait servi, comme le Marais, aux fêtes
de 1674.
Louis XIV n’habitait point encore Versailles définitivement,
mais il y faisait des séjours de plus en plus prolongés, et les fêtes que
nous rappelons furent espacées, de semaine en semaine, pendant
deux mois. La journée du Théâtre fut la quatrième : « Le Roi, ayant
donné ordre que la fête de ce jour-là fût encore plus magnifique et
plus décorée que les précédentes, commanda qu’on préparât la colla-
tion au Théâtre, qui est dans un des bois du Petit Parc. C’est une
grande place presque ronde et séparée en deux parties. La première,
qui sert d’orchestre, contient un demi-cercle, autour duquel sont
élevées trois marches en formes de sièges pour servir d’amphi-
théâtre... Il semblait que le lieu même présentât à la compagnie les
différents mets dont elle devait être régalée. Car c’était sur les trois
marbres qui environnent la place qu’on les avait disposés dans un
ordre qui charmait les yeux de tout le monde... Sur le plus haut
des degrés régnait un ornement de fleurs composé de vingt-quatre
grandes bordures en forme de miroirs, qui renfermaient les chiffres
du Roi. Lntre chaque miroir, il y avait un grand oranger chargé de
Heurs et de fruits... Sur les deux autres degrés, il y avait, dans deux
grands vases de porcelaine, cent soixante tant pommiers, abrico-
tiers, pêchers, qu’autres différents arbrisseaux, tous chargés de leurs
fruits. » Le bon Félibien, auquel je dois renvoyer le lecteur, conti-
nue assez longuement d’énumérer les pyramides de fruits, les cor-
beilles remplies de pâtes et de confitures sèches, les quatre cent tas-
ses de cristal pleines de glace, et mille autres choses délectables à la
vue et au goût. Mais le grand plaisir fut le spectacle des eaux, qui
mirent sous les yeux des assistants leur féerie changeante et leplus
singulier décor de ce genre qu’on eût jamais réalisé.
Nulle part les effets imaginés par les ingénieurs de Versailles
n'atteignaient autant de précision et de variété. Les plans de la
canalisation qui sont conservés témoignent de leur complication
savante. Ils furent sans cesse remaniés et perfectionnés au cours du
règne. Le décor permanent du bosquet subit aussi plusieurs chan-
gements, comme l’attestent les comptes et les estampes. En 1677, on
ajoute dix-huit petits bassins ronds ; il en sort dix-huit jets d’eau,
sous des berceaux taillés que représentera agréablement le graveur
Rigaud. Plus tard, on met partout un fond de treillage, au lieu de
40
le plus. 11 occupait la partie des jardins où se trouve aujourd’hui
le « Rond Vert », dont la cuvette gazonnée rappelle la dis-
position ancienne, et il avait servi, comme le Marais, aux fêtes
de 1674.
Louis XIV n’habitait point encore Versailles définitivement,
mais il y faisait des séjours de plus en plus prolongés, et les fêtes que
nous rappelons furent espacées, de semaine en semaine, pendant
deux mois. La journée du Théâtre fut la quatrième : « Le Roi, ayant
donné ordre que la fête de ce jour-là fût encore plus magnifique et
plus décorée que les précédentes, commanda qu’on préparât la colla-
tion au Théâtre, qui est dans un des bois du Petit Parc. C’est une
grande place presque ronde et séparée en deux parties. La première,
qui sert d’orchestre, contient un demi-cercle, autour duquel sont
élevées trois marches en formes de sièges pour servir d’amphi-
théâtre... Il semblait que le lieu même présentât à la compagnie les
différents mets dont elle devait être régalée. Car c’était sur les trois
marbres qui environnent la place qu’on les avait disposés dans un
ordre qui charmait les yeux de tout le monde... Sur le plus haut
des degrés régnait un ornement de fleurs composé de vingt-quatre
grandes bordures en forme de miroirs, qui renfermaient les chiffres
du Roi. Lntre chaque miroir, il y avait un grand oranger chargé de
Heurs et de fruits... Sur les deux autres degrés, il y avait, dans deux
grands vases de porcelaine, cent soixante tant pommiers, abrico-
tiers, pêchers, qu’autres différents arbrisseaux, tous chargés de leurs
fruits. » Le bon Félibien, auquel je dois renvoyer le lecteur, conti-
nue assez longuement d’énumérer les pyramides de fruits, les cor-
beilles remplies de pâtes et de confitures sèches, les quatre cent tas-
ses de cristal pleines de glace, et mille autres choses délectables à la
vue et au goût. Mais le grand plaisir fut le spectacle des eaux, qui
mirent sous les yeux des assistants leur féerie changeante et leplus
singulier décor de ce genre qu’on eût jamais réalisé.
Nulle part les effets imaginés par les ingénieurs de Versailles
n'atteignaient autant de précision et de variété. Les plans de la
canalisation qui sont conservés témoignent de leur complication
savante. Ils furent sans cesse remaniés et perfectionnés au cours du
règne. Le décor permanent du bosquet subit aussi plusieurs chan-
gements, comme l’attestent les comptes et les estampes. En 1677, on
ajoute dix-huit petits bassins ronds ; il en sort dix-huit jets d’eau,
sous des berceaux taillés que représentera agréablement le graveur
Rigaud. Plus tard, on met partout un fond de treillage, au lieu de